Depuis 1996, les radios françaises doivent diffuser 40% de
chansons d’expression française (c'est-à-dire chantées en Français ou dans une
langue régionale française), dont la moitié doit provenir de nouveaux talents
ou de nouvelles productions. L’objectif de cette loi est de garantir une
certaine exposition médiatique aux artistes chantant en français face à la production
massive de tubes d’artistes anglophones et également pour encourager les
artistes français à s’exprimer dans leur langue maternelle.
Il y a une dizaine de jour, le gouvernement, en commission
des lois, a accepté un amendement forçant les radios à diversifier leur
programmation. L’objectif du législateur est d’empêcher les radios de remplir
leurs quotas en ne passant que 10 artistes chantant en français. En gros, pour
éviter d’écouter en boucle Johnny Hallyday, Mylène Farmer, Renaud, Pascal Obispo (on me
souffle que je suis dépassé et que les artistes les plus diffusés en 2014 sont Black M et Maitre Gims) et laisser plus de place aux nouveaux artistes (ou aux
plus anciens en phase d’oubli).
Cette volonté d’ingérence dans la programmation a énervé une
bonne partie des grandes radios privées. La semaine dernière, tout en finesse,
les radios ont diffusé des annonces appelant les auditeurs à appeler le
standard de Matignon pour manifester leur mécontentement avec pour message « à
la radio, j’écoute ce que je veux ». Ces mêmes radios se sont fait un beau
coup de pub en faisant croire qu’elles passeraient bientôt à l’antenne le
numéro de portable de Manuel Valls pour mieux faire passer le message. Pour ces
radios, il serait scandaleux que le gouvernement essaye de faire passer ce
genre d’amendement de nuit, « en catimini ».
Tout d’abord c’est un amendement en commission des lois, il
est donc loin de faire office de loi puisqu’il doit être, comme l’intégralité
du texte, débattu à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Il aurait pu passer « en
catimini » si les parlementaires l’avaient poussé dans un texte peu à
propos dans le cadre d’une discussion à l’Assemblée Nationale. Ici, c’est un
amendement dans un texte relatif à la création culturelle, on a vu pire comme
cheval de Troie.
Ensuite, la méthode est ridicule. Appeler ses auditeurs à se
plaindre au près de Matignon pour un texte discuté en commission des affaires
culturelles, ça n’a aucun sens. Se plaindre à la ministre de la Culture serait
déjà plus sensé. Faire du lobbying au près des députés aurait beaucoup plus de
poids. Harceler la standardiste du Premier Ministre ne sert strictement à rien.
Ont-ils eu un éclair de lucidité durant le week-end, ces
radios ont décidé de boycotter le principe même des quotas pendant 24 heures.
Les auditeurs qui ont râlé pour avoir le droit d’écouter en boucle Johnny et Maître
Gims toute la journée vont pouvoir être content, pendant 24 heures, ils auront
le droit à Rihanna et Pharell Williams.
Ces radios se tirent une balle dans le pied en refusant l’aménagement
de quotas pour plus de diversité musicale francophone. Elles sont un vecteur
primordial pour la diffusion de la culture française et sa diversification. On
ne peut pas se limiter à diffuser tous les ans le nouveau titre des Enfoirés et
faire la promo des derniers gagnants de la Nouvelle Star et autres émissions du
genre. Le directeur de Virgin Radio se vantait dernièrement d’être le « découvreur »
de Christine & the Queens qui ne passait avant que sur France Inter…
Justement, ne serait-il pas le rôle de stations musicales de jouer le rôle de
dénicheur de talent plutôt que d’être à la traine des radios publiques, qui
elles, jouent pleinement leur rôle ?