mardi 14 mai 2013

Le rapport Lescure et l'offre numérique en bibliothèque

P. Lescure au ministère de la Culture
Ce lundi Pierre Lescure a rendu sa copie commandée commandée le 8 août 2012 sur "l'Acte II de l'exception culturelle à l'ère du numérique". Au final, un rapport très complet, livré en 2 tomes (un pour le constat et les propositions, l'autre en résumé des centaines d'auditions), soit plus de 700 pages (on dit même plus de 2,5 kg en version papier), mais surtout comprenant 80 propositions réparties en 3 thèmes : 
  • l'accès des publics aux œuvres et offres culturelles en ligne,
  • la rémunération des créateurs et le financement de la création,
  • la protection et l'adaptation des droits de propriété intellectuelle.
Le rapport est vraiment très complet, très détaillé. Je reviendrais d'ailleurs dessus dans les jours à venir, le temps de digérer un peu tout ce contenu. Aujourd'hui je vais m'arrêter sur 3 propositions relatives à l'offre numérique en bibliothèque.

Le rapport part sur un constat, l'offre de prêts de livres numériques est très (trop ?) diversifiée pour un résultat quasi nulle en bibliothèque. En France, il existe deux offres de choix pour les bibliothèques :
  • un accès en téléchargement permettant la lecture hors connexion. Les fichiers téléchargés sont chronodégradables et ne sont donc lisibles que pour un temps donné. Le plus souvent le paiement se fait au téléchargement, ce qui n'est pas vraiment dans l'esprit des bibliothèques.
  • un accès en ligne et en streaming, un abonnement est payé par la bibliothèque pour utiliser le catalogue pour un nombre illimité d'utilisateurs sur une période donnée.
Au final, seul 1% des bibliothèques françaises (4% des bibliothèques de catégorie 1, les plus grandes) proposent un fonds de livres numériques alors qu'ailleurs dans le monde 100% des grandes bibliothèques suédoises, près de 75% des grandes bibliothèques américaines, 71% des bibliothèques du Royaume-Uni ou 16% des bibliothèques allemandes proposent un catalogue numérique.

Pour remédier à ça, le rapport Lescure propose 3 actions :
  1. Inciter les éditeurs à mettre en place, sur une base volontaire, une gestion collective des usages numériques en bibliothèques (proposition 23).
  2. Encourager le développement d’offres reposant sur un contrôle d’accès à l’abonnement et sur des DRM de type “tatouage numérique”. Modifier la loi sur le prix unique du livre numérique pour obliger les éditeurs à proposer une offre claire, transparente et non discriminatoire spécifique en direction des bibliothèques (proposition 24).
  3. Inscrire dans les dispositifs d’aide publique (Centre National du Livre, aides aux librairies) une incitation au développement de l’offre numérique en bibliothèque (proposition 25).
Encourager le prêt de livres numériques peut être un moyen de redorer le blason des bibliothèques qui peuvent apparaître comme un peu vieillotte au près du public et leur permettre de toucher un plus large public. De plus si le rapport Lescure atténue les chiffres des bibliothèques proposant des livres numériques avec le fait que la proportion de Français lisant des livres sur tablettes ou liseuses est encore faible, le développement d'offres alternatives d'accès à la lecture peut permettre le développement du nombre d'utilisateurs de liseuses. Enfin, si les éditeurs développent des plateformes communes pour le prêt de leurs ouvrages, cela signifiera qu'ils auront dans le même temps développé leur catalogue de livres numériques et donc le choix disponible à la vente, autre point encourageant le développement de ce mode de lecture.

Ces 3 propositions sont représentatives des conclusions du rapport Lescure. C'est un savant mélange de propositions législatives, de propositions solvables par un changement de réglementation et enfin des encouragements à l'action des professionnels de la profession. Ces propositions se basent sur des constats faits hors de nos frontières pour le bien des utilisateurs mais aussi pour le bien des entreprises françaises. Par exemple le rapport cite le cas de bibliothèques américaines ayant choisi de proposer un catalogue de livres numériques mis à disposition par Amazon. A la fin du prêt, l'utilisateur voit son livre effacé mais surtout, il est automatiquement redirigé vers le site d'amazon pour acheter l'ouvrage. Quel désavantage pour tous les éditeurs qui n'étaient pas prêts et qui perdent de potentiels lecteurs au profit du géant de la vente en ligne.

Le rapport Lescure est vraiment très fourni. Il peut difficilement être résumé par la fin d'HADOPI et la création d'une nouvelle taxe (même si ces deux points sont importants et j'y reviendrai dans les jours qui viennent). Il contient de nombreuses propositions à mettre en place dans les 2-3 ans pour que nos entreprises françaises soient compétitives sur le marché de la culture et pour que les différents secteurs culturels français puissent profiter de l'aubaine du développement du numérique pour trouver des nouvelles sources de développement.

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