jeudi 19 juin 2014

Le Sénat soutient la réforme pénale de Taubira

Illustration de JM:o en août 2013
Le Sénat vit surement ses derniers jours à gauche avant une nouvelle alternance prévisible au vu des défaites locales de la Gauche aux dernières municipales. Ça ne l'empêche pas de continuer à agir pour le bien de la Gauche (fort heureusement) en osant aller plus loin que les attentes du gouvernement. C’est ce qui ressort de la commission des lois du Sénat qui va proposer aux sénatrices et sénateurs une réforme pénale plus importante que celle votée par les députés le 10 juin dernier.

Nos sénateurs de la commission des lois ont du provoquer quelques malaises à droite. Le Figaro n’a pas trainé considérant qu’il s’agit d’une contre-attaque de la gauche anti-prison. Il est vrai que si Christiane Taubira avait accepté de mettre de l’eau dans son vin lors des débats à l’Assemblée Nationale par solidarité gouvernementale, les sénateurs font une nouvelle fois fi de cette solidarité gouvernementale et proposent donc un texte énergique.

Tout commence avec la volonté de donner dès à présent ses lettres de noblesse à la « contrainte pénale », sanction créée par la réforme Taubira. Dans le texte amendé par les sénateurs, la contrainte pénale devient une peine à part entière et se substitue à la prison pour les cas de "vol, de recel de vol, de filouterie, de dégradation, d'usage de stupéfiants et de certains délits routiers". Dans l’esprit du respect des victimes qui est également un des piliers de la réforme pénale, la contrainte pénale ne pourra pas être applicable pour les atteintes à la personne ou dans les cas de discriminations.

Les sénateurs continuent en reprenant le flambeau de certains de leurs collègues députés qui ont échoué à faire abolir les deux dernières tâches des réformes judiciaires de Nicolas Sarkozy : les tribunaux correctionnels pour mineurs et la rétention de sûreté. La rétention de sûreté se transformerait en « surveillance de sûreté ». Cette surveillance de sûreté n’impliquerait plus une prolongation de privation de libertés pour les détenus ayant terminé leur peine mais étant toujours considérés comme dangereux mais comme une mesure de suivi socio judiciaire. Ces personnes étant tout de même toujours considérées comme étant une population à risque, la surveillance de sûreté peut provoquer une nouvelle peine d’emprisonnement si l’ancien détenu ne respecte par les obligations relatives à sa surveillance.

« Art. 706-53-20. - La violation de ses obligations par la personne placée sous surveillance de sûreté est punie de sept ans d'emprisonnement.
« Constitue notamment  une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prescrit par le médecin traitant et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. »

Dernière grande modification voulue par les sénateurs, permettre l’aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans de prisons même en cas de récidive. A l’Assemblée Nationale, le rapporteur du projet de loi avait accepté de suivre les recommandations du gouvernement et de baisser la limite aux peines inférieures ou égales à un an. Cette disposition devrait provoquer l’ire de la droite à en croire une journaliste du Figaro qui considère que cet amendement est tel qu’"après quoi, les suppressions des tribunaux correctionnels pour mineurs et de la rétention de sûreté feront à peine bondir les détracteurs de la loi Taubira" !

Ce nouveau texte, s’il est voté tel quel par les sénateurs, nous promet de beaux débats en commission mixte paritaire avant son nouveau passage à l’Assemblée Nationale. J’espérais que les sénateurs ne détricotent pas la réforme pénale dans le mauvais sens. Ils proposent plus d’avancées, allant plus loin encore que les amendements des écologistes et des socialistes rejetés à l’Assemblée Nationale. Les débats au Sénat sont prévus du 24 au 27 juin.

mercredi 18 juin 2014

Transition énergétique : le Vert à moitié plein

Les mauvaises langues voyaient déjà la transition énergétique remise aux calendes grecques suite au départ des écolos du gouvernement. A l'opposé, d'autres voyaient du meilleur oeil l'arrivée de Ségolène Royal pour faire passer la promesse présidentielle de la transition énergétique. Ce qui est sur, c'est qu'il est dommage que les écologistes, qui auront eu une part importante dans la préparation de ce projet de transition énergétique, ne soient pas associés au projet. On le verra, ça ne les empêche pas d'être encourageants sur le sujet.

