mardi 26 février 2013

L'Hôtel Dieu, l'hôpital du XXIeme siècle sans malade

Mobilisation à l'Hôtel Dieu pour leurs urgences
Dimanche dans le JDD, Jean-Marie Le Guen a peint le portrait de "l'hôpital du XXIème siècle". Le portrait de cet hôpital nouvelle génération est en bonne voie de réalisation puisqu'il va prendre forme entre les murs du plus vieil hôpital parisien, celui de l'Hôtel Dieu, situé sur l'Île de la Cité dans le 4ème arrondissement.

A quoi ressemblera donc l'Hôtel Dieu, modèle de l'hôpital moderne ? Ce sera le siège de l'AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), mais les murs millénaires (l'hôpital a été créé en 651) accueilleront également un musée. Enfin, notre hôpital du XXIème siècle contiendra un "centre d’accès aux soins en urgence ouvert 24h/24 à tous les cas non graves". L'objectif, d'après le député-maire Le Guen, est de créer un "hôpital debout". L'hôpital ne sera qu'un lieu de passage et de consultation mais n'aura pas vocation à accueillir des malades. L'accueil des blessés graves et des urgences non bénignes sera délégué aux autres hôpitaux parisiens, tous loin du centre de Paris, soit 43 000 personnes si l'on se base sur les chiffres de 2011. 

La fermeture des urgences de l'Hôtel Dieu va dégrader la qualité de vie des habitants du centre de Paris en leur augmentant leur temps de trajet pour se rendre ou revenir des urgences. Personnellement, j'étais heureux quand j'ai eu à faire avec les pompiers et les urgences de me retrouver à quelques centaines de mètres de chez moi. 
Mais le point le plus gênant concerne la qualité de service que proposeront les autres services d'urgence de la capitale. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir des urgences "calmes". Chaque hôpital semble débordé, il y a toujours une file d'attente avant de voir un médecin. Comment se réorganiseront les différents hôpitaux parisiens pour absorber l'affluence en provenance du centre de Paris ? Ce report en masse de patients risque d'engorger plus les autres services d'urgence et risque donc d'augmenter les probabilités d'un mauvais diagnostique, d'une mauvaise prise en charge car non réalisée dans les temps...

Que certains hôpitaux du XXIème siècle s'oriente comme des "hôpitaux debouts", plus orienté hôpital de jour, gérant des services de radiologies et d'autres examens ne nécessitant pas d'hospitalisation sur plusieurs jours, je peux le comprendre. De la même façon, je comprends que pour garder une enceinte historique, on choisisse d'implanter des services administratifs plutôt que certains services hospitaliers, à condition que cette réorganisation crée plus de places disponibles et plus de personnels soignants dans les autres hôpitaux à proximité. En revanche, je ne comprends pas la fermeture d'un service d'urgence. Je ne comprends pas en quoi le maintien d'un véritable service d'urgence n'irait pas dans la même direction que "l'hôpital du XXIème siècle".

Si le XXIème siècle est avoir des "hôpitaux-musées" en lieu et place d'hôpitaux soignants, alors je vais commencer à me considérer réac et penser que "c'était mieux avant".

lundi 25 février 2013

Dernières nouvelles de Syrie

Azaz, Syrie, le 15 août 2012 (Olivier Voisin)
Les combats durent toujours en Syrie, et ce depuis 2 ans à présent. L'actualité syrienne semble glissé tout doucement dans l'oubli, l'actualité n'aimant pas parler trop longtemps d'un même sujet. D'ailleurs même ce blog n'évoque plus si souvent ce conflit. Il aura fallu la mort d'un nouveau journaliste français pour évoquer de nouveau ce sujet. Olivier Voisin était photoreporter. Il avait fixé sur papier photos des scènes en Afrique, aux USA et donc depuis quelques mois en en Syrie.

Le 20 février, il a envoyé un mail à une journaliste italienne. Le lendemain, Olivier Voisin était blessé par un éclat d'obus, quelques jours plus tard, après quelques péripéties, il réussissait à atteindre la Turquie, où il est décédé ce week-end. Voici donc son dernier mail, son dernier témoignage :

