mercredi 25 mai 2016

Hollande et les syndicats, c'était mieux avant ?



Résumé des épisodes précédents :
Le gouvernement n’entend pas céder sur sa Loi Travail, les partisans du retrait non plus. Pour apporter plus de poids à la contestation, la CGT appelle au blocage des raffineries et dépôts de carburants. Pour apporter plus de poids à sa position, le gouvernement débloque, parfois par la force, les blocages.

Ce jeu devrait pouvoir durer un bout de temps. Tant que la balance lieux bloqués / débloqués permet un approvisionnement même à minima des stations services, le gouvernement devrait pouvoir tenir. En attendant, les opposants de gauche à François Hollande s’essayent au mauvais procès où le Président est accusé de renier ses promesses de France apaisée et de respect des syndicats.

François Hollande et Manuel Valls s’attaquent-ils aux syndicats ? Aux salariés ? Jouent-ils contre l’apaisement de la population en montant différentes catégories les unes contre les autres ?

En faisant intervenir les forces de l’ordre pour débloquer les raffineries et les dépôts de carburants, le gouvernement ne s’attaque pas au droit de grève des syndicats. Il ne s’attaque pas non plus aux syndicats en tant que tel. Il répond à des actes illégaux d’un point de vue juridique. Les salariés ont bien sur le droit de faire grève, le droit de ne pas effectuer la mission pour laquelle ils sont embauchés. En revanche, il est interdit d’empêcher l’accès à l’entreprise et il est interdit d’empêcher les personnes voulant travailler de le faire. Dans le cas du blocage des dépôts de carburant, tant que des transporteurs se présentent et que des employés sont là pour répondre à leurs besoins, alors il ne peut y avoir de blocage. Le gouvernement est donc dans son droit quand il force le déblocage de certains sites.

Maintenant, reprenons le contexte de 2012, moment où le candidat Hollande promet de respecter les syndicats. Si François Hollande rappelle que « s’attaquer aux syndicats, c’est s’attaquer aux salariés », c’est que la présidence et la campagne de réélection de Sarkozy ont ciblé particulièrement les corps intermédiaires que le président sortant aurait aimé rayer de la carte. Quelques citations issues de la campagne présidentielle de 2012 :

Ce ne sont pas les Français qui sont rétifs aux réformes mais les corps intermédiaires qui n’aiment rien tant que l’immobilisme. (Nicolas Sarkozy le 19 février 2012)

C’est le cœur du problème français, les syndicalistes n’ont pas à faire de la politique. Les salariés de Florange n’aiment pas l’exploitation de leur souffrance. (Nicolas Sarkozy le 15 mars 2012)

Ne confondons pas les salariés d’ArcelorMittal, que je ne laisserai pas tomber, et des syndicalistes qui trompent leurs adhérents en faisant de la politique au lieu de défendre l’intérêt des salariés. (Nicolas Sarkozy le 02 avril 2012)

Le 1er mai, nous allons organiser le fête du travail, mais la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, de ceux qui sont exposés, qui souffrent, et qui ne veulent plus que quand on ne travaille pas on puisse gagner plus que quand on travaille. (Nicolas Sarkozy le 23 avril 2012)

Travailleurs, c’est avec vous d’abord que je veux bâtir la France nouvelle. (Nicolas Sarkozy le 1er mai 2012)


On peut chercher toutes les déclarations de François Hollande depuis 2012, jamais il n’aura traité les syndicats de la sorte, souhaitant les mettre de côté pour ne parler qu’aux Français. Au contraire, le gouvernement a fait mis en place une conférence sociale annuelle dès 2012 où sont invitées les organisations patronales et syndicales. Une des premières grandes lois sur le travail du quinquennat, l’ANI, a été écrite suite à un accord entre ces organisations. Je n’ai pas souvenir que François Hollande ait dénigré publiquement des syndicats avant, pendant ou après une grève, contrairement à Nicolas Sarkozy qui se vantait que grâce à lui « quand il y a une grève en France personne ne s'en aperçoit. »

Bien sur, les actions du gouvernement ne vont pas plaire à tout le monde. Bien sur, certains syndicats ne sont pas sur la même ligne que le gouvernement et donc sont mécontents du cap et des choix pris. C’est aussi pour cela qu’il y a une diversité de syndicats et que les salariés sont largement invités à s’exprimer au moins lors des élections professionnelles afin de donner plus de poids à la sensibilité qui leur correspond le plus.
Cette gauche qui manifeste et qui veut faire plier le gouvernement est la même qui demandait à Hollande de ne pas céder face aux manifestants de la Manif Pour Tous. Les manifestants actuels sont moins nombreux que les réactionnaires du mariage. Pourquoi le gouvernement devrait céder aux revendications des derniers alors qu’il n’a pas céder aux manifestions des premiers ? Surtout que dans le cas de figure actuel, le gouvernement est soutenu par une partie des syndicats.

