jeudi 29 janvier 2015

Des journalistes toujours aussi ridicules face au FN

Ce mardi la France retenait son souffle pour connaitre enfin les lauréats des Prix du Trombinoscope 2014. Qui serait l'homme politique de l'année, le ministre ou la révélation de l'année 2014 ? Qui a marqué l'année politique 2014 ? Un panel de journalistes se sont amusés à jouer aux Césars et ont remis leurs distinctions honorifiques comme tout blogueur aurait fait sa revue de l'année 2014.

Manuel Valls aura eu l'honneur de succéder à Christiane Taubira au titre de personnalité politique. Ségolène Royal a reçu le prix de la ministre de l'année, Emmanuel Macron du haut de ses 37 ans a reçu le prix de la révélation de l'année. Chez les parlementaires, Laurent Baumel, frondeur en chef, est le député de l'année alors que Gérard Larcher, récent patron du Sénat, est vu comme le sénateur de l'année. L'Européen de l'année est Matteo Renzi, chef du gouvernement italien et enfin Steve Briois s'est vu décerné le prix de l'élu local de l'année. Les socialistes semblent avoir marqué de leurs empreintes l'année 2014 en recevant 5 des 7 prix possibles.

Là où les journalistes se ridiculisent, c'est quand il a fallu donner le prix de l'élu local. Le jury, comme un seul homme, déclare Steve Briois élu local de l'année. Pour eux, il est l'incarnation du FN victorieux lors des dernières municipales. Pourtant, lors du discours annonçant le gagnant, Gilles Leclerc dit ne pas vouloir féliciter le FN. Personne ne remettra en main propre le diplôme représentant ce prix.

Dans ce cas, pourquoi vouloir remettre un prix à un élu FN ? Ces journalistes, quelques jours après avoir défendu la liberté de la presse ont décerné le prix de l'élu local à celui qui a expulsé de leurs locaux la Ligue des Droits de l'Homme à Hénin-Beaumont. On peut comprendre qu'ils soient gênés aux entournures. N'y avait-il pas d'autres élus locaux à féliciter ? Ils auraient pu penser à Anne Hidalgo pour avoir su gagner les municipales à Paris alors que les Français votaient majoritairement contre la gauche, pour avoir osé instaurer un budget participatif ou pour se battre contre la pollution des véhicules en ville. Le jury du Trombinoscope aurait pu penser à Eric Piolle, le nouveau maire de Grenoble, le premier maire écologiste d'une ville de plus de 100 000 habitants. Non, ils ont voulu récompenser un élu FN tout en ne l'assumant pas publiquement.

Ces journalistes se sont surement dit qu'il était impossible de ne pas récompenser une personne du FN. Marine Le Pen et Florian Philippot sont les personnalités politiques le plus souvent invités sur les plateaux des matinales en 2014. Ce sont ces journalistes qui gonflent leurs audiences en donnant une audience disproportionnée au FN. En mars 2014, le CSA s'inquiétait déjà de la disproportion du temps de parole donné au FN. Dans ces moments là, les journalistes ne sont pas gênés par la présence régulière du FN. Le FN qui insulte à longueur de temps les journalistes (Marion Maréchal Le Pen l'a prouvé une nouvelle fois lors de la cérémonie des prix du Trombinoscope en promettant de se venger de ces journalistes en temps voulu), est lui aussi bien heureux de se voir inviter sur tous les plateaux télé. 

