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mercredi 2 mai 2018

Mon cortège du 1er mai

Le 1er mai, quand je suis en France, je vais manifester. J’ai beau être adhérent à la CFDT, je préfère passer mon après-midi du 1er mai dans la rue plutôt que dans une salle de cinéma, surtout qu’il fait souvent beau le 1er mai après-midi. Cette année donc, c’était manif du 1er mai et pour la première fois, c’était manif en famille avec la poussette. Poussette qui est, au passage, un support idéal pour les autocollants des différentes organisations (et mention spéciale à LO qui en distribue énormément).

N’ayant pas de point d’ancrage syndical cette année, on cherche à rejoindre le point fixe du PS sur le boulevard de la Bastille (boulevard qui est la première voie prise par le cortège). Il est 14h30, je fais un aller/retour sur le boulevard car le cortège n’est pas encore parti mais le PS n’est pas clairement visible. Lors de cet aller/retour, on se dirige presque inconsciemment vers le grand drapeau de la Catalogne indépendante. C’est un classique du 1er mai, des représentants de nombreux peuples se joignent au cortège pour porter leurs revendications. Les Catalans sont à côté du stand de la LDH mais nous n’allons pas prendre le temps de chercher des visages connus. Sur le large trottoir derrière les Catalans, des centaines de jeunes en noir sont en train de s’habiller, de se préparer avec masques, capuches et protections. Plus que leur tenue, c’est leur nombre qui impressionne. Ni une, ni deux, on les traverse avec la poussette avec pour seul objectif, rejoindre la chaussée puis rejoindre une intersection avec une autre rue, histoire d’avoir une échappatoire quand ces gens vont se mettre en route car aucun doute possible, ça va bastonner, reste à savoir où, sur qui ou sur quoi.

Le reste du boulevard est calme comme un début de manif. Ça sent le barbecue, les organisations non syndicales se montrent en bord de rue et énormément de monde, des jeunes, des familles, des retraités (ou des personnes qui ont suffisamment de cheveux gris ou de rides pour se faire passer comme tel), bref le monde de gauche dans sa diversité et pas que des syndiqués. Je retrouve même le PS ! Heureusement que j’avais l’adresse du point de rendez-vous car sans drapeau, sans banderole, sans tract, pas de signes distinctifs si ce n’est 3 caméras devant Olivier Faure et quelques pin’s au revers de la veste d’une poignée de militants. C’est bien beau d’être présent dans les manifs mais si c’est de façon cachée, ça ne sert à rien. Je suis sûr que dans le cortège d’hier, personne n’a su que le PS était présent. Ce qui signifie que dans l’inconscient des manifestants, si le PS est absent de ces grands rendez-vous, c’est qu’il abandonne les travailleurs, les revendications.  

Il est 15h30 quand la tête du cortège passe devant moi. Pour qu’il n’y est pas d’ambiguïté, je parle de la tête officielle, celle qui marque le début de la manifestation organisée par les syndicats et qui donne le rythme au reste de la manif. Impossible de se tromper, les premiers rangs sont les gros bras du service d’ordre de la CGT, suivis par d’autres gros bras de la CGT qui entourent Philippe Martinez et des représentants de Solidaires, de la FSU (et surement de FO). Ici aucun risque d'avoir des casseurs, lee service d'ordre est important et bien organisé. Je les laisse passer et ma petite famille et moi nous nous insérons dans le cortège. Encore une fois, je remarque qu’au milieu des CGTistes qui sont là avec leurs banderoles et leurs mégaphones, il y a du monde, toujours beaucoup de familles qui s’insèrent, doublent, bref qui sont impatientes de marcher vers Place d’Italie.

Un peu avant 16h, nous avons avancé de 400m et sommes sur le Pont d’Austerlitz. Le cortège stationne. On voulait doubler la tête du cortège pour rejoindre des amis de l’autre côté du pont, mais il y a beaucoup trop de monde pour doubler facilement avec la poussette. De toute façon, il fait beau, on est là pour manifester, autant patienter un peu.

Il est environ 16h15. Ça fait plus de 15 minutes que nous sommes à l’arrêt. Le temps est long. Certes les quelques feux d’artifice tirés en l’air au niveau de la gare d’Austerlitz m’amusent, mais le temps est long tout de même.  Famille moderne, on en profite pour prendre des nouvelles de la manifestation à laquelle on participe en regardant ce qu’il s’en dit sur Twitter. Ça commence à déchanter, nos rencontres du début d’après-midi sont passées à l’action et ont détruit un McDo ! On est toujours au milieu du pont, on voit par moment de la fumée s’élever devant nous. Mais aucune information sur le pont à part notre Twitter (en même temps qui aurait pu donner une info ? sur la base de quoi à part des « on dit » des réseaux sociaux ?). On avance donc, on double par les trottoirs la tête du cortège, à la recherche de nos amis à l’avant.