La principale annonce attendue était du coté de la production d'électricité et de la filière nucléaire. La feuille de route reste celle promise avec une diminution de la part d'énergie électrique issue du nucléaire pour arriver au seuil de 50%. Certes la centrale de Fessenheim risque fort d'être encore en activité en 2017, mais le projet de transition énergétique prévoit que la capacité nucléaire installée en France soit plafonnée à 63,2 GW, ce qui est la capacité actuelle. Etant donné que la construction du réacteur de 3ème génération est toujours en cours, cela va obliger à réduire la voilure nationale pour l'inauguration du dernier réacteur de Flamanville. Les jours de Fessenheim sont donc bel et bien comptés, et d'autres centrales vont devoir aussi réduire leur production. On savait, ou on se doutait, que Fessenheim n'allait pas être totalement hors service pour 2017. Les arguments financiers d'Henri Proglio ont surement fait mouche pour l'immédiat mais ne seront pas valables à long terme.

Autre principale annonce qui va impactée tous les Français, l'incitation à se déplacer mieux. Les aides pour l'achat de véhicules électriques seront pérennes et même majorées si l'achat est accompagnée de la mise au rebus d'un véhicule roulant au diesel. Mais à quoi servirait l'achat de voitures électriques si on ne peut pas les recharger facilement ? C'est pourquoi ce plan de transition énergétique prévoit 7 millions de points de recharge partout en France à l'horizon 2030.
En parallèle, collectivités locales et entreprises de transports seront encouragées à faire évoluer leur flotte de véhicules ou leurs projets de transport.

Les annonces sont encore floues et seront détaillées dans les jours à venir mais le projet s'annonce concluant. Pour preuve, Nicolas Hulot y voit un beau moment d'espoir pour la France et dit même : 
"Beaucoup de choses que nous réclamions sont dans cette loi (...) Il faut rester vigilant, exigeant, mais à ce stade, ne boudons pas notre plaisir, et soyons positifs."
Emmanuelle Cosse est aussi positive même si elle en demande bien évidemment plus :
"Le texte marque un tournant, c'est très clair, sur la politique énergétique de la France. Et nous, on l'attendait depuis longtemps. De ce côté-là, c'est réussi."

Comme le dit la secrétaire nationale d'Europe Ecologie - Les Verts, il va falloir attendre les débats à l'Assemblée Nationale pour en savoir plus sur cette loi. Ces débats seront aussi l'occasion de vérifier si Verts et Socialistes peuvent toujours travailler ensemble et comment vont réagir nos chers députés d'opposition, vont-ils encore jouer l'obstruction parlementaire, aux dépends de l'avenir ?

jeudi 12 juin 2014

Hollande aura-t-il tout bon ?

La polémique du moment sur la demande de nomination de Jacques Toubon au poste de Défenseur des Droits éclipse l'information tout aussi importante d'une deuxième demande de nomination formulée par François Hollande. En effet, si le poste de Défenseur des Droits est vacant depuis le décès de Dominique Baudis, un autre poste d'une grande importance va bientôt être vacant, celui de Contrôleur des lieux de privation de libertés.

Actuellement, c'est Jean-Marie Delarue qui occupe ce poste créé en 2008. D'après les textes, sa mission prend fin le 13 juin et ne peut être renouvelée. Le contrôleur des lieux de privation de libertés a, au cours de ses 6 années de mandat, visité toutes les prisons françaises, tous les centres éducatifs fermés, tous les centres de rétention, des dizaines de locaux de garde à vue dans les gendarmeries et les commissariats, et d’hôpitaux psychiatriques, n'oubliant pas, lui, les lieux de privations de libertés situés outre-mers. Avant de quitter son poste, Jean-Marie Delarue s'est confié à Libération sur ce qu'il l'a marqué lors des 6 dernières années. Témoignage émouvant et choquant sur la façon dont on peut oser traiter des êtres humains au 21ème siècle en France. Autre témoignage émouvant que le 1er Contrôleur des lieux de privation de libertés aura laissé derrière lui, c'est l'excellent documentaire de Stéphane Mercurio : "A l'ombre de la République". Dans ce documentaire, nous y voyons toute l'équipe autour de Jean-Marie Delarue au boulot, au contact avec les personnes emprisonnées ou internées. Reportage stupéfiant !