Doit-on s'étonner de ce choix et de ce comportement ? Pas tant que ça quand on regarde les faits politiques qui ont marqué les membres du jury en 2014. Pour Christophe Barbier (L'Express), c'est la publication du livre "Merci pour ce moment" de Valérie Trierweiler. Pas le FN, pas les municipales ou les européennes, pas le remaniement ministériel, non le torchon de Trierweiler. Dans le même état d'esprit, Arlette Chabot (Europe 1) et Bruno Dive (Sud Ouest) évoquent eux aussi l'irruption de la vie privée et la "peopolisation" de la vie politique. Avec la moitié du jury qui préfèrent les histoires de cul des hommes politiques à l'actu politique, pourquoi s'étonner de les voir plein de lacheté au moment de remettre un prix ?

mardi 27 janvier 2015

Le gouvernement est loin d'avoir perdu sa majorité absolue

Le décompte s’égrainait lentement, petit à petit la majorité absolue du PS s’émiettait. Doucement le PS était en train de perdre sa main mise sur l’Assemblée Nationale. C’est à présent chose faite. Lundi 26 janvier, un député PS des Bouches-du-Rhônes, Jean-Pierre Maggi a quitté le groupe PS pour rejoindre le groupe des radicaux de gauche. Drame au PS ? S’oriente-on vers une mise en défaut du gouvernement socialiste ? Risque-t-on la dissolution ?

Non, bien sur que non. Tout d’abord la majorité gouvernementale n’est pas celle du PS uniquement. Pour les élections de juin 2012, des accords électoraux ont été passés entre le PS, les écologistes et les radicaux. Du coup les rangs de la majorité à l’Assemblée Nationale ne se composent pas uniquement des sièges des députés socialistes mais également de leurs camarades écologistes et radicaux (dont le nouvel arrivé Jean-Pierre Maggi). Depuis juin, de nombreuses lois et votes de confiance sont passés avec le cumul des voix de cette majorité de gauche présidentielle.
De plus, cette majorité est composée des résultantes de ces accords. En juin 2012, les élus de la majorité présidentielle représentaient 331 députés, soit 331 circonscriptions gagnées. Pour plusieurs de ces circonscriptions, c’est le candidat de la majorité présidentielle qui a remporté l’élection, peu importe son étiquette EELV, PS ou PRG… La meilleure preuve est le parachutage de Cécile Duflot à Paris au détriment de la député socialiste sortante Danièle Hoffman-Rispal qui devient sa suppléante. Au début de la législature, Duflot est ministre du gouvernement donc Hoffman-Rispal est député. Cécile Duflot sort de son plein gré du gouvernement et retrouve son siège de député de la majorité présidentielle. C’est donc logiquement que Danièle Hoffman-Rispal perd son poste de député. Par la même occasion le PS perd un siège dans son décompte de la majorité absolue. Pourtant l’Assemblée Nationale compte toujours autant de députés élus sous l’étiquette de majorité présidentielle.

Certes le PS a perdu également des députés dans d’autres conditions. On peut d’ailleurs se féliciter de l’absence d’un Cahuzac sur les bancs de l’Assemblée Nationale ou qu’un Thévenoud ne soit plus compté dans les députés du groupe socialiste. Vouloir faire une politique propre, c’est aussi (et surtout) accepter de devoir se séparer des élus accusés de tricherie.

La politique du PS actuelle est-elle remise en cause avec la fin de la majorité absolue à l’Assemblée Nationale ? Toujours pas. Depuis le début du quinquennat, le gouvernement fait en sorte de travailler avec toutes les composantes de sa majorité. Les radicaux de gauche participent toujours au gouvernement et leurs députés sont toujours dans la majorité gouvernementale. La porte du gouvernement n’est pas fermée aux écologistes et leurs députés ne sont que très sporadiquement contre l’action gouvernementale. On peut toujours se poser la question pour une partie de ces derniers suite au rapprochement de plus en plus flagrant entre Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon, mais ce n’est plus le problème du PS mais d’Europe Ecologie – Les Verts.

Enfin, pour cette histoire de majorité absolue du PS, attendons les élections partielles à venir dans le Doubs. Pierre Moscovici sera-t-il remplacé par un élu socialiste, un élu UMP ou un élu FN ? Quel que soit le résultat, la majorité gouvernementale sera toujours assurée. Cette certitude ne va pas servir à motiver les citoyens à venir voter dimanche, surtout les sympathisants de gauche.