Syrie, 20 février 2013
Enfin j'ai réussi par passer! Après m'être fait refusé le passage à la frontière par les autorités turques, il a fallu passer la frontière illégalement de nouveau. Un passage pas très loin mais à travers le no man's land avec quelques mines à gauche et droite et le paiement de 3 soldats. Me voilà tout seul à passer par le lit d'une rivière avec à peu prêt deux kilomètres à faire tout en se cachant pour ne pas se faire remarquer par les miradores. Putain, j'ai eu la trouille de me faire pincer et de faire le mauvais pas. Et puis d'un coup le copain syrien qui m'attend et que je retrouve comme une libération. Le sac et surtout les appareils photos faisaient à la fin 10000kg sur les épaules.
La Voiture est là avec les mecs de la section de combat que je rejoins au nord de la ville de Hamah, deux heures de route nous attendent et on arrive tous feux éteints pour ne pas se faire voir. Les mecs m'accueillent formidablement bien ! et sont impressionnés par le passage tout seul de la frontière plus tôt.
Les premiers tirs d'artillerie se font entendre au loin. J'apprends que les forces loyalistes tiennent plus de 25 km au nord de Hamah et que la ligne de front est représentée plutôt par les démarcations entre alawites et sunnites. Alors les forces d'Assad bombardent à l'aveugle et ils restent très puissants. Par chance les avions n'attaquent plus tant le temps est pourri!
Les conditions de vie ici sont plus que précaires. C'est un peu dure. La bonne nouvelle, je pense que je vais perdre un peu de ventre mais au retour je vais avoir besoin de 10 douches pour redevenir un peu présentable!
Aujourd'hui je suis tombé sur des familles qui viennent de Hamah et qui ont perdues leur maison. Ils vivent sous terre ou dans des grottes. Ils ont tout perdu. Du coup ça relativise de suite les conditions de vie que j'ai au sein de cette compagnie.
Je fais les photos et je suis même pas sûr que l'afp les prennent.
Il fait très froid la nuit. Heureusement que je me suis acheté un collant de femme en Turquie du coup c'est pour moi un peu plus supportable.
L'artillerie tire toutes les 20 minutes à peu prêt et le sol tremble souvent.
Le problème j'ai la sensation qu'ils tirent à l'aveugle et ont quand même des canons assez puissants pour couvrir une vingtaine de kilomètres.
Il y a peu de combats directs. Les mecs ont besoin d'à peu prêt 20000 us $ pour tenir en munitions entre 2 à 4 heures de baston. Du coup ils se battent peu. Ils font rien du coup la journée. Je me demande comment ils peuvent gagner cette guerre. Ca confirme ce que je sentais. La guerre va durer très longtemps. Alors le chef du chef vient parfois en rajouter une couche, apporte un mouton pour manger, les mecs vont alors couper du bois dans la forêt aux alentours. Il apporte aussi des cartouches entières de cigarettes et le soir fait prier tout son monde ! Certains sont très jeunes. Ils ont perdu déjà une vingtaines de leurs camarades, d'autres sont blessés mais sont quand même présents et je pense surtout à Abou Ziad, qui a perdu un oeil et c'est lui qui confectionne les roquettes maison pour les balancer durant les combats. Il est brave et courageux. Toujours devant, toujours le premier à tout, pour aider, pour couper le bois, donner des cigarettes, se lever. Avec quelques mots d'arabes on essaie de se parler. Evidemment les discussions tournent souvent sur la religion mais eux ne se considèrent pas salafistes. Entre nous si c'était le cas je serais plus vivant. J'aime être avec lui. Quand les autres me demandent des trucs -évidemment avec le matériel apporté- c'est toujours lui qui les "disputent" et de me foutre la paix!
Par rapport à Alep j'ai la sensation sensible que c'est moins lourd que pendant l'été. Cet été c'était du très lourd même si les vieux collègues disent que c'est rien en comparaison de la Tchétchinie. Certainement parce que j'étais plus proche des combats et que la mêlée était journalière. Ici encore un fois ça coûte tellement cher pour eux qu'ils ne se battent que de temps en temps. On est loin aussi de la Libye où ils avaient des munitions en vois tu en voilà. Et là on beaucoup plus sur de combats de campagne, rien à voir avec du combats de ville.
Alep vient d'être déclarée la semaine dernière la ville la plus détruite depuis la seconde guerre mondiale depuis Stalingrad.
