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lundi 28 septembre 2015

Des radios françaises pour des playlists étriquées

Depuis 1996, les radios françaises doivent diffuser 40% de chansons d’expression française (c'est-à-dire chantées en Français ou dans une langue régionale française), dont la moitié doit provenir de nouveaux talents ou de nouvelles productions. L’objectif de cette loi est de garantir une certaine exposition médiatique aux artistes chantant en français face à la production massive de tubes d’artistes anglophones et également pour encourager les artistes français à s’exprimer dans leur langue maternelle.

Il y a une dizaine de jour, le gouvernement, en commission des lois, a accepté un amendement forçant les radios à diversifier leur programmation. L’objectif du législateur est d’empêcher les radios de remplir leurs quotas en ne passant que 10 artistes chantant en français. En gros, pour éviter d’écouter en boucle Johnny Hallyday, Mylène Farmer, Renaud, Pascal Obispo (on me souffle que je suis dépassé et que les artistes les plus diffusés en 2014 sont Black M et Maitre Gims) et laisser plus de place aux nouveaux artistes (ou aux plus anciens en phase d’oubli).

Cette volonté d’ingérence dans la programmation a énervé une bonne partie des grandes radios privées. La semaine dernière, tout en finesse, les radios ont diffusé des annonces appelant les auditeurs à appeler le standard de Matignon pour manifester leur mécontentement avec pour message « à la radio, j’écoute ce que je veux ». Ces mêmes radios se sont fait un beau coup de pub en faisant croire qu’elles passeraient bientôt à l’antenne le numéro de portable de Manuel Valls pour mieux faire passer le message. Pour ces radios, il serait scandaleux que le gouvernement essaye de faire passer ce genre d’amendement de nuit, « en catimini ».

Tout d’abord c’est un amendement en commission des lois, il est donc loin de faire office de loi puisqu’il doit être, comme l’intégralité du texte, débattu à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Il aurait pu passer « en catimini » si les parlementaires l’avaient poussé dans un texte peu à propos dans le cadre d’une discussion à l’Assemblée Nationale. Ici, c’est un amendement dans un texte relatif à la création culturelle, on a vu pire comme cheval de Troie.

Ensuite, la méthode est ridicule. Appeler ses auditeurs à se plaindre au près de Matignon pour un texte discuté en commission des affaires culturelles, ça n’a aucun sens. Se plaindre à la ministre de la Culture serait déjà plus sensé. Faire du lobbying au près des députés aurait beaucoup plus de poids. Harceler la standardiste du Premier Ministre ne sert strictement à rien.

Ont-ils eu un éclair de lucidité durant le week-end, ces radios ont décidé de boycotter le principe même des quotas pendant 24 heures. Les auditeurs qui ont râlé pour avoir le droit d’écouter en boucle Johnny et Maître Gims toute la journée vont pouvoir être content, pendant 24 heures, ils auront le droit à Rihanna et Pharell Williams.

Ces radios se tirent une balle dans le pied en refusant l’aménagement de quotas pour plus de diversité musicale francophone. Elles sont un vecteur primordial pour la diffusion de la culture française et sa diversification. On ne peut pas se limiter à diffuser tous les ans le nouveau titre des Enfoirés et faire la promo des derniers gagnants de la Nouvelle Star et autres émissions du genre. Le directeur de Virgin Radio se vantait dernièrement d’être le « découvreur » de Christine & the Queens qui ne passait avant que sur France Inter… Justement, ne serait-il pas le rôle de stations musicales de jouer le rôle de dénicheur de talent plutôt que d’être à la traine des radios publiques, qui elles, jouent pleinement leur rôle ?

lundi 20 octobre 2014

La culture pour tous et partout

Jamais je n'aurais cru écrire un billet sur la FIAC. La FIAC, c'est la Foire Internationale d'Art Contemporain. C'est souvent très pointu, et réservé à une élite fortuné. Non pas que l'art serait incompréhensible pour les pauvres, ni qu'il faille avoir un bac+5 pour comprendre l'art contemporain. Non, il faut juste être prêt à débourser 35€ pour entrer au Grand Palais et pouvoir voir les oeuvres exposées.