En attendant, les questions de majorité absolue ne se posent pas sauf si les alliés de 2012 retirent définitivement leurs soutiens au gouvernement.

lundi 26 janvier 2015

Peut-on se réjouir du résultat des élections grecques ?

En tant que militant socialiste, donc militant du PSE et membre de l’Internationale Socialiste, je ne peux qu’être déçu de l’incroyable défaite du PASOK. En tant que militant de gauche, je suis heureux que Syriza finisse largement en tête et je leur souhaite beaucoup de courage et de réussite dans leur entreprise. Au-delà de toutes ces considérations personnelles, je ne peux que déplorer un carnage électoral largement attendu.

 Un carnage pour la coalition d’unité nationale regroupant conservateurs (Nouvelle Démocratie) et socialistes (PASOK). Le principal parti de droite, formation dont été issu le précédent 1er ministre, perd 53 sièges. Leurs alliés socialistes réalisent leur plus mauvais score depuis le retour de la démocratie en Grèce avec un petit 4,68% des voix (et uniquement 13 petits sièges au parlement).

Carnage électoral grec où le parti néo-nazi Aube Dorée conserve son statut de 3ème force politique du pays avec un score stable (ils ne perdent qu’un seul siège de député). Résultat assez incroyable quand on sait que le leader du parti est actuellement en prison, accusé d’avoir commandité l’assassinat d’un militant antifasciste grec.

Carnage électoral idéologique où le parti arrivé en tête, Syriza, considéré comme étant de Gauche Radicale, proche idéologiquement du Front de Gauche français, décide de faire alliance avec le parti des Grecs indépendants, arrivé en 6ème position, et qui n’est rien d’autre que l’aile droite dure et souverainiste qui a fait scission avec les conservateurs de Nouvelle Démocratie. Pour faire le rapprochement en France, c’est un peu comme si Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan formaient ensemble un gouvernement.

Il faut dire que le programme de Syriza (du moins celui accessible en langue anglaise) ne se base que sur la lutte contre l’austérité. Dans ce programme, Syriza ne parle pas éducation, pas de culture, pas de jeunesse. On n’y trouve aucune proposition sur l’armée, sur la politique étrangère. Du coup, rien ne les retient de signer un accord avec les Grecs Indépendants qui sont, semble-t-il, sur la même ligne économique. Sauf qu’eux sont aussi ouvertement nationalistes, ont des opinions des plus réactionnaires sur la société et les mœurs et ne portent pas dans leur cœur les immigrants.

Syriza a-t-il fait volontairement l’impasse sur toutes questions de société afin de ratisser large, sans avoir peur de perdre du terrain sur Aube Dorée ou sur les Grecs Indépendants ? Ces derniers siègent au Parlement Européen (enfin leur seul député) dans le même groupe que Bart de Wever du N-Va, parti nationaliste flamand.

En votant majoritairement pour Syriza, en désavouant encore plus majoritairement le PASOK, les Grecs ont montré un ras-le-bol de leurs élites politiques. Au final, les grecs se retrouvent avec un gouvernement des extrêmes où gauche extrême et droite dure se retrouvent main dans la main pour promettre des jours meilleurs à une population désabusée.  Le progressisme social, l’humanisme intrinsèque aux formations de gauche peut-il se dissoudre dans une politique uniquement tournée contre l’austérité européenne ? Les aides sociales imaginées par Syriza seront-elles les mêmes que celles voulues par les Grecs Indépendants ? Les électeurs grecs ne vont-ils pas prendre comme une trahison le résultat de leur vote ? Beaucoup de questions en ce début de législature.

Une semaine dans le rétro : un apartheid français ?