Le commandant me demande quand la France va leur fournir une aide militaire? J'en sais rien! J'ai honte car ça fait depuis deux ans qu'on ne sait pas. On me dit que personne les aide et de quoi l'occident a peur. J'ai pas envie de lui répondre. On a peur de l'extrémisme qui se nourrit sans cesse du manque d'éducation intellectuelle de ces personnes qui considèrent que le coran sera le seul livre à lire... quoi faire? et puis merde je ne suis pas un homme de pouvoir ou politique. Je ne suis que le petit Olivier, qui crève la dalle avec eux et qui les emmerde car les combats directs se font attendre. Le problème, c'est ce que demande l'afp. Moins j'en fais, moins je gagne aussi et ce que je gagne c'est déjà pas fabuleux et plus les jours passent c'est autant de photos qu'on me demande de faire que je ne fais pas.
Et puis c'est vrai suis accro à cette cam' de merde. Aucune autre drogue sera aussi puissante que l'adrénaline qui d'un coup fait jaillir en nous des sensations incroyables, notamment celle de vouloir vivre.
Ce soir ça fera 3 jours que suis arrivé. Et comme à chaque fois j'oublie comme un idiot d'emporter un livre avec moi du coup, j'ai pas grand chose à faire le soir. Développer les photos prenant à peu prêt 2 h en moyenne et comme il n'y pas internet et que la conversion reste limitée je me retrouve comme un couillon.
La plupart des gars sont gentils avec moi et essaient de rendre mon séjour parmi eux le plus agréable possible. Ils posent 1000 questions sur Paris et la France et ne comprennent toujours pas comment je peux être français. Je dis alors que mon Père est français et ma Mère coréenne. Cela dit c'est pas la première fois que ça m'arrive! Dans tous les pays du sud on me prend pour un "chinois" même si dire que l'on est coréen est toujours mieux perçu! Comme à chaque fois imaginent ils comment vivons nous chez nous? et ce même avant la guerre? J'ai toujours du mal quand on me demande des photos de moi à Paris car le décalage est tellement fort. C'est comme ce que disait un vieil ami sur l'un de ses voyages dans les pays de l'est dès le début de l'après mur, les gens en Lituanie avaient du mal à comprendre que l'on puisse avoir des pauvres chez nous qui meurent de froid l'hivers.
Ne pas montrer ces photos (faudrait il aussi en avoir dans le laptop !) me permet de vivre le moment présent et non celui d'avant ou celui d'après.
Ce qui manque c'est un peu d'alcool! Si Dieu est sympa, ce serait bien que la prochaine guerre soit ailleurs qu'un pays arabe ou musulman! :-) que l'on puisse parler aux femmes aussi. Les mecs me demandent si j'ai pas des photos pornos aussi. Ca c'est rigolo... et triste en même temps car ce sera certainement pas après la guerre qu'ils en auront plus, avec ces crétins de moralistes religieux.
La violence est forte. La haine est très forte. Comment peut on entretenir une telle haine ? une telle envie d'aller tuer? J'ai vu des vidéos des habitants de Homs tabassés par les soldats loyalistes, j'ai jamais vu une telle violence et du sang de partout avec des hommes qui pleurent comme des enfants... et les coups qui continuent de tomber que ce soit les pieds, les mains, ou que ce soient les coups de canne qui fait jaillir le sang. Pourtant j'en ai déjà vu pas mal de ce monde de merde. Ces vidéos par leur violence si elles sont confirmées un jour par des témoignages, vu que l'on voit les visages des soldats, c'est le tribunal international. Nous occidentaux croyons ou bien sommes nous éduqués dans cette idée du droit, qu'il est possible de juger des hommes par des hommes. Mais comment le faire avec des gens qui ne croient qu'en la justice divine. L'après sera sanglant aussi, si toutefois cet après arrive. La question de la réconciliation est importante aussi pour nous par notre culture chrétienne. Je me répète mais en Pologne ou en Tchécoslovaquie après la chute du mur, j'y découvre très jeune cette idée de réconciliation dans des pays chrétiens qui souffraient également de persécutions dans des pays communistes. Mais la comparaison s'arrète là. "Cette confiance du coeur" dont nous parlait le Frère Roger de Taizé qui aura tant marqué mes amis et moi, encore aujourd'hui.
Plus que jamais c'est bien la prière des paras qui me vient à l'esprit à chaque moment de doute :"Mon Dieu, donne moi ce que les autres ne veulent pas, donne moi la bagarre et la tourmente, je Te le demande ce soir car demain je n'en aurais plus le courage".
Olivier
ps : désolé pour fautes d'orthographes et de grammaire mais pas le temps de relire !