Tous ces témoignages montrent l'importance que revêt le rôle de Contrôleur des lieux de privation de libertés. Pour reprendre le flambeau, François Hollande a pensé à l'ancienne maire de Reims et ancienne secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature, Adeline Hazan. Je suis heureux de cette proposition. Une femme pas encore sexagénaire qui connaît bien le monde de la Justice. Si la candidature d'Adeline Hazan est validée par le Sénat et l'Assemblée Nationale, le signal est fort. Une femme jeune et dynamique pour reprendre un tel rôle, c'est la preuve que ce poste n'est pas sous-considéré et que le président de la République souhaite avoir un contrôleur qui n'a pas sa langue dans sa poche. Car c'est là tout le challenge de la mission, il faut réussir à convaincre toutes les administrations qu'être enfermé n'est pas synonyme d'être privé de droits. 

Jean-Marie Delarue a signalé de nombreux problèmes, il a pu voir certaines corrections mises en oeuvre. Adeline Hazan devra réussir à marcher dans les traces de son illustre prédécesseur et arriver à mettre sa note dans ce rôle. L'important, à mes yeux, est de réussir à toucher les gens en expliquant simplement ce qu'elle et son équipe voient sur le terrain.

Je pense que François Hollande a trouvé la nomination juste pour ce poste. Rendez-vous dans 6 ans pour le bilan.

mercredi 11 juin 2014

Les peines planchers, c'étaient avant

Avant le code pénal pouvait ressembler à ça :

Créé par Loi n°2007-1198 du 10 août 2007 - art. 1 JORF 11 août 2007
Pour les crimes commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
  1. Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
  2. Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
  3. Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
  4. Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
[…]

Ou à ceci :

Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
  1. Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;
  2. Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;
  3. Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;
  4. Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.
[…]


Mais ça, c’était avant.

Mardi soir, l’ensemble des députés socialistes, radicaux de gauche, communistes et écologistes ont voté pour sur l’ensemble du texte du projet de loi relatif à la récidive et à l’individualisation des peines.

En votant pour ce projet de loi, les députés ont validé cette phrase certes petite mais d’une symbolique forte, puisqu’en validant le fait que « le code pénal est ainsi modifié : Les articles 132-18-1, 132-19-1 et 132-19-2 sont abrogés », les députés ont voté pour la fin des peines planchers.

Elles étaient une mesure phare de la réforme Sarkozy/Dati, toujours à chercher à surfer sur les faits divers. Pour l’équipe précédente, on ne pouvait pas faire confiance aux juges pour définir une peine. Les peines planchers étaient le symbole de la défiance de la droite envers la Justice. Cette droite qui n’a jamais cherché à comprendre les causes de la récidive et qui n’avait comme grille de lecture que le tout emprisonnement.

Finies les peines plancher. Les députés de Gauche ont corrigé cette erreur. Ils ont même autorisé la création d’une nouvelle peine, une « contrainte pénale », pour que les personnes coupables d’un délit et qui aurait, à une autre époque, été passible de 5 années d’emprisonnement puissent exécuter leur peine en liberté mais en ayant des contraintes fortes à respecter sous peine d’aller finalement en prison.

Certes, ce projet de loi, utile pour l’abrogation des peines planchers, utile pour redonner un sens aux peines, aurait pu aller plus loin. La rétention de sureté, cette anomalie judiciaire qui autorise à ce qu’on prive de liberté une personne plus longtemps que la durée de la peine formulée par le juge, existe toujours. Des députés écologistes et des députés socialistes ont pourtant déposé des amendements allant dans ce sens. Christiane Taubira est aussi de leur avis mais elle se range sur la position du gouvernement comme elle l’a expliqué dans l’hémicycle le 5 juin dernier :

« L’abrogation de la rétention de sûreté s’impose, j’en suis absolument persuadée. Les raisons pour lesquelles elle doit l’être ont été très clairement exposées par les trois députés qui ont défendu ces amendements. Le Gouvernement ne veut toutefois pas inclure cette mesure dans le texte d’aujourd’hui qui est consacré aux délits. »

L’individualisation des peines est de nouveau la généralité et non plus une exception. Le recours à la prison n’est plus la solution fourre-tout. Aux sénateurs à présent de faire en sorte que ce texte soit applicable.

