mercredi 25 février 2015

UMP et PPE préfèrent le pétrole à la liberté d'expression #FreeRaif

Dans certains pays, bloguer est une activité à risque. Dans certains pays, s’exprimer est une activité à risques. En janvier 2015, les autorités saoudiennes ont flagellé un blogueur de 50 coups de fouets car il a été reconnu coupable d’ "insulte à l’Islam", de "déloyauté envers le souverain" et pour "atteinte au pouvoir judiciaire". Pour cela, Raif Badawi a été condamné à 15 années de prisons et à 1000 coups de fouet répartis sur 20 semaines. La condamnation du blogueur et la première partie de l’exécution de sa sentence ont provoqué une protestation internationale, avec comme souvent aux première loges Amnesty International qui a mis en ligne une pétition que je ne peux que vous inviter à signer.

Le 12 février, le Parlement Européen a également débattu sur le sujet. En est ressortie une résolution portée au départ par le groupe de la Gauche Unitaire Européenne (groupe où l’on retrouve le Front de Gauche). Par cette résolution soumise au vote des députés européens, l’Union Européenne demande :

  • la libération de Raïf Badawi, de son avocat et de tous les défenseurs des droits de l’Homme,
  • l’arrêt de la flagellation de Raïf Badawi ainsi que toutes formes de châtiments corporels envers quiconque. La résolution rappelle l’Arabie Saoudite a signé et ratifié la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
  • la fin du tribunal spécial soit disant créé contre le terrorisme mais qui condamne de nombreux militants pacifistes,
  • aux dirigeants saoudiens de se rappeler de leurs engagements à "respecter les normes les plus élevées dans la promotion et la protection des droits de l'homme" lorsque leur pays a été élu membre du Conseil des droits de l'homme de l'ONU en 2013
  • à la délégation du Parlement Européen en charge des relations avec l’Arabie Saoudite d’aborder les sujets des droits de l’homme et que l’Union Européenne et ses pays membres repensent leurs relations avec le pays pour réussir à allier intérêts économiques, énergétiques et sécuritaires avec les engagements pour le respect des droits de l’homme.
La résolution précise également que « l'Arabie saoudite serait un partenaire plus crédible et efficace de la lutte contre les organisations terroristes, dont l'État islamique autoproclamé et Al-Qaïda, si elle ne se livrait pas à des pratiques anachroniques et extrémistes, telles que la décapitation publique, la lapidation et d'autres formes de torture, semblables à celles appliquées par Daech ».

Sur les 642 députés ayant participé au vote, 460 ont voté pour cette résolution (source votewatch.eu). On y retrouve une union au-delà des postures politiques puisque sur le sujet, puisque 6 des 7 groupes politiques représentés au Parlement Européen ont voté pour cette résolution. Seul le PPE, le groupe politique de l’UMP a appelé à voter contre cette résolution. En France, 15 des 17 des députés UMP présents ont voté contre cette résolution, c'est-à-dire Brice Hortefeux, Jérôme Lavrilleux,  Nadine Morano, Alain Cadec, Alain Lamassoure, Angélique Delahaye, Anne Sander, Elisabeth Morin-Chartier, Franck Proust, Françoise Grossetête, Maurice Ponga, Michel Dantin, Philippe Juvin, Renaud Muselier et Tokia Saïfi. Saluons donc l’abstention de Rachida Dati et Arnaud Danjean, seuls parlementaires UMP à s’être abstenus. A titre de comparaison, aucun Britannique, Suédois, Maltais, Luxembourgeois ou Danois n’a voté contre cette résolution.

L’explication officielle des députés français est qu’ils sont contre la comparaison à Daech, alors que justement cette comparaison est utilisée pour rappeler l’ambiguïté du positionnement saoudien. On peut se poser la question si ce n’est pas plutôt le point demandant à chaque pays membre de l’UE de concilier affaires et droits de l’homme qui a gêné le plus nos braves députés de l’UMP. Un mois après la grande marche symbolisant « l’esprit du 11 janvier », nos représentants de droite ont vite repris leurs mauvaises habitudes.