Et voici 2 autres de ses photos :
Syrie, Août 2012 (Olivier Voisin)

Alep, Syrie, janvier 2013 (Olivier Voisin)

jeudi 21 février 2013

La Gauche Populaire sort son manifeste

La gauche est depuis longtemps (toujours ?) un terreau propice à la création de courants, de groupes de réflexion, de think tanks. Un des derniers courants en date est la Gauche Populaire. Créé en 2011, je l’ai d’abord vu comme un courant se voulant l’antithèse de la Droite Populaire. Là où la Droite Pop essaye de créer des ponts entre UMP et extrême-droite, la Gauche Pop essaye de la combattre.

D’après eux, la social-démocratie au PS a fait place à un « social libéralisme » qui lui a fait oublier d’où il vient, qui il protège et comment il doit agir. D’après les membres fondateurs de la Gauche Pop, « la principale conséquence de cette nouvelle hégémonie idéologique était la rupture politique avec les catégories populaires au profit des minorités (« jeunes », « femmes », « immigrés », « LGBT », « précaires »…). La coalition de toutes ces minorités devait, selon ses concepteurs, former « un peuple de substitution » en lieu et place des antiquités du siècle passé : le peuple, les classes sociales et la nation ». C’est donc ce « social libéralisme » qui serait la cause principale de la montée du Front National… 

Partant de ce constat, et après près de deux ans de réflexion, 23 députés de la Gauche Populaire ont présenté leur manifeste, qui se résumé en 5 points :

  • Rendre du pouvoir d’achat aux catégories populaires : en appliquant une grande réforme fiscale redistributive fondée sur la progressivité de la CSG et en s’appuyant sur des principes écologiques pour réduire la facture énergétique et de transports des ménages.
  • Lutter contre l’exclusion en favorisant l’insertion par l’emploi : en confiant le pilotage de la politique de l’emploi aux régions pour garantir une gestion plus souple et politiquement plus responsable ;en réorientant, sans remettre en cause le droit à la formation continue, une partie des dépenses allouées à la formation professionnelle au bénéfice des chômeurs, sous la forme de contrats d’activités se substituant, sur la base du volontariat, à l’indemnisation passive du chômage ; et en créant un complément de revenu pour les travailleurs précaires qui figurerait directement sur la fiche de paie et constituerait ainsi une forme de reconnaissance d’un « droit à un salaire décent ».
  • Protéger les salariés de France dans la mondialisation : en introduisant la possibilité pour l’Etat de détenir une minorité de blocage dans le capital des entreprises considérées comme stratégiques, en instaurant l’obligation d’un accord préalable du Parlement en cas de cessions d’actifs stratégiques à des groupes étrangers, en permettant le portage public temporaire de certaines entreprises appartenant à des secteurs stratégiques, et en mettant en place un label « France Qualité Plus» pour valoriser la production française respectueuse de normes sociales et environnementales exigeantes.
  • Refaire de l’école républicaine l’ascenseur social qu’elle a cessé d’être : en finir avec la “machine à trier” qui aggrave les inégalités d’origine en créant un véritable dispositif public de soutien scolaire dispensé par des enseignants mieux payés et présents plus longtemps dans les classes, en élargissant les droits d’accès automatiques aux filières d’excellence à tous les lycées, et en développant des synergies formations-emplois en fonction des débouchés.
  • Réinventer une laïcité ferme et inscrite dans le réel : se réapproprier et faire vivre le compromis historique de 1905, aujourd’hui confronté à la montée en puissance de religions offrant des identités de secours et au développement d’intégrismes, en inscrivant dans la Constitution la neutralité des services publics et des agents.

Je dois l’avouer, dès le départ, il y avait quelque chose qui clochait dans leur présentation des problèmes du PS à la sauce social-libéral. D’après eux, le PS se trompe de cible, délaisse les ouvriers (et la lutte des classes) pour des minorités, et quelles minorités : les femmes (elles apprécieront), les jeunes (les 31% de Français ayant moins de 25 ans apprécieront), les immigrés, les LGBT, les précaires. Le constat n’est pas totalement faux, les conclusions un peu plus. 

Le premier des points qui m’étonne dans leur présentation initiale (en dehors de considérer les femmes et les jeunes comme minorités) est la critique d’une politique orientée vers les précaires. Pour moi, les précaires du XXIème siècle sont les équivalents des ouvriers du XXème. Aujourd’hui, ce n’est plus en se battant uniquement pour les ouvriers que l’on va vaincre la précarité. La précarité aujourd’hui existe dans tous les domaines, de l’étudiant à l’informaticien en intérim en passant par le chômeur. En revanche, je ne suis même pas persuadé de la persistance aujourd’hui d’une notion de « classe ouvrière » parmi les ouvriers. 

La Gauche Populaire se veut les derniers défenseurs au PS des classes populaires et moyennes sans que je ne voie vraiment une explication de qui se cache derrière ces entités. En ciblant à voix hautes les catégories populaires, la Gauche Pop reprend les mêmes travers que la droite sarkozyste ou l’extrême-droite frontiste. S’adresser à des ensembles vagues de personnes où une majorité de la population se croit englobé.  C’est typiquement le cas du 1er point, « rendre du pouvoir d’achat aux catégories populaires ». Une grande majorité voit ou croit que son voisin est plus riche et donc se visualise comme cœur de cible du manifeste. 