Pour finir, rétablissons quelques faits. Le gouvernement n’a pas agi tel une « dictature socialiste ». A l’Assemblée Nationale, la version adoptée par 49-3 intègre 469 amendements (issus du gouvernement et des députés). En cours de discussion au Sénat, les sénateurs ont entendu aujourd’hui les organisations syndicales (représentant salariés et patrons). Le texte issu du Sénat sera rediscuté ensuite à l’Assemblée Nationale. Ca nous laisse de nombreuses occasions de blocage par les plus têtus de mes camarades de gauche et surtout ça laisse assez de temps aux plus réfléchis de convenir d’amendements pour que la loi convienne au plus grand nombre (même à ceux qui officiellement n’accepteront pas que la loi passe).

mercredi 18 mai 2016

Qui sont les absents au Sénat ?

Depuis le mois de janvier, on nous dit qu'il n'y aurait que 14 sénateurs absentéistes. C'est en tout cas ce qu'a déclaré Gérard Larcher en annonçant à l'époque que ces 14 sénateurs se sont vus retenir 2100€, soit la moitié de l'indemnité parlementaire du dernier trimestre de l'année 2015. Mais depuis le début de l'année, impossible de savoir qui sont réellement ces 14 vilains petits canards. Ce devrait être chose réparée avec la sortie d'un livre sur le Sénat, mais qu'en est-il dans les faits ? L'hebdo Marianne, qui fait de la pub pour le livre d'Yvan Stéfanovitch, Le Sénat. Un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes, indique que l'auteur a du enquêté 5 mois pour essayer de trouver les noms des 14 sénateurs sanctionnés.

Sur les 14 noms, je n'en citerai que 2 : Stéphane Ravier (sénateur-maire FN) et Gérard Collomb (sénateur-maire PS), même si Marianne et Yvan Stéfanovitch en cite 13 issus de tous les principaux  partis. Pourquoi ne citer que ces deux là ? Simplement car ce sont les seuls à reconnaître leur sanction. Les deux ont d'ailleurs la même excuse, leur agenda local fut particulièrement chargé, ce qui les a empêché, temporairement, d'exercer pleinement leur fonction de sénateur au sein du Palais du Luxembourg. C'est beau de voir l'extrême-droite et la gauche fournir le même excellent argument en faveur de la lutte contre le cumul des mandats. Bien sur qu'être un élu local est un boulot à plein temps et bien sur qu'être un sénateur est un boulot à plein temps. Dans ces deux postes d'élus, il y a des réunions, des assemblées obligatoires et un principe de représentation nécessaire. Difficile, voire impossible de cumuler ces deux agendas, ce qui montre l'utilité de la loi votée en 2014 et rendant impossible le rôle de parlementaire avec un poste d'élu local. Il sera intéressant de voir en 2018 quels sont les chiffres de l'absentéisme au Sénat et à l'Assemblée Nationale puisque le non cumul sera effectif en 2017.

En refusant de nommer les 14 sanctionnés, je ne peux que me poser des questions sur une transparence à deux vitesses. La première transparence pourrait s'appeler la transparence Closer. On annonce publiquement les biens des parlementaires et des ministres. Cette publication est certes utile pour suivre les risques d'enrichissement suspect d'un élu le long de sa carrière politique mais ressemble plus, pour le moment, à une fenêtre ouverte sur leur vie privée que sur la transparence de leur action politique. C'est surement le prix à payer pour arriver à plus de contrôle de la vie publique. En revanche en quoi l'anonymisation des sénateurs absentéistes aide à améliorer le contrôle de la vie publique. Les citoyens ne peuvent pas savoir si leurs élus font bien leur boulot, et quand un nouveau nombre de sénateurs abstentionnistes sera dévoilé, on ne pourra pas faire de comparaison pour voir si on a à faire à des récidivistes.