Certes ce n’est qu’une résolution. Ce texte a principalement une fonction symbolique et les résolutions parlementaires finissent bien souvent au même niveau que nos bonnes résolutions de début d’année. Toujours est-il que cette résolution aurait pu être un symbole d’une Union Européenne unie pour défendre la liberté d’expression et les droits de l’homme à travers le monde. L’UMP et ses amis du PPE ont réussi à gâcher cette occasion. Bien joué.

lundi 23 février 2015

Une semaine dans le rétro : La fronde à contre-courant

Quelle semaine ! Etait inscrit à l'agenda de la semaine le vote de la loi Macron à l'Assemblée Nationale. La question, il y a sept jours était plus sur le nombre de députés de l'opposition qui oserait voter pour loi aux multiples réformes que sur l'issue du vote. Pourtant lundi et mardi, Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls ont du se sentir comme dans House of Cards, époque Frank Underwood chef de la majorité. Compter et recompter les voix pour s'assurer qu'une majorité existe pour voter la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. L'affaire n'est pas si simple qu'elle n'y parait. Ce n'est pas tant l'absence de majorité absolue du PS qui pose problème, puisque officiellement la majorité gouvernementale n'est pas remise en question, que le comportement de certains députés du groupe socialiste.

Pour certains députés, les "frondeurs" du PS ou une partie des écologistes, on est proche du délit de faciès. L'affaire a débuté il y a bientôt un an avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. L'homme n'avait pas encore dit la moindre parole en tant que Premier Ministre que les Verts annonçaient leur sortie du gouvernement et que certains députés socialistes critiquaient publiquement la nomination de l'ancien directeur de la communication de François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle. Deuxième soupçon de délit de faciès envers Emmanuel Macron, depuis se nomination à Bercy, cette même gauche lui est tombée dessus pour les 4 ans qu'il a passé en tant que banquier d'affaires chez Rotschild & Cie. Conséquence logique, quand les deux ministres s'unissent pour défendre une grande loi réformatrice (au moins par la taille), les mêmes frondeurs socialistes et sceptiques écologistes font blocs contre le projet de loi.

Jusqu'à la loi Macron, les frondeurs socialistes arrivaient à allier contestation et soutien au gouvernement. Peu étaient ceux qui votaient contre les lois du gouvernement, préférant l'abstention, toute aussi forte de sens mais moins dommageable en terme de conséquences. Cette fois-ci, c'était un véritable vote contre qui mettait en péril le vote de la loi. 40 socialistes sur les 288 députés PS qui allient leurs voix à celles de l'UMP, cela change réellement une majorité. Dans ces conditions, le gouvernement devait-il employer l'article 49 alinéa 3 de la constitution ? 

La méthode n'est pas la plus digne. C'est assez frustrant de débattre pendant 193 heures et ne pas avoir le droit de voter sur le texte final. Si le texte final n'a pas pu être voté, n'oublions pas que 560 amendements ont été adoptés dans l'hémicycle durant les 2 semaines de débats. Le texte final est donc loin du texte initial et le travail parlementaire a été entendu et pris en compte. L'utilisation du 49-3 peut donc être vu comme une mesure de respect du travail parlementaire plutôt que d'une forme de déni de démocratie. En votant contre cette loi, les députés PS aller mettre à la poubelle 193 heures de travail public, ce n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler le respect du travail des députés.

En revanche, sans oser reprendre le terme de déni de démocratie, soulignons tout de même la tribune disproportionnée que se sont offerts 4 députés socialistes frondeurs. Selon les informations du Lab d'Europe 1, Christian Paul, Pascal Cherki, Daniel Goldberg et Benoît Hamon cumulent à eux quatre près de 30% de temps de parole de l'ensemble des députés socialistes ! Est-ce une méthode digne que de squatter une grande partie du temps prévu initialement pour défendre un projet de loi pour le détruire publiquement ? Cette importante tribune contestataire a-t-elle été tenue pour réellement débattre avec le porteur de la loi ou a-t-elle servie de tribune à destination des militants en vue du futur congrès socialiste ?