A 16h30 nous sommes au carrefour devant le jardin des plantes. Fumée noire (voiture en feu surement) devant nous et sur les quais haut à notre droite un gros mouvement de CRS. On se regarde avec d’autres familles autour de nous, tous avec nos poussettes. On s’avance vers la descente sur les quais bas au cas ça tourne au vinaigre. On ne va pas attendre du tout au final. Les CRS sont nombreux et prêts à intervenir. D’autres sont sur la rampe d’accès aux quais bas et filtrent pour ne laisser qu’une personne à la fois descendre. On espère tous (car nous sommes nombreux à fuir la future bataille d’Austerlitz) que ça ne va pas dégénérer trop vite sinon tout le monde ne pourra pas accéder sur les berges de Seine. 

Des bords de Seine, nous verront les mouvements de recul du cortège sur le pont. Nous partons de ces berges quand nous voyons un camion à eau de la police se positionner à notre niveau, face à la rue longeant l’autre côté du Jardin des Plantes. On avance jusqu’au Pont de Sully et on voit des mouvements de foule sur le Pont d’Austerlitz. Est-ce des CRS ? Est-ce des anars qui se font refoulés ? On n’en saura pas plus. Pendant ce temps là, un nouveau cortège s'est formé sur le quai St Bernard, surement des gens qui ont fui le pont d'Austerlitz par l'avant. Je m'inquiète un peu pour eux. Seuls 3 policiers sont présents pour surveiller le carrefour qui est bien sur ouvert à la circulation. Ce contre cortège créé sur la tas n'a pas de service d'ordre, pas d'itinéraire, juste une envie de continuer à marcher dans le calme tout en évitant les affrontements en cours.

Pendant ce temps là, par téléphone, des personnes toujours sur le boulevard de la Bastille nous disent qu’ils sentent les gaz lacrymo de là où ils sont ! Après coup, il semblerait que les forces de l’ordre n’aient pas que gazé les casseurs mais aussi l’autre extrémité de la manifestation pour la faire partir…

On prend notre temps avant de rentrer chez nous, on profite des voies sur berges piétonnes pour flâner encore un peu et donner le goûter au bébé manifestant. Quand on arrive à 200m de chez nous, des jeunes nous demandent de ne plus avancer, nous prévienne que ça gaze partout à Bastille (étonnant je pensais que les cagoules noires étaient de l’autre côté de la Seine). On continue d’avancer vers chez nous et 100m plus loin des jeunes (pas des Black Blocks) lancent des insultent, d’autres nous crient de ne plus avancer avec la poussette. En fait des CRS sont dans notre rue, presque devant chez nous, en train de reculer face à une poignée d’adolescents les insultant et appelant à imiter les manifestants arméniens. Je n’ai aucune idée de ce qu’il s’est passé sur ces lieux avant mon arrivée. Deux minutes plus tard ma rue aura retrouvé son calme habituel. Les CRS auront retrouvé leurs camarades et les jeunes les leurs.

Quel est le but de ce récit ?
Rappeler que la manifestation du 1er mai avait tout pour être un véritable succès. Les gens étaient présents et je ne sais pas comment le décompte a pu être (que ce soit par la police ou la CGT) puisque le cortège n’a pas pu se lancer entièrement puisque bloqué beaucoup trop tôt par la violence anarchiste.
Rappeler que manifester n’est pas synonyme ni de violence, ni de soutien sans faille à la CGT. Manifester le 1er mai, c’est soutenir les salariés en lutte (cheminots, employés de Carrefour mais aussi ouvriers de PSA, salariés sans papier, personnels des hôpitaux). C’est soutenir le fait qu’une autre politique du travail existe, que le dialogue social ne peut pas être que parler dans le vent face aux représentants du gouvernement. C’est aussi rappeler que d’autres peuples souffrent et luttent pendant que notre gouvernement attaque les travailleurs et les immigrants.
Enfin, c’est aussi rappeler que même si des actions ultra-violentes ont lieu à Austerlitz sur la rive gauche de la Seine, ça ne veut pas dire que les forces de l’ordre ont le droit de maltraiter des personnes qui attendent de pouvoir manifester rive droite. Ce n’est pas parce qu’il y a de la casse à Austerlitz à 16h qu’il doit y avoir du tabassage en règle dans le Quartier Latin à 19h.

mercredi 25 mai 2016

Hollande et les syndicats, c'était mieux avant ?



Résumé des épisodes précédents :
Le gouvernement n’entend pas céder sur sa Loi Travail, les partisans du retrait non plus. Pour apporter plus de poids à la contestation, la CGT appelle au blocage des raffineries et dépôts de carburants. Pour apporter plus de poids à sa position, le gouvernement débloque, parfois par la force, les blocages.

Ce jeu devrait pouvoir durer un bout de temps. Tant que la balance lieux bloqués / débloqués permet un approvisionnement même à minima des stations services, le gouvernement devrait pouvoir tenir. En attendant, les opposants de gauche à François Hollande s’essayent au mauvais procès où le Président est accusé de renier ses promesses de France apaisée et de respect des syndicats.