Une nouvelle semaine post Charlie Hebdo a pris fin. Comme la précédente, elle a commencé par les propos de Manuel Valls. Si la semaine dernière, le Premier Ministre symbolisait l'Union Nationale en recevant les applaudissements des députés suite à son discours au sein de l'Assemblée Nationale, cette fois-ci il symbolise le retour du débat politique. Mardi dernier, Manuel Valls présentait ses voeux à la presse et disait ceci : 
« Ces derniers jours ont souligné beaucoup des maux qui rongent notre pays ou des défis que nous avons à relever. A cela, il faut ajouter toutes les fractures, les tensions qui couvent depuis trop longtemps et dont on parle peu (...) la relégation péri-urbaine, les ghettos - ce que j'évoquais en 2005 déjà - un apartheid territorial, social, ethnique, qui s'est imposé à notre pays ».

On retrouve le Manuel Valls que l'on connaissait avant son entrée au gouvernement en 2012, son franc parler, ses propos murement réfléchis et provoquant des réactions épidermiques à droite comme à gauche. Peut-on en 2015 parler d'un apartheid en France, 24 ans après son abolition en Afrique du Sud ? Wikipedia commence la définition comme étant "une politique dite de « développement séparé » affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées." La politique républicaine française essaye-t-elle vraiment un développement séparé, je ne pense pas, pourtant certaines situations pourraient ressembler à des situations d'apartheid.

Certes, on opposera à Manuel Valls que la République Française se veut la même pour tous ses citoyens, que la mission républicaine se veut égalitaire avec l'école gratuite pour tous, avec l'accès aux soins pour tous et la garantie de sécurité et de justice sur l'intégralité du territoire pour tous les habitants. Mais c'est aussi se voiler la face que de croire qu'une égalité réelle existe sur tout le territoire. Certains Français, parce qu'ils ont la peau plus foncée que la moyenne des Français, se font encore contrôler leur identité bien plus souvent que la moyenne, d'ailleurs si Manuel Valls avait mis en place le récépissé après un contrôle d'identité en 2012 comme attendu, cette discrimination aurait pu baisser. Certains Français, parce que leur nom ne sonne pas correctement ou parce que leur adresse est connotée (une pensée à tous les Coulibaly habitant Villiers-le-Bel ou Trappes), auront plus de difficultés, à conditions égales avec d'autres Français, à trouver un emploi. 

Le constat du Premier Ministre semble correct, même Fabienne Haloui, responsable de la commission Lutte contre le racisme et pour l'égalité des droits au PCF, va dans le sens de Manuel Valls dans les pages de L'Huma. Le constat est accablant pour la droite présente au pouvoir entre 2002 et 2012, notamment pour un Nicolas Sarkozy bien renvoyé dans les cordes par Valls : "Dans ces moments-là, tout le monde, et à commencer par les responsables politiques, ceux qui gouvernent, comme ceux qui hier ont gouverné, doivent être grands, pas petits...". En décembre 2011, Marianne publiait un article édifiant sur l'échec du fameux "plan Marshall" pour les banlieues du président Sarkozy. Les crédits pour la politique de la ville et pour la rénovation urbaine sont en chute libre : "En 2008, 227,3 millions ont été consacrés à la rénovation urbaine, les crédits tombent à 14,3 millions en 2009 mais remonteront en 2010 à 15,67 millions. En 2011, les crédits baissent à nouveau pour atteindre 7,33 millions et remontent à 16,1 en 2012. "
Il l'est aussi pour la gauche. L'échec de Lionel Jospin à l'élection présidentielle en 2002 après 5 années au pouvoir en était une des conséquences. La gauche perd régulièrement des points de confiance dans ces quartiers populaires justement car elle ne répond pas assez aux fortes attentes des habitants de ces quartiers.

On peut s'inquiéter des propos de Valls quand il annonce vouloir mettre en place une "politique du peuplement, pas seulement politique du logement et de l'habitat. Politique du peuplement pour lutter contre la ghettoïsation, la ségrégation". Mais comment ne pas être d'accord avec lui ? Comment ne pas y voir une véritable politique de gauche, comme celle que de nombreux élus locaux de gauche essayent de mettre en place chez eux ? On ne peut pas demander plus de mixité sociale dans les centre-villes si on ne fait rien pour plus de mixité sociale dans les proches périphéries de ces villes. Les intercommunalités, la création de métropoles à l'image du Grand Paris ou du Grand Lyon, on peut espérer qu'une telle politique soit mise en place. On ne peut qu'applaudir si l'Etat vient en aide aux communautés urbaines pour les aider dans ce chantier.