Certes l'emploi du 49-3 ne devrait pas être une option d'un gouvernement de gauche attaché au travail parlementaire, mais dans le même temps, le travail parlementaire du groupe socialiste devrait avoir plus de respect pour le gouvernement qui, pour un certains nombres d'entre eux, a aidé leur élection. J'avoue être très heureux de ne pas avoir un député frondeur car sinon je ne suis pas sur que je lui renouvellerais mon soutien aux prochaines législatives. Dès l'élection de François Hollande, les militants et certains députés ont tenu à affirmer leur libre-arbitre, se refusant un poste de "député godillot". Il y a pourtant un grand écart entre avoir le droit de dire ce que l'on pense, d'amender un projet gouvernemental et voter contre pour faire tomber ce projet.

Les conséquences des actes des frondeurs risquent d'être très dures, voire néfastes, pour la suite du quinquennat. Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis devraient essayer de mettre en place un règlement contraignant pour les députés socialistes. Tout comme les députés frondeurs, les deux hommes préparent aussi leur congrès. Une majeure partie des militants attendent du gouvernement qu'il agisse dans le respect de l'impulsion donnée par François Hollande. François Hollande n'a pas gagné la primaire sur un programme penchant fortement à gauche, il a gagné avec un programme social-démocrate capable de rassembler beaucoup de Français afin d'empêcher Nicolas Sarkozy de faire un second mandat. Telle la mouche du coche, l'action des frondeurs risquent d'être contre-productive à terme. Ces frondeurs ne sont-ils pas en train d'achever une crédibilité socialiste quand une union permettrait de redonner un nouveau souffle au quinquennat ? Aujourd'hui, ces frondeurs ne doivent représenter que 15% des députés, et surement autant de militants au sein du Parti Socialiste. En parallèle, ceux qui se positionnent plus à gauche que la ligne gouvernementale ne réussissent pas à convaincre dans les urnes.

Il n'est bien sur pas question de demander aux frondeurs de renoncer à leur ligne politique, en revanche il doit être possible de demander plus de soutiens de la part de ces frondeurs sur certains sujets. La lutte pour l'emploi des jeunes, la prise en compte de la pénibilité, l'accent porté sur l'éducation nationale, les hausses de l'allocation de rentrée scolaire, la défense de l'accès à l'IVG, le mariage pour tous, la règlementation plus stricte les emplois à temps partiels, tous ses sujets ont été traités par le gouvernement, tous ces sujets ont été repris de la liste des chantiers prioritaires tels que le définissait Pascal Cherki, député frondeur à forte visibilité, lors de sa campagne aux législatives de 2012. 

Les frondeurs aiment à dire qu'ils n'ont pas été élu pour cette politique, oubliant de rappeler tout ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire, et qui va exactement dans le sens de leurs attentes et surtout de celles de leurs électeurs. C'est cette mauvaise foi et cette absence de soutien public qui pousse à bout les plus loyalistes au gouvernement. C'est ce comportement qui donne une mauvaise opinion de la gauche, qui parait juste bonne à critiquer.

Cette semaine qui arrive est une semaine de congés à l'Assemblée Nationale. les débats reprendront le 3 mars avec la suite du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale. Espérons que cette coupure puisse être bénéfique pour calmer les esprits et repartir sur des bases plus saines...

Vivement la semaine prochaine !

jeudi 19 février 2015

Emmanuel Macron, fossoyeur de l’influence catholique?

La loi Macron est aujourd’hui principalement synonyme de travail dominical. Je persiste à être attaché au fait d’avoir un jour chômé commun à la très grande majorité de la population, afin de garantir une vie familiale, sociale, associative, sportive, etc. La loi Macron ne va pas à l’encontre de ce principe puisqu’elle ne prévoit que la possibilité d’avoir 7 dimanches travaillés supplémentaires par an, sur accord des autorités locales. Emmanuel Macron ne remet donc pas en question le repos obligatoire le jour du seigneur, les églises pourront toujours (espérer) faire nef comble. Il y a en revanche un petit amendement qui s’est inséré dans le projet de loi qui m’a fait plus sourire et qui remet bien plus en cause l’influence de l’église catholique. Merci à Corto de me l’avoir signalé en commentaire de mon dernier billet.