Mais plus que la question de l'identité des "sécheurs" du Sénat, la question du chiffre en lui-même doit être posée. N'y aurait-il vraiment que 14 sénateurs sur 348 qui seraient trop souvent absents ? D'après Marianne le compte est loin d'être bon et il semble facile d'être de leur avis. Les critères mis en place par le Sénat pour déterminer les abstentionnistes sont plus que laxistes. De plus il semble facile de se faire porter pale ou de se faire excuser. Les exemples donnés par Marianne ne me semblent pas les plus judicieux puisque l'hebdo indique que Jean-Vincent Placé évite la sanction d'une absence qui fut justifiée par le fait qu'il accompagnait le Président de la République dans un voyage officiel en Corée du Sud. Difficile d'en vouloir à l'élu écologiste. Au chapitre absent pour raisons médicales, le livre semble citer le sénateur de la Réunion Paul Vergès qui n'aura assisté à aucune réunion et aucun vote du Sénat car malade. Il faut dire que les grands électeurs Réunionnais ont élu un homme âgé aujourd'hui de 96 ans. On peut imaginer que des déplacements fréquents entre la métropole et l'Ile de la Réunion soit déconseillés.

L'initiative de sanctionner les absentéistes réguliers du Sénat est une bonne chose. Il est important à présent d'aller plus loin. Il faut que le Sénat nomme les punis afin que ces derniers ne puissent plus agir (ou ne pas agir dans ce cas) sans que leurs concitoyens ne le sachent. Il faut surement aussi rendre plus drastique les règles, même si l'on pense que le non cumul des mandats puisse résoudre une partie du problème de l'absentéisme. Il ne faudrait tout de même pas que nos nouveaux sénateurs deviennent plus paresseux que leurs prédécesseurs.

mardi 17 mai 2016

Montebourg candidat mais pas trop

Mitterrand allait à la Roche de Solutré tous les lundis de Pentecôte. Depuis une dizaine d'année, Arnaud Montebourg fait de même une centaine de kilomètres plus au sud en randonnant vers le sommet du Mont Beuvray. Cette année cette ascension était annoncée comme exceptionnelle. Moins d'un an avant l'élection présidentielle, Arnaud Montebourg bat le rappel médiatique (et militant), il a quelque chose d'important à annoncer aux Français.

En haut de son Mont Beuvray, Arnaud n'a pas annoncé sa candidature, mais c'est tout comme. Ce lundi, le candidat Montebourg faisait surement son entrée en campagne en présentant un appel à projets. Cet appel est destiné 
"aux économistes, aux entrepreneurs et aux syndicalistes, aux innovateurs, aux chercheurs et aux créateurs, aux scientifiques et aux artistes, aux citoyens engagés et tout simplement aux Français qui souhaitent peser sur le destin de notre Nation et de notre continent"

Ce projet à écrire devra respecter 3 caractéristiques, assez générales et floues pour encourager tout le monde à participer :
1- Il devra affronter et traiter les problèmes que la classe dirigeante de droite et de gauche esquive depuis des décennies ; et apporter des solutions nouvelles. De ce point de vue, ce projet devra être innovant et fera appel à tous les innovateurs de France.
2- Ce projet devra tenter de réconcilier, réunifier les deux France : la France qui va bien et la France qui va mal. La France qui va mal, c’est celle des territoires désindustrialisés, des agriculteurs appauvris et des ouvriers sans porte voix, des PME laissées pour compte et des Services Publics délaissés. La France qui va bien c’est celle des start-up, des Fonds d’investissement et des métropoles.
Chacune de ces deux France devra être entendue mais aucune des deux ne devra éviter des concessions à l’autre. Il s’agit de construire des compromis gagnants pour tous. De ce point de vue, ce projet sera Républicain et fera appel à toutes les bonnes volontés de France.
3- Ce projet devra s’inspirer de certaines valeurs. Il ne niera certainement pas ce que nous sommes. Mais qui sommes-nous ? Des hommes et des femmes de gauche. Je suis un homme de gauche. Mais qu’est-ce que cela veut dire « être de gauche » dans ce moment où les repères ont disparu ?