Manuel Valls a réussi en présentant ses voeux à la presse à ce que l'on réfléchisse un peu plus à l'état de la France. Avec ses mots, avec sa méthode, le Premier Ministre est peut être en train de préparer le terrain pour une grande politique de la ville. Il faudra que le gouvernement fasse attention à ses futures annonces. Une politique ambitieuse pour les banlieues demande du temps, il faudra frapper fort et juste pour qu'elle marque rapidement les esprits. Il faudra aussi faire attention à ne pas oublier la grande partie de la France plus rurale qu'urbaine, qui a souvent le sentiment d'être oubliée des politiques d'aménagement du territoire. En ne lésinant pas sur le poids des mots, Manuel Valls a braqué les projecteurs sur un constat sévère. L'attente d'actions et surtout de résultat n'en sera que plus forte.

Pendant ce temps, l'Europe s'apprête à découvrir la Gauche Radicale au pouvoir en Grèce. Nos gardiens de la "vraie gauche" regardent avec envie ce pays si souvent ignoré. Nos politiques europhobes essayent de récupérer cette victoire comme un symbole des peuples contre l'Union Européenne. Rendez-vous dans les semaines à venir pour les premières actions à Athènes et les premiers débats à Bruxelles.

Vivement la semaine prochaine.

mercredi 21 janvier 2015

L'indigne indignité nationale

Jusqu’à peu, la vision à droite des terroristes était assez simpliste. Ils ne pouvaient être qu’étrangers, les Français, les vrais, les bons, sont tous d’honnêtes citoyens qui ne feront jamais rien contre leur pays ou leurs institutions. Du coup quand la droite, qu’elle soit dite extrême ou républicaine, proposait des sanctions envers ce type d’individus, elle ne jurait que par la déchéance de nationalité. Ces gens ne pouvaient pas être Français puisque trop violent et haineux, supprimons leur nationalité française, ils auront toujours leur autre passeport, surement celui de l’état de Barbarie. Sans nationalité française, il sera plus simple de les renvoyer chez eux, en Barbarie.

Le problème est qu’à force de se planter et de découvrir qu’il y avait des Français Français, sans double nationalité barbare, leur schéma de pensée s’est déboussolé. L’UMP, qui n’aime pas rester sans réponse devant l’adversité (on peut leur reconnaitre ça au moins), a fait preuve d’inventivité pour lutter, non pas contre le terrorisme, mais contre les terroristes. Dans un premier temps, qui sont ces terroristes ? Nos services de renseignement, le ministère de l’Intérieur, tous désignent comme premiers suspects les personnes s’engageant pour faire le djihad. Je ne remets pas en cause ce postulat et il est vrai que ceux qui reviendront vivants d’Alep, de Raqqa ou d’autres lieux syriens ou irakiens auront reçu un sacré entrainement aux maniements des armes et aux techniques de guerre et de guérilla. Ils auront surement aussi été bien éduqués selon les préceptes islamistes pour qui le vrai musulman se doit de se battre contre l’occident. Leur retour en France doit donc être synonyme d’alerte et de surveillance par les services adéquats. Sauf si on les empêche de rentrer en France ! Magnifique idée de l’UMP, Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy en tête, interdire d’entrée sur le territoire des ressortissants Français. Ce n’est techniquement pas une déchéance de nationalité, la personne garde son passeport français et peut vivre sans problème comme tout Français autour du monde, sauf chez lui, en France. Petit problème dans leur plan sans faille, il semblerait que l’interdiction de territoire à ses propres ressortissants soit mal vue du côté de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Ce contretemps ne pose pas de problème à Valérie Pécresse mais espérons que cela en pose aux autres députés ou au Conseil Constitutionnel.