Du coup quand les organisateurs de cette foire décident d'aller voir ailleurs, d'exposer hors les murs, on ne peut que saluer l'initiative. Depuis 2006, la FIAC investit le Jardin des Tuileries. Depuis 2011, c'est un parcours dans le Jardin des Plantes qui est proposé. Cette année, la FIAC est accessible dans les Tuileries, au Jardin des Plantes, sur les Berges de Seine et aurait du être présent sur la Place Vendôme. Mais la création de Paul McCarthy avait le malheur d'être provocante et donc de déplaire aux biens pensants. Ceux là ont donc décidé d'attaquer l'artiste avant d'attaquer l'oeuvre. 

Qui a osé faire ça ? Est-ce les mêmes qui hurlent à la dictature socialiste et qui voudrait ainsi imposer leur vision de l'art ? Est-ce les mêmes réactionnaires qui se sont plaint le siècle dernier de la mise en place d'une pyramide dans la cour du Louvre, de colonnes noires et blanches dans la cour du Palais Royal en lieu et place d'un parking, ou du centre Pompidou à proximité des Halles ? Est-ce les mêmes qui ont attaqué le tableau des "Deux Tahitiennes" de Gauguin car choquée par la nudité des deux femmes ?

Je ne commenterais pas la qualité de l'oeuvre proposée sur la Place Vendôme même si j'aurais été voir avec plaisir et curiosité cette installation dans une des places les plus calmes de Paris. En revanche, je ne peux qu'être choqué par l'utilisation de la violence contre ces tentatives d'accès à la culture pour tous. Les organisateurs de la FIAC font l'effort de permettre à tous de voir certaines oeuvres sans débourser le moindre centime. Dans un registre différent, la FNAC permet tous les ans aux Parisiens de profiter de 4 jours de concerts gratuits et de grandes qualités sur le parvis de l'Hôtel de Ville. Tout l'été, des projections de films des classiques comme des films récents sont organisées en plein air parfois dans des lieux insolites. Pour toutes ces manifestations, la ville de Paris n'attend pas d'avoir l'accord de tous les riverains, ne soumets pas à la censure la mise en place de ces manifestations. Elle ouvre l'accès à la culture. Elle permet d'économiser 11€ pour voir un film sur grand écran, elle permet d'économiser une trentaine d'euros (et même plus) pour écouter en live des artistes de premier plan et elle permet d'avoir un premier contact avec des oeuvres d'art en les exposants dans différents endroits de la Capitale (pour la FIAC mais aussi en bordure de tramways).

N'en déplaise aux grincheux qui veulent que l'art soit cantonné aux musées (si possible payant et privé), n'en déplaise à certaines élites qui préféreraient que leurs sorties ne soient pas les mêmes que celles du peuple, il est réjouissant de voir l'art contemporain débarquer en pleine rue. Si l'on ne doit offrir que du consensuel, alors nous n'aurons que des bonnes vieilles natures mortes pour éviter toute imagerie religieuse, image obscène, scène de chasse morbide, ou création abstraite. Je ne crois pas être un affreux néo-libéral pour défendre l'accès à la culture et j'aimerais que personne ne me dise ce que j'ai le droit de regarder dans la rue ou pas. Après si on peut avoir des concerts des Stones ou de Kyuss gratuitement à Paris, ou voir des originaux impressionnistes sur les bords de Seine, je serais tout de même plus heureux.

lundi 22 septembre 2014

Le budget dont tu es le héros

Qui n’a jamais rêvé d’avoir 20 millions d’euros à dépenser pour sa ville ? Qui ne s’est jamais rêvé maire en se disant, je ne dépenserais pas tant pour de la musique alors que tant de projets écologiques innovants seraient réalisables pour le même prix ? Qui ne s’est jamais dit, on ne nous demande notre avais qu’une fois tous les 6 ans pour choisir le futur de notre ville puis on nous oublie ? Qui n’a jamais regretté d’aménager dans une ville sans pouvoir influer sur la politique car n’ayant pas la bonne nationalité, ou n’ayant pas pu s’inscrire sur les listes ?

Pour répondre à toutes ces attentes, Anne Hidalgo lance une très intéressante initiative de budget participatif pour tous les Parisiennes et les Parisiens. Pendant une semaine, du 24 septembre au 1er octobre, tous les Parisiens, sans condition d’âge ou de nationalité, sont appelés à choisir un ou plusieurs projets qu’ils souhaitent voir se réaliser en 2015. Quinze projets sont en liste, ils concernent les enfants, les loisirs, l’écologie, l’art ou la vie en communauté. Leur point commun, chacun de ses projets aura un impact à un moment ou un autre dans la vie quotidienne des habitants de la Capitale. Leur coût varie entre 400 000 (pour l’installation de tipis pour les enfants) et 8 millions d’euros (pour des piscines éphémères dans la Seine). Les projets ayant reçu le plus de vote des Parisiens seront réalisés. Le nombre de projets sélectionnés n’est pas défini, seul le coût global de l’opération est arrêté à 20 millions d’euros, soit environ 6 projets sur les 15 soumis au vote.