Six députés d’outre-mer ont porté un amendement visant à ajouter un article. L’objet de cet article est de permettre aux préfets de ces territoires de remplacer des jours fériés par d’autres. Bien sur, pas n’importe quels jours fériés sont visés, uniquement des jours fériés liés à la religion catholique, soit : le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, l’Assomption et la Toussaint. Durant les débats, Emmanuel Macron a montré des réticences sur le sujet, mais au final l’amendement a été adopté suite à un vote à main levé. La liste des jours fériés modifiables s’est même allongée pour permettre de ne plus considérer le 1er janvier et Noël comme jour férié. Le texte de loi précisant uniquement (dans l'article 82 bis) que les dates du 1er mai, 8 mai, 14 juillet et 11 novembre ne pouvait pas être remplacées par un autre jour férié.

J’avoue que je fus surpris en apprenant que cet amendement avait été adopté. Je fus également assez enthousiaste. Ce texte reprend une proposition que j’avais faite sur ce blog en août 2012, où je m’interrogeais sur le besoin de garder des jours fériés religieux dans une république laïque, séparée de l’Église depuis plus d’un siècle. A l’époque, et encore aujourd’hui, je proposais que l’on remplace tous les jours à caractère religieux (à l’exception de Noël) et qu’on les remplace par des jours célébrant notre histoire républicaine. Par exemple, nous pourrions célébrer les 8 mars, 9 mai, 21 juin.

En célébrant le 8 mars, la France rejoindrait le Burkina Faso, le Cambodge, le Laos, la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan et la Biélorussie dans le rang des pays mettent à l’honneur la journée internationale des droits des femmes.

Il faudrait une journée pour célébrer la construction de l'Europe. Le 9 mai semble une date tout à fait appropriée puisque déjà journée de l'Europe. Sa proximité avec le 8 mai ne doit pas poser de problème puisque le jeudi de l'Ascension est aussi dans cette période.

En rendant férié le 21 juin, nous pourrions transformer la fête de la musique en une grande fête de la Culture, pourquoi pas un mix entre journées du patrimoine, fête de la musique, fête du livre et autres secteurs culturels...

Pour rétablir le compte de jours fériés (on ne va tout de même pas se faire voler un jour férié au passage), nous pourrions célébrer un débarquement allié, celui du 6 juin ou celui du 15 août, ces évènements ayant vu des militaires du monde entier ainsi que des femmes débarquer sur le sol français pour combattre la barbarie nazie. L'avantage de célébrer le débarquement de Provence serait de ne pas brusquer les catholiques qui garderaient ainsi leur fête de la vierge Marie.

Pour le dernier jour férié, il faudrait trouver une date à l’automne pour équilibrer le calendrier et remplacer le 1er novembre. On pourrait rendre férié le 21 septembre, jour de la proclamation de l’abolition de la royauté, une des douze dates représentées par un haut-relief sur le piédestal du monument de la Place de la République à Paris.

On retrouve cette idée dans l’esprit des parlementaires à l’origine de l’amendement, comme ils l’exposent dans les motifs de leur amendement :
« Il existe un paradoxe de fait dans une République laïque à donner ainsi dans le calendrier républicain un statut légal aux seules fêtes d’une religion, bien que celle-ci ait un caractère fortement majoritaire dans la population. Ce paradoxe est renforcé dans les départements d’Outre-mer où le fait et l’histoire religieux sont parfois de nature bien différente. De plus, ces départements ont une identité forte, fruit de leur histoire, qui pourrait utilement se matérialiser autour de jours fériés spécifiques célébrant par exemple l’arrivée des premiers habitants, leur départementalisation, certaines fêtes religieuses qui y sont largement célébrées ou encore la naissance d’une personnalité historique majeure de l’Histoire du territoire. Cela ne remettrait évidemment pas en cause l’unité de la République ou leur attachement aux principes et valeurs républicains puisque les jours fériés célébrant des dates ayant trait à l’Histoire de France et aux valeurs républicaines seraient obligatoirement maintenus car non ouverts à la substitution permise par cet amendement. »