dimanche 8 juin 2014

"2 jours, 1 nuit", l'incroyable regard des frères Dardenne

Avec leur dernier film, "Deux jours, une nuit", les frères Dardenne sont arrivés avec une sérieuse question, jusqu'où peut aller la solidarité entre employés ? Dans leur film, Marion Cotillard, employée dans une petite entreprise de fabrication de panneaux solaires, est sur le point de se faire licencier. Le patron de l'entreprise a laissé le choix aux 16 autres ouvriers : soit ils reçoivent une prime de 1000€ et le personnage joué par Marion Cotillard est viré, soit ils refusent leur prime pour conserver le poste de leur collègue.

Dans un très beau film, simple, épuré, Jean-Pierre et Luc Dardenne se contentent de montrer les questions légitimes que se posent ces employés. C'est bien le sort d'une de leurs collègues qu'ils ont entre leurs mains mais en face c'est un chèque de 1000€, plus qu'utile quand on a un travail payé pas beaucoup plus haut que le minimum salarial. 

Ce dilemme au coeur d'une fiction au cinéma trouve une résonance dans les politiques du travail que l'on croise en France depuis 2007. Le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy n'est ni plus ni moins que l'adaptation de la proposition de ce patron. Pourquoi embaucher une personne supplémentaire alors que les employés, sous couvert de quelques heures sup' peuvent y arriver ? Ou pourquoi augmenter les salaires de ces employés, offrons leur une prime exceptionnelle de 1000€ (tiens, ce n'était pas le montant de la soit-disante prime Sarko ?) pour qu'ils soient tranquilles. Dès le mois d'après, ils retrouveront les mêmes difficultés à boucler leur budget, à payer les factures d'électricité et de gaz, mais ils auront toujours leur boulot.

Les frères Dardenne arrivent à montrer sans lourdeur les dégâts que peut provoquer le harcèlement moral d'un contremaître tout puissant et un patron qui ne se préoccupe aucunement des problèmes de conscience qu'il impose à ses salariés. Là aussi on retrouve un autre écho avec une loi récente autorisant le don de RTT d'employés pour leurs collègues ayant des enfants avec de graves problèmes de santé. Encore une fois, c'est aux employés de faire des efforts, de faire des heures supplémentaires pour collecter ces précieux RTT, uniquement dans le but d'aider leurs collègues sur lesquels s'acharnent le sort et la santé. La direction ne peut qu'être heureuse, aucune perte de production n'est à prévoir grâce à une solidarité difficilement refusable entre collègues.

Les frères Dardenne fournissent avec "Deux jours, une nuit", un magnifique instantané de cette société où la peur du chômage et la perte du pouvoir d'achat côtoient l'amitié et la solidarité. Cette année à Cannes, ils ont reçu la mention spéciale du jury œcuménique, jury qui souhaite (d'après Wikipedia) ainsi récompenser les films qui "montrent des hommes et des femmes en prise avec la réalité de la vie, la souffrance et la joie. Tous les films primés permettent [...] à tous les spectateurs de réfléchir sur leur condition." Description qui colle parfaitement à ce film. A voir.

A lire également les commentaires de Juan de Sarkofrance sur ce film : https://sarkofrance.wordpress.com/2014/06/02/deux-jours-une-nuit/

lundi 2 juin 2014

La Justice française et la réforme pénale en 14 questions

Le débat sur la réforme pénale préparée par Christiane Taubira qui va s’ouvrir mardi à l’Assemblée Nationale risque d’être dégradé par de fausses assertions de la droite qui recommencera son procès en laxisme et qui n’hésitera pas à étaler de fausses vérités (ou de vrais mensonges) pour discréditer le débat. Pour prévenir ce genre de mésaventures, voici un petit récapitulatif des idées reçues sur la Justice française mis à disposition par le Ministère de la Justice sous la forme d’un vrai/faux.