Quels sont ces projets ?
  • Rendre la rue aux enfants : bloquer une vingtaine de rues dans Paris (si possible une par arrondissement) pendants certaines heures pour laisser les enfants y jouer en toute sécurité.
  • Des kiosques pour faire la fête : rénover les 33 kiosques à musiques parisiens et en faire de véritables lieux de créations, d’animation et de détente.
  • L’art aux portes de Paris : relier avec des interventions artistiques Paris et ses voisins de banlieue au nord vers la Gare de l’Est, à l’ouest vers le parc André Citroën, au sud vers le stade Charléty et à l’est sur les quais de Seine.
  • Cultiver dans les écoles : installer dans les 663 écoles maternelles un jardin pédagogique afin de former dès le plus jeune âge les enfants à l’environnement.
  • Des tipis et des bougies : permettre aux familles d’organiser des gouters d’anniversaires pour les enfants de 6 à 12 ans dans un des 100 tipis que la Ville de Paris installera.
  • Musées parisiens 3.0 : Offrir une autre façon de découvrir certaines œuvres d’art hébergées dans les musées parisiens.
  • Reconquête urbaine : Transformer le paysage autour du boulevard périphérique et réhabiliter certains espaces dégradés tels que des friches, des recoins, des murs pignons. Au final 105 passages sous le périphériques seraient créés et 300 000 riverains seraient impactés par ce projet.
  • Les événements sur grand écrans : pour vivre ensemble, dans différents endroits, de grands événements sportifs (comme le futur Euro de foot qui se déroulera en France en 2016) ou la retransmission de moments importants (comme la conférence Paris Climat 2015).
  • Piscines éphémères : mis en place de 2 bassins de 25 mètres, dont l’installation serait temporaire dans un endroit de Paris pour palier à la fermeture d’une piscine ou pour augmenter l’offre durant l’été.
  • Trier ses déchets au plus près : mettre e place des remorques déplaçables qui serviraient de déchetteries mobiles pour recevoir les petits encombrants et installer des colonnes à verres enterrées pour recevoir les déchets en verre sans avoir l’inconvénient du bruit des conteneurs à verre classique.
  • Sport urbain en liberté : Continuer l’installation de parcours sportifs dans différents endroits de Paris et créer des terrains de jeu dans 6 nouveaux lieux.
  • Jouer de 7 à 77ans : rénover les équipements des bois de Boulogne et Vincennes et mettre en place des équipements pour tous les publics dont certains offrants plus de contacts entre les générations comme des échiquiers, des tables de ping-pong.
  • Des jardins sur les murs : végétaliser une quarantaine de murs aveugles afin d’embellir un quartier et aussi contribuer à l’amélioration de l’environnement (refuge pour oiseaux et insectes par exemple).
  • Coworking étudiants-entrepreneurs : mettre à disposition un réseau d’espaces de coworking pas uniquement dédié au monde du travail mais également  aux étudiants. Ce mélange des populations pourraient aider à l’insertion professionnelle des étudiants et aider à la création d’entreprises.
  • Les œuvres d’art investissent la rue : Mettre en place des œuvres conçues pour le grand air comme des murs peints ou pérenniser des installations mises en place pour la Nuit Blanche.

Personnellement, je pense que je vais voter pour 3 projets : la reconquête urbaine pour rendre les bordures de Paris aussi attrayantes que le reste de la ville, le tri des déchets pour encourager toujours plus la responsabilité écologique et citoyenne et pour finir la mise en place de jardins sur les murs pour donner toujours plus d’impression de verdure en plein cœur d’une métropole urbaine dense.