La loi Macron pourrait être la première étape vers la fin de l’influence de l’église catholique dans notre quotidien. Plus exactement elle pourrait être une première étape vers une plus grande égalité entre les religions. Rendre républicains nos jours fériés serait un geste fort indiquant qu’en France, aucune religion n’est supérieure aux autres. C’est peut être ça aussi, agir dans l’esprit du 11 janvier.

mercredi 18 février 2015

49-3 et autres chiffres sur la loi Macron

La loi Macron est donc passée en force à l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, personne ne parle des réformes que ça implique, tout le monde n’a que les chiffres 49-3 (et non 9-3 pour une fois) en bouche. Quitte à résumer la loi Macron à une série de chiffres, en voici quelques uns :

2 : Le nombre de ministres ayant travaillé sur le projet de loi, Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron.

8 : Le projet de loi est porté par 8 ministres : Christiane Taubira, Michel Sapin, François Rebsamen, Sylvia Pinel, Thierry Mandon, Axelle Lemaire, Alain Vidalies et bien sur Emmanuel Macron.

49-3 : l’article de la constitution (soit disant anti-démocratique) que le gouvernement aura choisi d’utiliser pour ne pas risquer un vote négatif du projet de loi par les députés. Jamais une motion de censure déposée suite à l’utilisation du 49-3 n’aura mené à la démission du gouvernement.

77 : Le 77ème congrès du PS se tiendra les 5, 6 et 7 juin 2015. D’après Manuel Valls, certains frondeurs ont voulu profiter de la loi Macron pour se faire voir avant le Congrès de Poitiers, histoire de se placer en tant qu’opposant et potentiel successeur à Jean-Christophe Cambadélis.

96 : amendements déposés par Pascal Cherki, député frondeur du 14ème arrondissement. 7 seront adoptés, 48 rejetés et les autres non soutenus ou retirés.

106 : Articles constituant la loi pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, répartis en 3 titres. Le travail le dimanche ne concerne que 9 articles.

193 : En matière de déni de démocratie, on ne pourra pas dire que le gouvernement a essayé d'empêcher les débats et les discussions. Au total, et uniquement pour le 1er passage de la loi à l'Assemblée Nationale, il y aura eu 193 heures de débats : 82 en commission spéciale puis 111 dans l’hémicycle.

244 : Le nombre de pages de l’énoncé de la loi à l'issu du débat à l'Assemblée Nationale. Les articles sur le travail dominical tiennent en 8 pages.

1074 : Nombres d’amendements adoptés en commission spéciale (514) et lors des débats dans l’hémicycle (560). 4934 amendements ont été déposés.

mardi 17 février 2015

Les bonnes surprises de la loi Macron

La loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques aura permis au gouvernement de Manuel Valls de marcher sur les traces d'un de ses glorieux prédécesseurs, Michel Rocard, pour faire passer des réformes en force à l'Assemblée Nationale en utilisant le célèbre article 49-3. En cause, une majorité impossible à réunir à gauche et un soutien non assuré des centristes et d'une part de l'UMP.

Pourtant, il y a de belles choses dans ce projet de loi, souvent passées inaperçues tant on s'est focalisé sur le travail du dimanche ou le transport en autocars. Voici quelques points peu ou pas évoqués et qui sont pourtant des nouveautés intéressantes.

Accélérer l’obtention du permis de conduire
Cet article a été évoqué sous l’angle des manifestations des auto-écoles qui ne voient pas d’un bon œil cette réforme. La loi Macron veut réduire le temps et le coût pour passer son permis. Les auto-écoles ont principalement râlé sur la fin du forfait minimal de 20 heures de conduite avant d’avoir le droit de passer son permis. Mais la loi Macron ouvre aussi la possibilité à des organismes externes de faire passer les épreuves pratiques du permis poids lourd dans le cadre de diplômes professionnels. L’objectif de cette réforme est de libérer du temps aux inspecteurs pour être plus disponibles pour l’examen de passage du permis B. Aujourd’hui, il faut entre 3 mois et 5 mois pour avoir le droit de se présenter à nouveau à l’examen pratique. L’objectif est de réduire ce délai d’attente à une moyenne de 45 jours. La personne qui doit repasser son permis de conduire, en plus de gagner du temps gagnera aussi de l’argent puisqu’elle devra prendre moins de leçons avant le nouvel examen pour garder son niveau.