1 – « En France, on incarcère moins que dans les autres pays de l’Union européenne »
VRAI et FAUX
En France, on compte 102 personnes détenues pour 100 000 habitants au 1er octobre 2012, c’est moins que dans certains pays de l’Union européenne, comme la Lituanie (327 personnes détenues pour 100 000 habitants), la Pologne (218), l’Espagne (142) ou le Royaume-Uni (123). Mais, c’est plus que dans des pays proches comme l’Allemagne (76 pour 100 000 habitants), la Suède (68) ou les Pays-Bas (66).
Les différences sont assez marquées entre l’ensemble de l’Union européenne et la seule « Europe de l’Ouest » (17 pays d’Europe occidentale dont l’Autriche, la Grèce, la Finlande, la Norvège et la Suisse (tous les deux hors Union), et à l’exclusion de la Croatie et de la Slovénie (pays faisant anciennement partie de la Yougoslavie). En effet, avec 102 personnes détenues pour 100 000 habitants, la France se situe en dessous de la moyenne des 28 pays de l’Union européenne qui est de 137 personnes détenues pour 100 000 habitants, mais au-dessus de la moyenne des pays de l’Europe de l’Ouest (98).

Référence : 
Annual Penal Statistics. SPACE I. Survey 2012, Conseil de l’Europe, avril 2014.


 2 – « Les juges hésitent à envoyer les délinquants en prison »
FAUX
Le nombre de personnes détenues a augmenté de 35 % en dix ans, passant de 48 594 au 1er janvier 2002 à 64 787 au 1er janvier 2012 (la population française n’a augmenté que de 7 % durant cette période).
En 2012, 120 000 peines de prison ferme ont été prononcées en matière de délits. Les sanctions sont de plus en plus sévères puisque la durée moyenne de la partie ferme des peines de prison est passée de 8,2 mois à 11 mois entre 2004 et 2010.

Références : 
* Les Condamnations en 2012, sous-direction de la statistique et des études du ministère de la Justice, janvier 2014 ;
* Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice n° 118, octobre 2012.


 3 – « La prison n’est pas l’unique réponse à la délinquance »
VRAI
Depuis la loi de 2009, la prison ferme est considérée comme la peine de dernier recours dans le prolongement d’une évolution débutée dans les années 1970. Cette évolution a été justifiée par les effets désocialisants de la prison. Le risque de récidive est plus élevé pour les personnes ayant exécuté leur peine en prison en comparaison de celles ayant exécuté leur peine en milieu ouvert : placement sous surveillance électronique, travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve, etc. Et lorsqu’une courte peine de prison est prononcée, elle peut encore être aménagée totalement ou partiellement en dehors de la prison (voir Vrai/Faux N° 4).
77 % des Français pensent que la prison ne dissuade pas les délinquants tandis que deux Français sur trois (64 %) considèrent les aménagements de peine comme un levier d’action efficace pour éviter la récidive.
 
Références : 
* Annuaire statistique de la justice. Édition 2011-2012, La documentation Française, 2012 ;
* Les Français et la prison, Infostat justice n° 122, juin 2013 ;
* La Récidive des premiers placés sous surveillance électronique, Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n° 33, mars 2010 ;
* Les Risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques n° 36, mai 2011.


 4 – « Les victimes doivent être mieux prises en charge »
VRAI
C’est l’effort poursuivi depuis deux ans :
  • le budget de soutien aux associations d’aide aux victimes a été augmenté de 25,8 % en 2013, soit 12,8 millions d’euros, et il est encore augmenté de 7 % en 2014 pour atteindre 13,7 millions d’euros ;
  • 100 bureaux d’aide aux victimes ont été créés au sein des tribunaux de grande instance en 2013, ils couvriront 160 TGI fin 2014 ;
  • le « Téléphone grand danger » pour les femmes victimes de violences a été généralisé à l’ensemble du territoire ;
  • la directive européenne du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes a fait l’objet d’une transposition anticipée et une expérimentation a été lancée cette année en faveur d’un dispositif d’évaluation personnalisée des besoins de protection des victimes de la criminalité.
Enfin, contrairement aux idées reçues, la majorité des victimes (60 %) s’estime satisfaite de la décision rendue par la justice dans les affaires les concernant.

Références : 
L’Opinion des Français sur la justice, Infostat Justice n° 125, janvier 2014.


 5 – « La prison coûte beaucoup plus cher que les peines alternatives »
VRAI
Une journée en détention au sein d’un établissement pénitentiaire coûte environ 100 € par personne. Un placement en centre de semi-liberté coûte 60 € et un placement à l’extérieur (prise en charge d’un condamné par une association d’aide à la réinsertion) s’élève à 30 €. Enfin, le coût d’une journée sous surveillance électronique (le port d’un bracelet électronique) est de 10 €.