La Gauche populaire semble reprendre aussi les travers du Sarkozysme dans sa vision du chômage. Qu’entendent-ils par leur « contrat d’activité qui se substituerait sur la base du volontariat à l’indemnisation passive du chômage » à part un retour de « l’assistanat ce cancer de la société », une nouvelle confrontation entre « ceux qui travaillent dur » et les « oisifs » ? Je ne peux qu’être d’accord sur leur « lutte contre l’exclusion par l’emploi » et la « protection des salariés face à la mondialisation », mais ce n’est pas en continuant de monter des catégories de gens contre d’autres que l’on trouvera une solution.

Alors que l’on a un président élu, entre autre, sur une opposition de style et de manière de travailler par rapport à son prédécesseur, j’ai l’impression que ce courant est l’illustration de la victoire du sarkozysme dans les esprits. Pendant 5 ans, nous avons eu un président qui jouait avec une nouvelle lutte des classes en aidant les plus riches, en montant certaines catégories contre d’autres. Aujourd’hui, la Gauche Populaire semble proposait exactement la même chose en venant au secours de l’autre camp. Pourtant la solution devrait être de réussir le vivre ensemble en faisant en sorte que toutes les composantes de la population trouvent leur compte, que ce soit en respectant l’égalité entre les sexes, que ce soit en offrant les mêmes droits sans prise en compte de la sexualité, mais aussi en respectant ceux qui emploient, ceux qui sont employés et ceux qui aimeraient être employé ou employeur…

Je n’étais pas convaincu par la Gauche Populaire à sa création, je ne le suis pas plus après la sortie de leur manifeste, mais le plus inquiétant pour eux, c’est que même chez les membres fondateurs, il y a une désolidarisation (lire les blogs de Gaël Brustier, ou de l’abeille et l’architecte pour en savoir plus).

jeudi 14 février 2013

Une St Valentin sous le signe du mariage

Ce jeudi est la St Valentin, cette fête des amoureux va peut être voir un nombre record de demandes en mariage puisque depuis mardi, l'Assemblée Nationale a majoritairement voté pour le mariage pour tous. Après 2 longues semaines de débat à l'Assemblée Nationale, nous allons avoir un peu de répits avant début avril et le début des débats au Sénat. Si le Sénat vote pour le texte tel que voté ce mardi, alors la France sera enfin un pays où tous les couples seront égaux devant la loi.

J'ai déjà évoqué le sujet à plusieurs reprises, j'ai déjà salué le talent de Christiane Taubira qui aura été incroyable durant tous ces débats, je voudrais donc juste revenir sur un sujet déjà évoqué avant l'ouverture des débats, et faire un point sur les amendements loufoques de Jacques Bompard.

Contrairement à certains députés qui n'ont pas souhaité se déplacer pour défendre leurs amendements, Jacques Bompard est venu à plusieurs reprises présenter les siens même si au final, peu d'entre eux auront été soumis au vote.

J'avais évoqué l'amendement 4661 pour une plus large ouverture du mariage, amendement motivé par les "réclamations de certaines revues spécialisées". Pour présenter cet amendement, monsieur Bompard a déclaré :
"En mathématiques, un mode de raisonnement permet de trancher : le raisonnement par l’absurde. Je propose quelques amendements fonctionnant sur ce principe. Votre loi fait reposer le mariage sur l’amour et non sur la différence des sexes. Je présente un certain nombre de conséquences emportées par ce postulat, qui ont semblé vous surprendre et même vous irriter, alors même qu’elles sont strictement conformes à la logique de vos maîtres à penser. J’ai feuilleté le journal Têtu, qui décrit comment l’on peut s’aimer à trois et à quel point c’est bien. [...] On peut même aller plus loin : Le Nouvel Observateur relate une relation incestueuse entre un père, sa femme et ses deux filles, en nous disant que, ma foi, ce sont des choses qui arrivent !"