Accélérer le raccordement des immeubles la fibre optique
Pour simplifier et accélérer le raccordement des immeubles à la fibre optique, la loi Macron permet à l’assemblée générale de copropriété de donner mandat au syndic pour se prononcer sur toute proposition de raccorder l’immeuble à la fibre optique. Avant cette simplification, le syndic devait mettre le sujet à l’ordre de l’AG de la copro, ce qui pouvait porter le temps de décision à un an, le temps maximal pour réunir une AG de copro.

Garantir le maintien dans le giron français d’un acteur majeur des biotechnologies
Si la loi Macron s’est prononcée pour la privatisation de quelques entreprises, elle cherche également à maintenir dans le secteur public des entreprises de santé publique. Ainsi le Laboratoire Français du Fractionnement et des Biotechnologies et ses filiales sont reclassées au sein du secteur public et la loi exclue tout transfert vers le secteur privé. Si le LFB est un leader européen des biotechnologies, c’est aussi le laboratoire qui a l’exclusivité sur le fractionnement du plasma que l’EFS récolte auprès des particuliers.

Contrôler les retraites chapeau
Les organismes de retraites complémentaires vont devoir fournir à l‘INSEE et au gouvernement un rapport annuel sur les retraites versées. Pour lutter contre les dérives des retraites chapeau, l’IGF et l’IGAS auront pour mission de rapporter annuellement sur le fonctionnement et l’encadrement de ces régimes.

Autoriser les maires à se prononcer sur le travail dominical
A l’exception de certaines zones bien délimitées, les maires pourront accorder jusqu’à 12 ouvertures par en le dimanche au lieu de 5 actuellement. Au-delà de l’ancien palier des 5 dimanches, le maire devra avoir l’accord de l’intercommunalité. Premier bon point, on est loin de la généralisation du travail le dimanche comme certains aimeraient à nous le faire croire, surtout que 12 ouvertures par an, ça correspond à une ouverture lors de chaque dimanche des soldes. Deuxième bon point pour la démocratie, si des populations sont résolument contres des ouvertures 12 dimanches par an, elles pourront toujours se retourner contre leur maire ou leurs représentants à l’intercommunalité lors des prochaines élections municipales, à condition d’avoir dans le lot des opposants quelqu’un qui soit contre cette mesure bien entendu.

Considérer le travail en soirée comme le travail de nuit
La loi Macron veut faciliter le travail en soirée, soit entre 21h et minuit. Comme pour le travail de nuit, il faudra un accord écrit de l’employé pour travailler en soirée. Cet employé ne pourra pas être licencié au motif de son refus de travailler en soirée ou si il change d’avis après avoir accepté. Toutes les heures travaillées après 21h doivent être payées double. De la même façon que pour le travail de nuit, l’employeur devra mettre à disposition un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui doit permettre à l’employé de regagner son domicile. Il devra également mettre en place des mesures de compensations liées aux charges relatives à la garde d’enfants en soirée.

Lutter contre le dumping social dans les transports routiers.
Le dernier point de cette liste est considéré comme une révolution par la CGT. Pour lutter contre la concurrence déloyale des transporteurs étrangers, tous les chauffeurs routiers étrangers travaillant en France doivent être payés au moins au SMIC français. Cela signifie qu’un chauffeur étranger qui profite d’un passage en France pour faire quelques transports locaux (ce qu’on appelle opération de cabotage) devra à présent bénéficier des règles sociales françaises et du salaire minimum français. On peut voir dans cette mesure une mise en cohérence avec une loi récemment passée en Allemagne, nouvel exemple du couple franco-allemand retrouvé.

Je trouve également l'opposition catégorique des députés socialistes sur ce texte. Par exemple, Benoit Hamon, ancien ministre et nouveau député à la tête de la fronde contre ce projet, n'a signé que 6 amendements (dont un fut accepté) pour modifier un texte contenant plus de 100 articles. Je me demande si ces députés ne font pas payer à Emmanuel Macron son péché originel, c'est à dire son passé de banquier d'affaires...