La déchéance de nationalité ne s’applique pas aux Français, l’interdiction du territoire non plus, mais sont-ils au dessus des lois ? Cette dictature laxiste, socialiste et droit-de-l-hommiste va-t-elle laisser impunément les terroristes se promener en toute liberté sans être inquiétés ? NON, parole d’UMP ! Pour cela, ils ont trouvé une nouvelle idée. Celle-ci semble imbattable, elle a été mise en place en 1944 à la Libération. Si ces Français doivent rester Français et peuvent vivre en France, alors rendons les indignes d’être Français ! Pour faire simple, l’indignité nationale a été mise en place pour punir toute personne ayant collaborée durant la Deuxième Guerre Mondiale. Toute personne jugée indigne est punie de la peine de dégradation nationale, c'est-à-dire que cette personne va perdre de nombreux droits (merci wikipedia) :

  • exclusion du droit de vote,
  • inéligibilité,
  • exclusion des fonctions publiques ou semi-publiques,
  • perte du rang dans les forces armées et du droit à porter des décorations,
  • exclusion des fonctions de direction dans les entreprises, les banques, la presse et la radio, de toutes fonctions dans des syndicats et organisations professionnelles, des professions juridiques, de l'enseignement, du journalisme, de l'Institut de France,
  • interdiction de garder ou porter des armes.

Dans toutes ces sanctions, je pense que la seule qui pourrait avoir un peu de sens est l’exclusion des fonctions publiques. Pensez-vous réellement qu’un djihadiste, un ancien djihadiste se dise : « si je rentre en France, je ne pourrais pas diriger une banque, autant rester à Alep » ? Pensez-vous qu’un gamin de 16 ans hésitant à partir faire le djihad ou à lutter contre l’état français va se dire : « si on me prend, je ne pourrais plus voter ou être élu député. Je vais plutôt retourner à mes études pour reprendre un grand organisme de presse. » ?
La mesure d’indignité nationale pouvait avoir un sens au lendemain de la guerre, quand des personnes haut placées ont pu profiter du système pendant et auraient voulu faire comme si de rien été ensuite. Elle n’aura servie qu’à soulager des revanchards à une période historique précise et non comparable à la notre aujourd’hui. Elle n’aura d’ailleurs duré que 7 ans, le temps de l’apaisement.

Je suis choqué que l’on puisse ressortir cette mesure aujourd’hui. A part montrer que l’on est sans réponse face aux problèmes actuels, que notre logique de pensée est bloquée à la moitié du XXème siècle, je ne vois pas ce que peut apporter une telle proposition. Cette réponse n'apporte rien à part vouloir mettre au ban de la société des personnes uniquement soupçonnées, sans le moindre début de preuve accablante. Que des personnes suspectées d'être dangereuses soient surveillées oui, qu'elles soient automatiquement punies non.
Je suis d’autant plus choqué que si cette proposition est régulièrement déterrée par les parlementaires UMP (et soutenu par le FN, comme lors de la séance du 26 novembre 2014), aujourd’hui elle est reprise par Annick Lepetit, porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, soumise au débat par Manuel Valls, alors qu’heureusement, François Hollande s’est montré opposé à ce projet. Il ne doit pas y avoir de loi d’exception, souvenons-nous en.

Le FN prêche à gauche

Dessin de Jiho dans le Siné Mensuel n°2
Les passerelles entre la gauche radicale et l'extrême-droite sont poreuses. Ce n'est pas une nouveauté. On l'a vu dans les mouvements de voix dans les régions ouvrières où les ouvriers ont progressivement délaissé le Parti Communiste Français pour le Front National. Le Front National n'a pas eu besoin de changer son discours, à croire qu'à force de répéter des contres-vérités le FN a réussi à en faire de véritables arguments. On le voit également quand certains blogs d'extrême-gauche n'hésitent pas à reprendre les délires conspirationnistes anti-américain ou anti-israélien, comme un Jean-Marie Le Pen livré à lui-même.