L'amendement sera retiré du vote, tout comme les amendements 4662 et 4667 qui étaient de la même veine. Mon amendement préféré, celui qui voulait donner automatiquement le prénom de l'officier de l'état civil à l'enfant, a lui aussi été soutenu en séance. Même s'il n'a pas été soumis au vote car retiré avant par Jacques Bompard, voici un passage du député à la tribune sur le sujet :
"Monsieur le président, je suis père de cinq enfants, deux filles et trois garçons, et j’ai dix petits-enfants, cinq filles et cinq garçons. C’est vous dire que j’ai une approche pratique de l’éducation des enfants et de la vie avec eux. Je sais qu’un père et une mère n’apportent pas les mêmes choses. La mère apporte la tendresse, le père apporte une affection un petit peu plus rude
Est-ce que cela vous embête donc que l’on vous évoque des choses qui durent depuis des milliers d’années ? Je crois que la famille traditionnelle doit être défendue. Je regrette que, sur les bancs de la majorité, l’on dénonce d’une manière un peu agressive – pour ne pas utiliser des mots qui blessent – les lois naturelles.
Quel qu’il soit, un homme fait partie du règne animal. Tournez-le comme vous le voulez, il n’est pas venu d’ailleurs et il est lié à ce règne animal. Vouloir le délier du règne animal revient à commettre quelque chose de profondément anormal."

Ce passage est digne de l'amendement présenté, je n'ai qu'une chose à ajouter : "c'est bon comme du Bompard".

Après ce retour sur ces amendements farfelus, je tiens à remercier les députés de l'opposition qui ont voté pour cette loi :
  • A l'UMP : Benoist Apparu et Franck Riester. 
  • A l'UDI : Philippe Gomès, Sonia Lagarde, Yves Jégo, Jean-Christophe Lagarde et Jean-Louis Borloo (même si ce dernier semble s'être trompé de bouton pour voter).
En revanche, je ne peux que constater avec une grande déception que des élus de gauche ont voté contre ce projet de loi :
  • Au PS : Bernadette Laclais, Jerôme Lambert, Patrick Lebreton, Gabrielle Louis-Carabin (et les 5 abstentionnistes)
  • Au Front de Gauche : Bruno Nestor Azérot, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor et Patrice Carvalho (le député-maire de la circonscription où j'ai passé ma jeunesse)
Bonne Saint Valentin à tous les amoureux, et vivement les premiers mariages !

lundi 11 février 2013

Peillon ne réforme pas la contestation

Peillon durant la campagne présidentielle
Vincent Peillon découvre depuis le début de l'année les joies et privilèges d'être ministre de l'Education Nationale, c'est à dire d'être le ministre qui a toutes ses chances de voir le corps enseignant descendre dans la rue pour manifester son mécontentement envers la réforme en cours. Ce mardi, on annonce 80% des professeurs d'école en grève et de nombreux parents mécontents de ces nouveaux aménagements.

Cette réaction est assez surprenante quand on regarde ce qu'il s'est dit quelques années plus tôt. Cette première réforme de Vincent Peillon, qui s'inscrit dans un cadre bien plus vaste qui devrait toucher tous les niveaux d'enseignement, n'est qu'une correction de la réforme Darcos mise en place en 2008. A l'époque, de nombreuses personnes s'interroger sur le bien fondé de cette nouvelle coupure dans l'emploi du temps des enfants et de la surcharge de savoir à absorber dans une période réduite. 

En 2008, Luc Ferry, ancien ministre connu pour avoir été rémunéré à rien faire, critiquait la réforme en insistant sur le fait qu'elle allait augmenter l'échec scolaire : "Ce n'est pas en supprimant des heures que ça va s'arranger. Qu'on soit obligés de le faire pour des raisons budgétaires je veux bien, mais ce n'est pas comme ça que ça ira mieux, ce n'est pas vrai. On ne peut pas soutenir raisonnablement qu'en supprimant des heures, les élèves vont apprendre plus de choses."

En 2009 le président de la FCPE, Jean-Jacques Hazan, expliquait que "la semaine de 4 jours, imposée par le ministre (de l'Education Xavier, ndlr) Darcos, densifie la journée de travail et est beaucoup trop fatigante pour les enfants. On a concentré 872 heures sur moins de 136 jours alors que dans toute l'Europe, il y a plus de jours de classe avec des journées moins chargées". 