 6 – « La contrainte pénale concernera toutes les infractions »
FAUX
Le projet de loi déposé par le gouvernement prévoit que cette nouvelle peine concernera seulement les délits (vols, dégradations, outrages, délits routiers, violences…) et non les crimes qui constituent les infractions les plus graves (viols, meurtres, vols à main armée…).


 7 – « Les moyens sont insuffisants pour mener la réforme pénale »
FAUX
La réforme pénale est accompagnée des moyens nécessaires à sa mise en œuvre :
  • 400 emplois créés dans les services pénitentiaires d’insertion (SPIP) dès 2014 ;
  • 600 emplois supplémentaires dans les SPIP d’ici 2017, ce qui représente une augmentation totale de 25 % des effectifs ;
  • 30 juges d’application des peines supplémentaires et 19 magistrats du parquet ont déjà été recrutés en 2013. En 2014, 40 greffiers et 10 nouveaux juges d’application des peines seront recrutés ;
  • 6 500 places de prison seront construites d’ici à 2017 : 530 places ont déjà été livrées en 2013, 1 200 nouvelles places le seront en 2014.


 8 – « Les victimes sont les oubliées de la réforme pénale »
FAUX
Au contraire, la réforme pénale renforce les droits des victimes tout au long de l’exécution des peines. Le projet de loi permet à la victime de saisir le juge de toute atteinte à ses intérêts et il consacre son droit d’être informée de la libération d’une personne condamnée.
Plus largement, la réforme pénale conduit un objectif de prévention et prévoit un meilleur suivi ainsi qu’un contrôle plus efficace des personnes condamnées, en milieu ouvert dans le cadre de la contrainte pénale et au moment de la sortie de prison grâce à la libération sous contrainte.


 9 – «La justice est trop indulgente vis-à-vis des récidivistes »
FAUX
C’est l’inverse : les juges sont de plus en plus sévères avec les récidivistes. Entre 2004 et 2010, la durée des peines prononcées contre les personnes condamnées en état de récidive légale est passée de 9 mois en moyenne à 15,6 mois (+ 73 %). Et, dans 80 % des cas de récidive, la justice ordonne une peine de prison ferme. Le taux de condamnation en état de récidive n’a d’ailleurs pas cessé d’augmenter ces dernières années (voir le Vrai/Faux N° 10).

Référence : 
Peines plancher : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice n°118, octobre 2012.


 10 – « Les peines plancher sont efficaces pour dissuader les récidivistes »
FAUX
L’objectif affiché des peines plancher était de dissuader les délinquants de récidiver et elles devaient entraîner une baisse du taux des condamnations en état de récidive légale. Or, depuis leur entrée en vigueur, le taux de condamnations en état de récidive a sensiblement progressé, passant de 8 % en 2007 à 12,1 % en 2011. Toutefois, l’augmentation de ce taux peut dépendre en partie de l’évolution des lois et des pratiques des tribunaux qui retiennent plus souvent l’état de récidive légale.
Si on regarde la « récidive » au sens commun, c’est-à-dire le fait d’être condamné au moins deux fois, les taux restent stables (entre 30 % et 45 % selon les types d’infractions et la durée examinée entre les deux condamnations).
 En réalité, nous savons que la crainte de la prison n’est pas dissuasive. Ce qui retient de commettre une infraction, c’est la certitude d’être sanctionné. Les pays qui avaient instauré les peines plancher avant la France n’ont pas non plus constaté d’effet positif en termes de prévention de la récidive : l’Australie, qui avait introduit des peines minimales obligatoires entre 1997 et 2001, les a abrogées à partir de 2003. Aux États-Unis, la Cour suprême en a atténué la portée en 2005 et, par un référendum de 2012, la Californie est revenue sur la règle dite « 3 strikes and you’re out » qui instaurait une peine de réclusion à perpétuité pour les personnes condamnées trois fois quelque soit le délit commis.
 