Dernièrement le Front National a pourtant innové en se lançant dans la défense d'affreux gauchistes, leurs opposants historiques. Bien sur la manœuvre de la famille Le Pen est grossière quand il s'agit de soutenir les victimes de l'attentat à Charlie Hebdo. Le FN, spécialisé dans l'attaque des journalistes, constamment insulté dans les pages de Charlie Hebdo, s'est posé en soutien comme tout le monde. Officiellement, Marine Le Pen et sa stratégie de dédiabolisation ne veulent pas faire d'amalgames et défendent la liberté d'expression pour tous, et surtout pour ceux victimes des lois interdisant l'appel à la haine, à la violence, à l'antisémitisme. Mais chassez le naturel, il revient au galop. La semaine dernière Aymeric Chauprade, monsieur géopolitique au FN et tête de liste aux Européennes en Ile de France, publiait une vidéo appelant à la guerre contre les musulmans, credo repris par Jean-Marie Le Pen, président d'honneur du parti, et Marion Maréchal-Le Pen. Jiho a raison avec son dessin dans l'excellent Siné Mensuel (cf. l'illustration), la pire chose que pouvait faire le FN, c'était soutenir Charlie Hebdo, surtout pour s'en servir de support à la haine des étrangers et des musulmans.

Nouvelle provocation de Marine Le Pen, son soutien envers le parti de gauche radicale en Grèce, Syriza. Cette fois-ci le FN n'hésite pas à faire l'amalgame entre ses propres propositions anti-européennes et la lutte pour cette coalition grecque de changer la politique européenne qui les met à genou depuis près de 5 ans. Si au sein du FN des personnes comme Bruno Gollnisch ne semblent pas avoir de problèmes avec le parti néo-nazi grec Aube Dorée, tout comme des sympathisants FN comme Alexandre Gabriac, le parti ne veut pas se voir associé officiellement à cette trop sulfureuse extrême-droite. Du coup, pour les législatives grecques du 25 janvier, Marine Le Pen n'hésite pas à soutenir Alexis Tsipras et Syriza, tout comme Jean-Luc Mélenchon ou Cécile Duflot. Quand on connaît la haine des "rouges" au FN, j'imagine que de nombreuses dents doivent grincer, à commencer par le président d'honneur du FN. Heureusement, ce soutien de Le Pen à Tsipras n'est pas pris en compte par le leader grec qui rappelait en mai 2014 qu'il n'avait pas du tout la même vision de l'Europe que le FN ou que les anglais de UKIP. Cela pose la question, si la coalition d'extrême-gauche n'était pas donnée favorite, est-ce que Le Pen aurait soutenu publiquement ce mouvement ?

Derrière toute ces gesticulations, la stratégie du FN peut faire sourire. Ils critiquent à longueur de temps une soit disante entente UMPS mais ne cesse de draguer la gauche radicale (enfin ses électeurs non engagés dans la lutte antifa). Pour la famille Le Pen, le spectre politique français n'est plus représenté par un hémicycle mais par un cycle complet où l'extrême-droite n'aurait qu'à tendre la main pour sympathiser avec des gauchistes. 

mardi 20 janvier 2015

Internet, c'est le mal

Internet c'est le mal. Les gens y font n'importe quoi et se croient en totale impunité. Ils n'hésitent pas à jouer à Candy Crush Saga (et à envoyer des invitations à leurs collègues pendant les heures de boulot), ils commentent ou les lisent tous les commentaires associés aux articles des sites d'informations, bref ils ont des comportements incompréhensibles. Ce comportement incompréhensible fait peur aux dirigeants de tous les pays. Du coup il faut chercher à créer des lois rapidement pour empêcher le pire de l'internet.