En 2011, à l'Université d'été du PS, nous pouvions entendre dans un atelier nommé "un nouveau contrat entre les enseignants et la Nation" qu'il était nécessaire de réfléchir sur le temps scolaire, soit (propos tenu soit par un représentant de l'UNSA, soit de la FSU, soit de SGEN/CFDT) :
  • revoir les planning au primaire et au collège,
  • réfléchir à l'augmentation du nombre de jours à l'école en contrepartie de la baisse du nombre d'heures quotidienne à l'école).
Vincent Peillon veut donc alléger légèrement le temps quotidien d'enseignement dispensé aux élèves pour leur permettre d'accéder à d'autres activités, ce qui semble aller dans le sens des réclamations demandées depuis 4 ans par divers acteurs de l'enseignement. J'entends les craintes des professeurs sur l'organisation de cette réforme. Aujourd'hui, on ne connaît pas le personnel qui s'occupera des enfants dans le temps libéré le midi ou en fin d'après-midi, on ne sait pas précisément où ces activités se dérouleront (même si la salle de classe me parait indiquée...). Si je suis d'accord pour que ces craintes soient exprimées et doivent être incluses dans la mise en place de la réforme, elles ne sont pas suffisantes pour demander son report ou son annulation. Si certaines communes se sentent aptes à mettre en place la réforme, pourquoi les retarder d'un an ?

J'ai aussi entendu la crainte de voir se développer une école à deux vitesses en fonction de la santé financière des communes. Encore une fois, je pense que l'on peut faire confiance en nos représentants municipaux pour tout mettre en œuvre pour l'éducation de leurs plus jeunes concitoyens. Et la mise en place de la réforme dès 2013 pourra servir de critère pour le renouvellement des mandats municipaux en 2014 selon le degré de satisfaction des moyens alloués. 

Lors de cet atelier à La Rochelle durant l'université d'été 2011, les 3 syndicalistes étaient d'accords pour dire que l'école devait être réformée du primaire jusqu'à l'enseignement supérieur mais que cette réforme devait avoir un sens global et surtout qu'elle devait être accompagnée par une réforme parallèle sur le statut et la considération des professeurs. Vincent Peillon peut se vanter d'être un des rares ministres à avoir le droit d'embaucher. Il a déjà mis en place une nouvelle formation des futurs enseignants. Je pense que l'on peut considérer qu'il n'oublie pas le corps enseignant dans ses réformes et qu'il s'attaque bien aux deux chantiers en parallèle. Dans ce cas, ces mouvements de grèves actuels sont-ils vraiment nécessaires ? Ce gouvernement semble plus à l'écoute et plus ouvert que nombre de ses prédécesseurs, n'y a-t-il pas d'autres solutions pour se faire entendre et modeler un peu la réforme en cours ?

jeudi 7 février 2013

Pensées pour Gisèle Guillemot

Ce mercredi matin, le drapeau français surplombant l'entrée de la Cour d'Honneur des Invalides étaient en berne pour rendre hommage à Gisèle Guillemot, décédée dans la nuit du 30 au 31 janvier. Sous le regard de sa famille, de ses amis et de quelques touristes, un général 5 étoiles (le plus haut grade dans l'armée de terre française) nous a résumé l'incroyable passé de cette grande dame. 

Née en 1922, elle a donc 18 ans en 1940 quand elle entre dans la Résistance dans sa Normandie natale. Quelques années plus tôt, elle s'était déjà engagée dans le militantisme politique à l'époque du Front Populaire et de la Guerre d'Espagne. Dès le début de l'occupation allemande, elle entre en résistance. Elle rejoint également le Parti Communiste (interdit par l'occupant allemand) et le Front National pour l'Indépendance de la France. C'est sous le pseudonyme d'Annick qu'elle agira. Elle fut agent de liaison, elle a participé à la rédaction et la diffusion du journal clandestin "Calvados Libre" et à diverses actions contre la puissance occupante.

En avril 1943, elle et 21 de ses camarades sont arrêtés par la Gestapo suite à une dénonciation. Seize seront condamnés à mort, les hommes seront abattus en France alors qu'elle et une autre femme seront déportées en Allemagne sous le signe NN (Nuit et Brouillard). Sa déportation commencera par un long voyage de 90 jours entre Fresnes et Lübeck. Ensuite, elle sera transférée au camp de Ravensbrück à l'automne 1944 avant d'être envoyée à Mauthausen en mars 1945. Le 20 avril 1945, la Croix Rouge Internationale libère le camp et la rapatrie en France. 

Durant toute cette époque, elle écrira des poèmes dont la plupart ont été publiés depuis. Elle milita encore un certains temps au Parti Communiste avant de quitter le parti pour se consacrer aux associations d'anciens déportés. Elle consacrera enfin énormément de son temps à expliquer ce qu'elle a vu et vécu.

Gisèle Guillemot fut une femme formidable. Les rares fois où j'ai pu discuter avec elle, j'ai eu à faire à une femme qui s'indignait toujours des injustices. C'était un plaisir d'écouter sa vision de l'actualité et de la politique française. C'est donc avec beaucoup d'émotions que je lui ai rendu un dernier hommage ce matin. Je profite donc de ce billet pour répéter une nouvelle fois à ses deux filles (qui sont la preuve que le caractère est héréditaire), son petit-fils et tous ses proches mes plus sincères pensées.