Et à Arnaud Montebourg de se lancer dans l'exercice toujours difficile d'expliquer ce qu'est "être de gauche", en douze point, et chaque point illustré par 2 personnalités. Sont invoqués, sans trop de surprises car déjà vus dans les discours du presque candidat, Roosevelt, Mitterrand, Mendès-France. De nouveaux exemples plus récents sont aussi appelés : Naomi Klein en icône de la justice qui protège le plus faible, Florence Aubenas qui en décrivant le quotidien des Français représente les soutiens à "ceux qui se sentent abandonnés par la société". 
Enfin des personnalités plus étonnantes se retrouvent citées en personnalités de gauche. 
  • Jean-Pierre Chevènement fut de gauche (j'ai des doutes aujourd'hui), Arnaud Montebourg le cite dans son paragraphe sur le patriotisme économique. Je me demande s'il partage sa vision de gauche de la construction européenne...
  • Le Pape François est cité dans le paragraphe sur le respect de tous, car être de gauche "c’est aimer notre culture et nos valeurs sans vouloir en faire des armes d’exclusion massive." Arnaud Montebourg pense bien sur ici aux migrants, je me rappellerais des propos du Cardinal Barbarin et du peu d'action du pape, si prolixe en d'autres contextes, sur le mariage pour les couples du même sexe.
  • Simone Veil serait de gauche car "être de gauche, c’est vouloir poursuivre et parachever l’œuvre d’égalité des droits, des chances et des opportunités entre les hommes et les femmes." Simone Veil fut tout de même ministre sous Giscard puis sous Balladur et fut élue au Parlement Européen avec l'étiquette UDF. 
J'imagine qu'avec ces exemples pas tous issus de la "vraie gauche officielle", Arnaud Montebourg montre ainsi que personne n'a le monopole de la pensée de gauche et qu'il faut savoir s'ouvrir à toutes les bonnes volontés. Mais n'est-ce pas là la même pensée qui anime Emmanuel Macron quand il se dit ni de droite, ni de gauche ? 

La volonté d'Arnaud Montebourg est louable. A un an de l'élection présidentielle, à un peu plus de 6 mois du début de la campagne électorale, son initiative de construction de projet peut-être salutaire pour la gauche. Je ne l'imagine pas oser se présenter contre François Hollande. Cette initiative serait malheureuse, difficile à expliquer et destructrice pour la gauche. En revanche, en construisant ce projet, tout comme en présentant son projet lors de la primaire de 2011, il pèsera un poids certains dans la préparation du prochain programme du candidat socialiste.

Pour mesurer ce point, il ne serait pas étonnant de voir Arnaud Montebourg se présenter officiellement comme candidat à l'élection présidentielle. Ça lui ouvrira les portes de plusieurs médias, ça permettra de voir sa personnalité et ses idées confrontées aux autres par les instituts de sondages. La prochaine étape devrait être fin août à Frangy-en-Bresse lors de la Fête de la Rose, autre grand raout Montebourgeois traditionnel qui avait été il y a 2 ans le signal de son départ du gouvernement. 


Le texte complet de l'Appel du Mont Beuvray : http://www.arnaudmontebourg.fr/lappel-du-mont-beuvray/

vendredi 13 mai 2016

C'est quoi Le Bon Coin ?


On pouvait penser de Nicolas Sarkozy qu’il était jeune et dynamique, que contrairement à la vieille école de la politique, ce fougueux ex président vivait plus avec son temps et qu’il connaissait un peu ce qu’il se passe sur le web, pas comme son prédécesseur Jacques Chirac qui découvrait en 1996 l’existence du « mulot ».

On pouvait penser de Nicolas Sarkozy qu’il était intéressé par les « success stories » des entreprises françaises. Qu’une boite qui attire 25 millions de visiteurs uniques par mois et dont le chiffre d’affaire a dépassé les 134 millions d’euros en 2014 ne passait pas inaperçue en France et donc qu’elle serait connue par l’ancien président de la République.

Rien de tout cela à première vue puisque lors d’une discussion avec un chef d’entreprise, le chef des Républicains a demandé à ce patron qui annonçait recruter sur le Bon Coin « C’est quoi le Bon Coin ? ».

Ce n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy fait preuve d’ignorance face à des réussites françaises. Dans la biographie de Serge Kampf, le fondateur de Capgemini, devenu à présent un groupe multinational de premier ordre, l’anecdote suivante est racontée :
Extrait de "Serge Kampf le plus secret des grands patrons français"
de Tristan Gaston-Breton

Je reste tout de même dubitatif sur le fait que Nicolas Sarkozy ne connaisse pas le Bon Coin. Le candidat expert en récupération d’idées n’aurait donc pas fait appel au Bon Coin pour acquérir certaines vieilles rengaines d’occasion déjà utilisées par le FN… Maintenant qu’il sait qu’on peut aussi y trouver du boulot, peut être va-t-il y trouver le futur emploi de ses rêves et laisser la place en politique comme il l’avait annoncé en 2012…