La gauche est depuis longtemps
(toujours ?) un terreau propice à la création de courants, de groupes de
réflexion, de think tanks. Un des derniers courants en date est la Gauche
Populaire. Créé en 2011, je l’ai d’abord vu comme un courant se voulant l’antithèse
de la Droite Populaire. Là où la Droite Pop essaye de créer des ponts entre UMP
et extrême-droite, la Gauche Pop essaye de la combattre.
D’après eux, la social-démocratie au
PS a fait place à un « social libéralisme » qui lui a fait oublier d’où
il vient, qui il protège et comment il doit agir. D’après les membres
fondateurs de la Gauche
Pop, « la principale conséquence
de cette nouvelle hégémonie idéologique était la rupture politique avec les
catégories populaires au profit des minorités (« jeunes », « femmes », «
immigrés », « LGBT », « précaires »…). La coalition de toutes ces minorités
devait, selon ses concepteurs, former « un peuple de substitution » en lieu et
place des antiquités du siècle passé : le peuple, les classes sociales et la
nation ». C’est donc ce « social libéralisme » qui serait la
cause principale de la montée du Front National…
Partant de ce constat, et après près
de deux ans de réflexion, 23 députés de la Gauche Populaire ont présenté leur manifeste, qui se résumé en 5 points :
- Rendre du pouvoir d’achat aux catégories populaires : en appliquant une grande réforme fiscale redistributive fondée sur la progressivité de la CSG et en s’appuyant sur des principes écologiques pour réduire la facture énergétique et de transports des ménages.
- Lutter contre l’exclusion en favorisant l’insertion par l’emploi : en confiant le pilotage de la politique de l’emploi aux régions pour garantir une gestion plus souple et politiquement plus responsable ;en réorientant, sans remettre en cause le droit à la formation continue, une partie des dépenses allouées à la formation professionnelle au bénéfice des chômeurs, sous la forme de contrats d’activités se substituant, sur la base du volontariat, à l’indemnisation passive du chômage ; et en créant un complément de revenu pour les travailleurs précaires qui figurerait directement sur la fiche de paie et constituerait ainsi une forme de reconnaissance d’un « droit à un salaire décent ».
- Protéger les salariés de France dans la mondialisation : en introduisant la possibilité pour l’Etat de détenir une minorité de blocage dans le capital des entreprises considérées comme stratégiques, en instaurant l’obligation d’un accord préalable du Parlement en cas de cessions d’actifs stratégiques à des groupes étrangers, en permettant le portage public temporaire de certaines entreprises appartenant à des secteurs stratégiques, et en mettant en place un label « France Qualité Plus» pour valoriser la production française respectueuse de normes sociales et environnementales exigeantes.
- Refaire de l’école républicaine l’ascenseur social qu’elle a cessé d’être : en finir avec la “machine à trier” qui aggrave les inégalités d’origine en créant un véritable dispositif public de soutien scolaire dispensé par des enseignants mieux payés et présents plus longtemps dans les classes, en élargissant les droits d’accès automatiques aux filières d’excellence à tous les lycées, et en développant des synergies formations-emplois en fonction des débouchés.
- Réinventer une laïcité ferme et inscrite dans le réel : se réapproprier et faire vivre le compromis historique de 1905, aujourd’hui confronté à la montée en puissance de religions offrant des identités de secours et au développement d’intégrismes, en inscrivant dans la Constitution la neutralité des services publics et des agents.
Je dois l’avouer, dès le départ, il y
avait quelque chose qui clochait dans leur présentation des problèmes du PS à
la sauce social-libéral. D’après eux, le PS se trompe de cible, délaisse les
ouvriers (et la lutte des classes) pour des minorités, et quelles minorités :
les femmes (elles apprécieront), les jeunes (les 31%
de Français ayant moins de 25 ans apprécieront), les immigrés, les LGBT,
les précaires. Le constat n’est pas totalement faux, les conclusions un peu plus.
Le premier des points qui m’étonne
dans leur présentation initiale (en dehors de considérer les femmes et les
jeunes comme minorités) est la critique d’une politique orientée vers les
précaires. Pour moi, les précaires du XXIème siècle sont les équivalents des ouvriers
du XXème. Aujourd’hui, ce n’est plus en se battant uniquement pour les ouvriers
que l’on va vaincre la précarité. La précarité aujourd’hui existe dans tous les
domaines, de l’étudiant à l’informaticien en intérim en passant par le chômeur.
En revanche, je ne suis même pas persuadé de la persistance aujourd’hui d’une
notion de « classe ouvrière » parmi les ouvriers.
La Gauche Populaire se veut les
derniers défenseurs au PS des classes
populaires et moyennes
sans que je ne voie vraiment une explication de qui se cache derrière ces
entités. En ciblant à voix hautes les catégories populaires, la Gauche Pop
reprend les mêmes travers que la droite sarkozyste ou l’extrême-droite
frontiste. S’adresser à des ensembles vagues de personnes où une majorité de la
population se croit englobé. C’est
typiquement le cas du 1er point, « rendre du pouvoir d’achat
aux catégories populaires ». Une grande majorité voit ou croit que son
voisin est plus riche et donc se visualise comme cœur de cible du manifeste.
La Gauche populaire semble reprendre
aussi les travers du Sarkozysme dans sa vision du chômage. Qu’entendent-ils par
leur « contrat d’activité qui se substituerait sur la base du
volontariat à l’indemnisation passive du
chômage » à part un retour de « l’assistanat ce cancer de la
société », une nouvelle confrontation entre « ceux qui travaillent
dur » et les « oisifs » ? Je ne peux qu’être d’accord sur
leur « lutte contre l’exclusion par l’emploi » et la « protection
des salariés face à la mondialisation », mais ce n’est pas en continuant
de monter des catégories de gens contre d’autres que l’on trouvera une
solution.
Alors que l’on a un président élu,
entre autre, sur une opposition de style et de manière de travailler par
rapport à son prédécesseur, j’ai l’impression que ce courant est l’illustration
de la victoire du sarkozysme dans les esprits. Pendant 5 ans, nous avons eu un
président qui jouait avec une nouvelle lutte des classes en aidant les plus
riches, en montant certaines catégories contre d’autres. Aujourd’hui, la Gauche
Populaire semble proposait exactement la même chose en venant au secours de l’autre
camp. Pourtant la solution devrait être de réussir le vivre ensemble en faisant
en sorte que toutes les composantes de la population trouvent leur compte, que
ce soit en respectant l’égalité entre les sexes, que ce soit en offrant les
mêmes droits sans prise en compte de la sexualité, mais aussi en respectant ceux
qui emploient, ceux qui sont employés et ceux qui aimeraient être employé ou
employeur…
Je n’étais pas convaincu par la Gauche
Populaire à sa création, je ne le suis pas plus après la sortie de leur
manifeste, mais le plus inquiétant pour eux, c’est que même chez les membres
fondateurs, il y a une désolidarisation (lire les blogs de Gaël
Brustier, ou de l’abeille
et l’architecte pour en savoir plus).
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