Pour finir ce billet, je vais reprendre un poème qui a réussi à fissurer la carapace du général d'armée qui l'a lu ce matin :

À MA MÈRE (de Gisèle Guillemot)

Écoute Maman, je vais te raconter
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Les livres qu'on brûlait
Les gens qu'on humiliait
Et les bombes lancées
Sur les enfants d'Espagne
Alors on a rêvé
De fraternité...

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Les prisons et les camps
Ces gens qu'on torturait
Et ceux qu'on fusillait
Et les petits-enfants
Entassés dans les trains
Alors on a rêvé
De liberté.

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Alors on s'est battu
Alors on a perdu

Écoute Maman, il faut que tu comprennes
Écoute, ne pleure pas. . .
Demain sans doute ils vont nous tuer
C'est dur de mourir à vingt ans
Mais sous la neige germe le blé
Et les pommiers déjà bourgeonnent
Ne pleure pas
Demain il fera si beau

Enfin, pour en savoir plus sur son histoire, je vous invite à regarder les 8 vidéos réalisées par l'ADIRP où elle explique  son histoire :

mardi 5 février 2013

Des primaires à Paris, oui mais quand ?

La préparation de l'élection municipale à Paris avance. Il y a deux mois, j'évoquais l'officialisation de la tenue de primaires pour le candidat socialiste. Déjà à l'époque, il y avait des discussions au sein de la fédération parisienne entre un vote des sympathisants avant les vacances d'été ou à l'automne (comme pour la primaire de 2011). Si le calendrier printanier semble toujours privilégié par la direction socialiste, le think tank Terra Nova a publié la semaine dernière une nouvelle note sur les primaires pour les municipales où ils encouragent la tenue de primaire à l'automne, en proposant d'ailleurs les mêmes dates que pour l'élection présidentielle il y a 2 ans, c'est à dire les 6 et 13 octobre. 

Outre des contraintes matérielles (dont la mise à disposition des listes électorales), une primaire automnale aurait le mérite de permettre aux différents candidats d'avoir le temps de se présenter et de se faire connaître des sympathisants (et des autres électeurs également). En effet, en organisant une primaire à la fin du printemps, c'est à dire dans 3 ou 4 mois, l'élection risquerait fort de se gagner grâce à une "prime de notoriété" et non sur un véritable débat de projets. 

De plus, si la gauche parisienne veut partir souder à l'élection municipale, il faudra prévoir du temps pour correctement s'organiser avec les différents partis souhaitant participer à la primaire. Il semblerait que le PRG soit de nouveau intéressé par le processus. Qui à Paris connaît un Radical de gauche, connaît ses idées et ses ambitions pour Paris et le Grand Paris ? Les écologistes font partis de la majorité municipale depuis 2001 et auront aussi à défendre leur bilan et leur projet pour l'avenir. S'ils participent à cette primaire, comment garantir un débat de bonne tenue avec une élection dans 4 mois ?

Enfin, il y a la désignation des candidats. Le rapport de Terra Nova propose un principe de parrainage citoyen pour éviter les candidatures farfelues à la primaire. Ce parrainage pourrait demander de recueillir 1% du corps électoral parisien, soit 12 500 signatures environ. On peut imaginer un autre mode de désignation réalisé par la base militante des partis organisateurs. Dans ce cas il faudrait atteindre un certains seuil de soutien militants. Dans tous les cas, cette pré-campagne et cette collecte de parrainage semble être une étape essentielle et donc à prendre en compte dans le calendrier général.

Il ne faut pas oublier que si la primaire citoyenne de 2011 a été un grand succès à Paris, c'est aussi car il y a eu énormément de réunions de préparation durant 2 ans aussi bien au niveau national qu'au niveau municipal pour réussir que tout soit irréprochable de bout en bout.

Un dernier argument pour la route, même si ce n'est pas le plus important, l'UMP a acté aujourd'hui une organisation de primaire à droite et donc ouverte à tous pour les municipales de 2014. Il semblerait que le mode de fonctionnement soit très similaire à la primaire de 2011 (charte de valeurs, contribution symbolique) et qui se tiendrait avant l'été. Autant ne pas surcharger l'emploi du temps politique des Parisiens et donc attendons l'automne. Seul bémol, le choix du candidat UMP risque d'influer sur le choix du candidat de gauche, et ce n'est pas toujours bon signe...