Références : 
* Peines plancher : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice n° 118, octobre 2012 ;
* Une approche statistique de la récidive des personnes condamnées, Infostat Justice n° 127, avril 2014 ;
* Sur l’absence d’effet dissuasif de la prison : Von Hirsch, Bottoms et al., Criminal Deterrence and Sentence Severity: An Analysis of Recent Research, Royaume-Uni, 1999.


 11– « Une sanction autre que la prison est plus efficace pour prévenir la récidive »
VRAI
Les peines alternatives à l’incarcération sont plus efficaces que la prison pour prévenir la récidive. Selon une étude réalisée en France, le taux de récidive des personnes condamnées à une peine de prison avec sursis mise à l’épreuve (SME) est de 32 %, alors que ce taux est pratiquement le double (61 %) pour les personnes initialement condamnées à de la prison ferme.
Les études réalisées à l’étranger mènent à la même conclusion. Par exemple aux Pays-Bas : il est apparu que le taux de nouvelles condamnations est de 65 % un an après une peine de prison contre 25 % après une peine de travail d’intérêt général. Les études néerlandaises ont été réalisées en tenant compte des profils des différentes personnes condamnées : à profil identique, la prison génère statistiquement plus de risque de récidive.
 
Références : 
* Kensey, Lombard, Tournier, Sanctions alternatives à l’emprisonnement et « récidive », direction de l’administration pénitentiaire, Coll. Travaux & Documents, n° 70, 2006 ;
* Wermink, Blokland et al., Comparing the effects of community service and short-term imprisonment on recidivism, a matched sample approach, Pays-Bas 2010.


 12 – « La réforme vise à vider les prisons »
FAUX
La réforme pénale n’a pas pour objectif de vider les prisons et le gouvernement n’a pas en projet de réduire le nombre de places de détention. Au contraire, 6 500 nouvelles places de prison sont programmées d’ici 2017 : 530 ont déjà été livrées en 2013 et 1 200 le seront en 2014.
En instaurant la contrainte pénale, le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines vise à prononcer des sanctions mieux adaptées et mieux efficaces pour les faits de petite et moyenne délinquance. La création de la contrainte pénale élargit la palette des peines disponibles et les juges pourront y recourir pour éviter certaines courtes peines de prison, très désocialisantes.


 13 – « Une personne condamnée à deux ans de prison peut éviter la prison »
VRAI
Depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, une personne condamnée à une peine pouvant aller jusqu’à deux ans (1 an en récidive légale) et qui n’est pas incarcérée à l’issue du procès doit être présentée au juge d’application des peines. Celui-ci est tenu d’examiner la possibilité d’aménager la peine de prison, c’est-à-dire de la transformer en une peine qui ne sera pas exécutée 24h/24 en détention : régime de semi-liberté, bracelet électronique, placement à l’extérieur.
Ces modalités de la peine permettent d’assurer la sanction tout en favorisant la prévention de la récidive, car les aménagements de peine permettent d’exercer une activité professionnelle, de suivre une formation, de rechercher un emploi, de participer de manière essentielle à sa vie de famille, de suivre un traitement médical etc.
Sur environ 130 000 peines d’emprisonnement ferme mises à exécution en 2012, seules 20 000 peines ont été aménagées avant toute incarcération (voir Vrai/Faux N° 3).


 14 – « 100 000 peines de prison restent non exécutées chaque année »
FAUX
Les peines de prison pour délits sont exécutées au fur et à mesure qu’elles sont prononcées, c’est-à-dire suivant un flux d’exécution permanent. Les peines les plus lourdes sont exécutées en priorité et, dans 30 % des cas, les personnes condamnées sont incarcérées le jour du jugement. La moitié des peines de prison ferme sont exécutées en moins de 4 mois (3,7 mois exactement).
Pourquoi ce délai d’exécution ? Parce qu’il est nécessaire, dans le cas des courtes peines, que le juge de l’application des peines revoie la personne condamnée et envisage d’aménager la peine de prison comme le préconise la loi (bracelet de surveillance électronique, semi-liberté, placement à l’extérieur – voir Vrai / Faux N° 2). Dans d’autres cas, si la personne n’était pas présente le jour du jugement, il faut l’informer de la condamnation ou la rechercher.
 
Référence :
Délais de mise à exécution des peines d’emprisonnement ferme, Infostat Justice n° 124, novembre 2013.