C'est une question classique qui taraude les gouvernements de presque tous les pays depuis une dizaine d'années. Sous le précédent quinquennat, il était assez rigolo de se moquer des débats parlementaires qui ont accompagné la création d'HADOPI, cette haute autorité prête à couper l'accès internet des dangereux criminels qui osent télécharger le dernier épisode de Plus Belle La Vie. Je ne vais pas défendre ici le téléchargement illégal mais les débats et les solutions mises en place ne sont pas au niveau, loin de là. Le problème devient plus problématique quand la peur de l'internet se transforme en danger même pour les utilisateurs classiques et lambda.

Par exemple, au Royaume Uni, le gouvernement conservateur souhaite l'aide de Facebook et de Twitter pour sauvegarder toutes les données transitant sur leur site et les transmettre sur demande des services de renseignements britanniques. Mieux, David Cameron propose même d'empêcher les anglais d'utiliser WhatsApp, iMessage ou Facetime car ces applications cryptent leurs communications. Imaginez-vous le Premier Ministre britannique demander à chaque opérateur téléphonique d'enregistrer toutes les conversations ou la Poste photocopier tous vos courriers ? Ou des gouvernements interdisant les pigeons voyageurs au 13ème siècle, ou l'utilisation du téléphone au début du 20ème siècle car ils ne maitrisent pas la technologie ?

Autre exemple tout aussi inquiétant, si ce n'est plus car il nous concerne nous, la censure du net. La loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, appelée aussi loi Cazeneuve, a été adoptée le 29 octobre 2014. Cette loi met en place différentes mesures pour lutter contre le terrorisme, pour suivre ses nouvelles formes ou pour mieux appréhender les citoyens français partis en Syrie en tant que djihadistes. Cette loi avait également fait légèrement parler d'elle dans les débat à cause de son article 9 :
"L’article 9 complète les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique afin de prévoir la possibilité, pour l’autorité administrative, de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès aux sites provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques. La régularité de l’établissement de la liste des sites dont l’accès est bloqué est soumise au contrôle d’un magistrat judiciaire. De manière logique, les fournisseurs d’accès sont également astreints à l’obligation de surveillance limitée prévue par la loi du 21 juin 2004."

Le problème de cette mesure est ce principe de fermeture demandée par une autorité administrative et non judiciaire. Cette mesure existait déjà pour la pédopornographie et c'était un peu moins choquant. Il faut avouer que des photos d'enfants visiblement mineurs, c'est quelque chose d'assez reconnaissable et donc plus facilement interdisable. Un "site provoquant aux actes terroristes ou en faisant l'apologie", c'est tout de suite moins facilement identifiable. C'est toujours répréhensible, mais à condition qu'on y mette formes et manières. Ces formes et ces manières sont simples, il faut faire appel à un juge, personne la plus à même à émettre un jugement et à faire appliquer la loi. Est-ce par solidarité gouvernementale ? Toujours est-il que l'esprit de ce texte refait surface dans un communiqué de presse de Christiane Taubira présentant des mesures pour lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations : 
"Confier à l’autorité administrative la possibilité de bloquer les sites et messages de haine raciste ou antisémite."

Ce matin, Valérie Pécresse proposait le plus sérieusement du monde de "déroger à certaines dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme" en empêchant les anciens djihadistes de revenir sur le territoire français. Cette proposition soutenue par Nicolas Sarkozy est heureusement refusée par Bernard Cazeneuve. Pourtant proposer de censurer des sites web sur simple demande administrative, sous contrôle direct de la police, sans faire appel à une autorité judiciaire, n'est-ce pas s'approcher dangereusement de la transgression de la convention européenne des droits de l'homme?

J'ai toujours cette étrange sensation que ce qui se passe sur internet déboussole nos politiques. Déboussolés, ils perdent logiquement leurs repères et commencent à paniquer. Du coup, face à l'inconnu, ils agissent étrangement, oubliant leur bon sens.