Et vous, quels projets vous tente ?

jeudi 16 mai 2013

Acte II de l'exception culturelle, scène 1

Pour célébrer l'ouverture du Festival de Cannes, je vais revenir sur le 2ème acte de l'exception culturelle française qui est en train de se mettre en place avec la présentation du rapport Lescure cette semaine. Tout d'abord il faut rappeler que, comme son nom l'indique, ce n'est qu'un rapport. L'équipe derrière ce rapport a conduit de nombreux entretiens avant de rédiger ce rapport et ses 80 propositions, mais ces propositions n'engagent que leurs auteurs. A présent, c'est au ministère de la Culture de mener les négociations avec les différentes branches du monde de la culture puis il faudra passer les décrets des dispositions le permettant, de rédiger les propositions de loi correspondants aux résultats de ces négociations (basées sur les propositions du rapport mais pas uniquement) et pour d'autres propositions faire en sorte qu'elles prennent place dans la prochaine loi de finances (loi qui arrivera à l'automne). En résumé, ce rapport donne des indications au gouvernement, il va falloir voir ce qu'il en fait à présent.

Deux principales propositions ont été largement commentées depuis l'annonce du rapport. La première est la fin proposée d'Hadopi. Le rapport Lescure propose le maintien de la riposte graduée, c'est à dire l'envoi d'avertissement avant sanction. La nouveauté est sur les sanctions encourues. Finie la coupure de connexion après 3 avertissements, la sanction devrait être financière. Mais pour cette proposition, le conditionnel est obligatoire. De nombreuses associations sont déjà debout contre cette pseudo-mort d'Hadopi et le député PS Patrick Bloche a déjà annoncé qu'il espérait arriver à la fin de la riposte graduée. Personnellement, j'espère juste que la solution retenue demandera un budget de fonctionnement bien moindre que l'Hadopi actuelle, surtout vu les résultats obtenus (1 seule condamnation depuis sa création).
Autre proposition qui a fait grand bruit, la création d'une taxation sur les appareils connectés. La raison de cette nouvelle taxe est simple et semble être de bon sens. Il existe aujourd'hui une taxe sur la copie privée qui s'applique sur les différents moyens de stockage de données (cd et dvd vierges, disques durs, clés usb entre autres), mais on peut légitimement s'attendre que dans les années à venir (d'ici 3 ans d'après Pierre Lescure) cette taxe ne rapporte presque plus rien à l'Etat. En effet le mode de vie numérique passe de plus en plus par l'utilisation de contenu en ligne (entre le streaming pour la musique et la vidéo, le stockage de données sur le « cloud », les jeux en ligne). Dans ce cas, il est nécessaire de trouver une nouvelle source de revenus pour financer la création culturelle puisque la source actuelle est en train de se tarir. Cette proposition est donc une illustration parfaite de la recherche d'un nouvelle acte de l'exception culturelle en cherchant de nouveaux moyens plus en cohérence avec son temps pour financer la création en France.

J'aimerai aussi revenir sur un autre point assez important dans le rapport Lescure, la chronologie des médias. La chronologie des médias est le cycle de vie d'un film de sa sortie au cinéma puis les différentes étapes de sa diffusion.

Aujourd'hui, cette chronologie est ainsi faite :


Un film qui est sorti au cinéma ce mercredi 15 mai 2013 sera disponible en DVD et en vidéo à la demande à l'acte (achat d'un film, hors abonnement) le 15 septembre 2013. Ce film pourra être diffusé pour la première fois à la télévision (sur Canal+ ou sur une autre chaine payante, comme Orange) à partir du 15 mars 2014. Si une chaîne de télévision gratuite veut diffuser ce film en clair, elle devra attendre le 15 mars 2015 (à condition que cette chaîne finance la création cinématographique, soit les principales chaînes classiques). Si un internaute est abonné à une chaîne de vidéo en streaming (par exemple Canalplay, la chaîne de streaming de Canal +), cet internaute pourra voir notre film le 15 mai 2016. Cela veut dire qu'aujourd'hui, un abonné à Canalplay dépense 10€ par mois pour voir des films sortis en salle au début de l'année 2010. Ca ne donne pas vraiment envie de prendre un abonnement pour visionner des films en streaming légalement.

Dans sa 7ème proposition, le rapport Lescure propose différentes idées sur la vidéo à la demande. Une idée très intéressante et totalement innovante est la mise à disposition en VOD à l'acte des films au moment de leur sortie en salle en limitant le public concerné à ceux habitant à plus de 50 km d'une salle de cinéma. Cette solution permettrait de toucher un public ne se rendant que très rarement au cinéma du fait de son éloignement géographique. Cette offre de VOD hors abonnement n'impacterait donc que très légèrement les exploitants de salles de cinéma.