François Hollande et Manuel Valls s’attaquent-ils aux syndicats ? Aux salariés ? Jouent-ils contre l’apaisement de la population en montant différentes catégories les unes contre les autres ?

En faisant intervenir les forces de l’ordre pour débloquer les raffineries et les dépôts de carburants, le gouvernement ne s’attaque pas au droit de grève des syndicats. Il ne s’attaque pas non plus aux syndicats en tant que tel. Il répond à des actes illégaux d’un point de vue juridique. Les salariés ont bien sur le droit de faire grève, le droit de ne pas effectuer la mission pour laquelle ils sont embauchés. En revanche, il est interdit d’empêcher l’accès à l’entreprise et il est interdit d’empêcher les personnes voulant travailler de le faire. Dans le cas du blocage des dépôts de carburant, tant que des transporteurs se présentent et que des employés sont là pour répondre à leurs besoins, alors il ne peut y avoir de blocage. Le gouvernement est donc dans son droit quand il force le déblocage de certains sites.

Maintenant, reprenons le contexte de 2012, moment où le candidat Hollande promet de respecter les syndicats. Si François Hollande rappelle que « s’attaquer aux syndicats, c’est s’attaquer aux salariés », c’est que la présidence et la campagne de réélection de Sarkozy ont ciblé particulièrement les corps intermédiaires que le président sortant aurait aimé rayer de la carte. Quelques citations issues de la campagne présidentielle de 2012 :

Ce ne sont pas les Français qui sont rétifs aux réformes mais les corps intermédiaires qui n’aiment rien tant que l’immobilisme. (Nicolas Sarkozy le 19 février 2012)

C’est le cœur du problème français, les syndicalistes n’ont pas à faire de la politique. Les salariés de Florange n’aiment pas l’exploitation de leur souffrance. (Nicolas Sarkozy le 15 mars 2012)

Ne confondons pas les salariés d’ArcelorMittal, que je ne laisserai pas tomber, et des syndicalistes qui trompent leurs adhérents en faisant de la politique au lieu de défendre l’intérêt des salariés. (Nicolas Sarkozy le 02 avril 2012)

Le 1er mai, nous allons organiser le fête du travail, mais la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, de ceux qui sont exposés, qui souffrent, et qui ne veulent plus que quand on ne travaille pas on puisse gagner plus que quand on travaille. (Nicolas Sarkozy le 23 avril 2012)

Travailleurs, c’est avec vous d’abord que je veux bâtir la France nouvelle. (Nicolas Sarkozy le 1er mai 2012)


On peut chercher toutes les déclarations de François Hollande depuis 2012, jamais il n’aura traité les syndicats de la sorte, souhaitant les mettre de côté pour ne parler qu’aux Français. Au contraire, le gouvernement a fait mis en place une conférence sociale annuelle dès 2012 où sont invitées les organisations patronales et syndicales. Une des premières grandes lois sur le travail du quinquennat, l’ANI, a été écrite suite à un accord entre ces organisations. Je n’ai pas souvenir que François Hollande ait dénigré publiquement des syndicats avant, pendant ou après une grève, contrairement à Nicolas Sarkozy qui se vantait que grâce à lui « quand il y a une grève en France personne ne s'en aperçoit. »

Bien sur, les actions du gouvernement ne vont pas plaire à tout le monde. Bien sur, certains syndicats ne sont pas sur la même ligne que le gouvernement et donc sont mécontents du cap et des choix pris. C’est aussi pour cela qu’il y a une diversité de syndicats et que les salariés sont largement invités à s’exprimer au moins lors des élections professionnelles afin de donner plus de poids à la sensibilité qui leur correspond le plus.
Cette gauche qui manifeste et qui veut faire plier le gouvernement est la même qui demandait à Hollande de ne pas céder face aux manifestants de la Manif Pour Tous. Les manifestants actuels sont moins nombreux que les réactionnaires du mariage. Pourquoi le gouvernement devrait céder aux revendications des derniers alors qu’il n’a pas céder aux manifestions des premiers ? Surtout que dans le cas de figure actuel, le gouvernement est soutenu par une partie des syndicats.

Pour finir, rétablissons quelques faits. Le gouvernement n’a pas agi tel une « dictature socialiste ». A l’Assemblée Nationale, la version adoptée par 49-3 intègre 469 amendements (issus du gouvernement et des députés). En cours de discussion au Sénat, les sénateurs ont entendu aujourd’hui les organisations syndicales (représentant salariés et patrons). Le texte issu du Sénat sera rediscuté ensuite à l’Assemblée Nationale. Ca nous laisse de nombreuses occasions de blocage par les plus têtus de mes camarades de gauche et surtout ça laisse assez de temps aux plus réfléchis de convenir d’amendements pour que la loi convienne au plus grand nombre (même à ceux qui officiellement n’accepteront pas que la loi passe).