Autre idée présente dans cette 7ème proposition, diviser par 2 le délai autorisant la diffusion sur les sites de vidéo en streaming par abonnement, soit passer de 36 mois à 18 mois. Cette proposition risque de ne pas ravir les patrons de chaînes de télévision gratuites puisque les films seraient donc disponibles en streaming 4 mois avant leur première diffusion possible à la télévision. En revanche cette proposition ne peut être qu'un grand encouragement pour développer l'offre de streaming par abonnement. Pour cela, il faudra que ces chaînes de vidéo à la demande jouent le jeu, mettent en ligne la majeure partie de leur catalogue et dans des conditions optimales (HD, possibilité de visionner aussi bien en VF qu'en VO, longue disponibilité). Cet encouragement ne doit pas être pris à la légère par les acteurs français de l'offre de vidéo légale en ligne (Canal+, Orange, TF1 et M6 principalement, mais pourquoi pas Dailymotion ou d'autres) car de gros acteurs étrangers sont en train de préparer leurs armes et leur arrivée risque d'être difficile à encaisser si nos chers entrepreneurs français ne sont pas prêts.

Enfin, concernant les séries étrangères, le rapport Lescure invite dans sa 9ème proposition « les diffuseurs à poursuivre les efforts pour améliorer les délais de mise à disposition des séries étrangères en ligne et à la télévision, notamment en engageant la numérisation des processus de transmission ».

Comme je l'ai déjà dit lundi soir, je trouve ce rapport globalement très bon, que ce soit pour le développement de bibliothèques numériques, le développement de l'offre légale de vidéo à la demande mais aussi sur des questions de DRM, notamment dans le monde du livre. Ce sont donc de nombreux points à suivre pour voir ce qu'il adviendra de ces propositions après le travail législatif.

mardi 14 mai 2013

Le rapport Lescure et l'offre numérique en bibliothèque

P. Lescure au ministère de la Culture
Ce lundi Pierre Lescure a rendu sa copie commandée commandée le 8 août 2012 sur "l'Acte II de l'exception culturelle à l'ère du numérique". Au final, un rapport très complet, livré en 2 tomes (un pour le constat et les propositions, l'autre en résumé des centaines d'auditions), soit plus de 700 pages (on dit même plus de 2,5 kg en version papier), mais surtout comprenant 80 propositions réparties en 3 thèmes : 
  • l'accès des publics aux œuvres et offres culturelles en ligne,
  • la rémunération des créateurs et le financement de la création,
  • la protection et l'adaptation des droits de propriété intellectuelle.
Le rapport est vraiment très complet, très détaillé. Je reviendrais d'ailleurs dessus dans les jours à venir, le temps de digérer un peu tout ce contenu. Aujourd'hui je vais m'arrêter sur 3 propositions relatives à l'offre numérique en bibliothèque.

Le rapport part sur un constat, l'offre de prêts de livres numériques est très (trop ?) diversifiée pour un résultat quasi nulle en bibliothèque. En France, il existe deux offres de choix pour les bibliothèques :
  • un accès en téléchargement permettant la lecture hors connexion. Les fichiers téléchargés sont chronodégradables et ne sont donc lisibles que pour un temps donné. Le plus souvent le paiement se fait au téléchargement, ce qui n'est pas vraiment dans l'esprit des bibliothèques.
  • un accès en ligne et en streaming, un abonnement est payé par la bibliothèque pour utiliser le catalogue pour un nombre illimité d'utilisateurs sur une période donnée.
Au final, seul 1% des bibliothèques françaises (4% des bibliothèques de catégorie 1, les plus grandes) proposent un fonds de livres numériques alors qu'ailleurs dans le monde 100% des grandes bibliothèques suédoises, près de 75% des grandes bibliothèques américaines, 71% des bibliothèques du Royaume-Uni ou 16% des bibliothèques allemandes proposent un catalogue numérique.

Pour remédier à ça, le rapport Lescure propose 3 actions :
  1. Inciter les éditeurs à mettre en place, sur une base volontaire, une gestion collective des usages numériques en bibliothèques (proposition 23).
  2. Encourager le développement d’offres reposant sur un contrôle d’accès à l’abonnement et sur des DRM de type “tatouage numérique”. Modifier la loi sur le prix unique du livre numérique pour obliger les éditeurs à proposer une offre claire, transparente et non discriminatoire spécifique en direction des bibliothèques (proposition 24).
  3. Inscrire dans les dispositifs d’aide publique (Centre National du Livre, aides aux librairies) une incitation au développement de l’offre numérique en bibliothèque (proposition 25).
Encourager le prêt de livres numériques peut être un moyen de redorer le blason des bibliothèques qui peuvent apparaître comme un peu vieillotte au près du public et leur permettre de toucher un plus large public. De plus si le rapport Lescure atténue les chiffres des bibliothèques proposant des livres numériques avec le fait que la proportion de Français lisant des livres sur tablettes ou liseuses est encore faible, le développement d'offres alternatives d'accès à la lecture peut permettre le développement du nombre d'utilisateurs de liseuses. Enfin, si les éditeurs développent des plateformes communes pour le prêt de leurs ouvrages, cela signifiera qu'ils auront dans le même temps développé leur catalogue de livres numériques et donc le choix disponible à la vente, autre point encourageant le développement de ce mode de lecture.

Ces 3 propositions sont représentatives des conclusions du rapport Lescure. C'est un savant mélange de propositions législatives, de propositions solvables par un changement de réglementation et enfin des encouragements à l'action des professionnels de la profession. Ces propositions se basent sur des constats faits hors de nos frontières pour le bien des utilisateurs mais aussi pour le bien des entreprises françaises. Par exemple le rapport cite le cas de bibliothèques américaines ayant choisi de proposer un catalogue de livres numériques mis à disposition par Amazon. A la fin du prêt, l'utilisateur voit son livre effacé mais surtout, il est automatiquement redirigé vers le site d'amazon pour acheter l'ouvrage. Quel désavantage pour tous les éditeurs qui n'étaient pas prêts et qui perdent de potentiels lecteurs au profit du géant de la vente en ligne.

Le rapport Lescure est vraiment très fourni. Il peut difficilement être résumé par la fin d'HADOPI et la création d'une nouvelle taxe (même si ces deux points sont importants et j'y reviendrai dans les jours qui viennent). Il contient de nombreuses propositions à mettre en place dans les 2-3 ans pour que nos entreprises françaises soient compétitives sur le marché de la culture et pour que les différents secteurs culturels français puissent profiter de l'aubaine du développement du numérique pour trouver des nouvelles sources de développement.

mercredi 1 mai 2013

Le déficit des intermittents n’existe pas - 2ème partie

Ayant la chance d'être en vacances actuellement, je fais vivre ce blog de la manière la plus minimaliste qu'il soit en proposant la suite du billet de lundi sur le régime de l'assurance chômage des intermittents du spectacle. En attendant que les négociations se mettent en place pour définir les modalités du régime pour les 10 ans à venir. Pour rappel, ce régime se base sur l'octroi de droits au chômage sur la base d'un nombre d'heures travaillées. Pour avoir le droit au chômage, il faut avoir travaillé 507 heures au cours des 10 derniers mois. Si cette charge de travail peut paraître faible (elle correspond approximativement à 3 mois de travail à temps plein), elle est en réalité difficile à atteindre pour un grand nombre d'intermittents entre le temps de préparation pour monter un spectacle et ensuite la difficulté à trouver des salles et un public suffisant pour les remplir (n'est pas Johnny Halliday qui veut).

Ce régime très utile à la vitalité du monde culturel et artistique français est souvent critiqué pour sa prétendue situation de déficit. Le collectif des intermittents et précaires a réalisé deux vidéos sur le sujet. Après le premier épisode de Riposte publié ici lundi dernier, voici le second :

lundi 29 avril 2013

Le déficit des intermittents n’existe pas - 1ère partie

Extrait de la vidéo "Riposte 1"
En 2003, une réforme du régime chômage était mise en place dans la douleur et contre l'avis de tous les principaux concernés. L'absence de dialogue autour de la mise en place de cette réforme a aboutit par l'annulation de l'historique festival d'Avignon. Déjà amateur de festival de musique à l'époque, le festival des Vieilles Charrues avait laissé les intermittents s'exprimer sur scène contre la garantie de la bonne tenue du festival. L'été 2003 fut donc le symbole que sans intermittent, le spectacle n'existe pas. Cet accord du régime chômage prend fin en 2013 et devra donc être de nouveau négocié. Ces négociations devraient partir sur de bonnes bases puisque d'ors et déjà Aurélie Filippetti et Michel Sapin ont annoncé à l'Assemblée Nationale que le régime était bon et non déficitaire mais qu'il fallait lutter contre la fraude dans certains milieux (comme dans l'audiovisuel par exemple).

Pour expliquer ce sujet, la coordination des intermittents et des précaires a mis en ligne deux vidéos de riposte contre l'idée reçue que le régime de l'assurance chômage des intermittents est déficitaire. Voici la première :