François Hollande a réagit de façon très digne aux attentats
de vendredi dernier. La presse étrangère l’a soulignée tout comme de nombreuses analyses suite à son discours de
lundi face aux parlementaires à Versailles. A cette occasion, il a présenté ses
principales mesures et volonté pour éviter de pareils drames.
Je salue sa décision de réaliser un « pacte de sécurité » construit à l’image
des pactes de stabilité et de responsabilité. Depuis le début de son mandat,
François Hollande et ses gouvernements ont agi pour réparer la casse du
précédent quinquennat. Alain
Juppé a reconnu récemment que la droite a «sans doute eu tort de supprimer
des milliers de postes» dans la sécurité durant le précédent quinquennat. François
Hollande a déjà ouvert plus de postes. Il souhaite à présent créer 5.000
emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, 2.500 dans la justice
et 1.000 dans les douanes pour faire face aux menaces terroristes, ainsi que la
suspension de la réduction des effectifs militaires jusqu'en 2019 (soit plus de
9.200 initialement prévues entre 2017 et 2019). Il annonce en même temps que si
ces créations d’emplois doivent plomber le budget de la France même si ça l’empêche
d’assumer le pacte de stabilité de l’Union Européenne. Michèle
Delaunay sur son blog va dans son sens demandant même que ce genre de
dépense ne soit pas inclus dans le pacte de stabilité européen puisque la
sécurité d’un pays influe sur la sécurité de toute l’Union Européenne.
On peut aussi saluer la création immédiate d’une grande
coalition russe – américaine – française pour lutter contre Daesh tous ensemble
plutôt qu’en ayant des objectifs séparés et non synchronisés. A mon avis, il
faut tout de même faire très attention de comment cela se finira. La Russie, la
France et les Etats-Unis ont trois visions différentes de la situation
politique à terme dans la région. J’espère que cette coalition ne fera pas le
jeu de Bachar al Assad, dont sa présence devrait être en prison et non dans un
palais présidentiel.
Là où je suis plus perplexe et où j’espère que notre
Président ne se trompe pas de voie, c’est sa volonté d’avoir un état d’urgence
allongé et sa volonté de changer la constitution pour réaménager les pouvoirs
exceptionnels du Président de la République. Nous sommes dans une République où
le chef de l’Etat a déjà énormément de pouvoir. Les socialistes et la gauche
dans son ensemble n’ont cessé de le dire depuis la mise en place de la Vème République.
François Mitterrand était très à l’aise dans ce costume qu’il avait toujours
dénigré. François Hollande l’est tout autant. En revanche il est dangereux de
vouloir mettre en place plus de droits d’exception pour un président. Hollande
ne sera pas toujours président et je ne peux que craindre la mentalité de ses
successeurs aux pensées et aux actions plus radicales.
Par exemple, pourquoi vouloir augmenter la durée de l’état d’urgence ?
On se souvient des dictatures arabes qui, il y a encore quelques années,
étaient en état d’urgence permanent depuis des décennies. A situation
exceptionnelles, réaction exceptionnelle. On peut voir l’effet bénéfique de l’état
d’urgence actuel avec le nombre de saisies d’armes (31
armes saisies en un week-end). Mais faut-il augmenter cette durée à 3 mois ?
Certes, Stéphane Le Foll annonce exclure des perquisitions administratives les
avocats, les magistrats et les journalistes. Mais ça laisse toujours beaucoup
de monde non couvert par la justice. En revanche la décision de profiter de
cette réforme constitutionnelle de supprimer le contrôle de la presse et de la
radio est une très bonne chose.
Autre exemple, réfléchir à l’internement de tous les
individus « fichés S ». Etre fiché S est synonyme d’être soupçonné de
radicalisme religieux et non être coupable du moindre acte délictueux. Mettre
en place un internement d’office comme le réclame Laurent Wauquiez est bien sur
dangereux. Si l’on doit enfermer les personnes surveillées pour radicalisme, on
peut bien imaginer la même chose pour tous les nazillons surveillés. Il y a 5
ans, Sarkozy était parti en guerre contre « l’extrême-gauche
anarcho-autonome » avec l’affaire Tarnac. Il aurait donc fallu enfermer d’office,
sur simple présomption de dangerosité tous les militants anars, voire tous les militants
d’extrême-gauche ? Ce n’est pas parce que 95% des terroristes sont « fichés
S » que tous les « fichés S » sont terroristes. C’est pourtant
la démonstration vaseuse que l’on peut entendre à droite aujourd’hui.
Le Figaro, qui défend ce discours du « tous à enfermer »
s’appuie aujourd’hui sur un sondage pour annoncer que 84% des Français seraient
prêts à une diminution de leurs libertés pour leur
garantir plus de sécurité. Il faut bien sur prendre avec des pincettes ce genre
de sondages réalisés à chaud suite à un événement monstrueux et choquant. On
peut faire le même rapport avec n’importe quelle affaire de meurtres d’enfants.
Si on demande après une telle affaire si les gens sont pour la peine de mort, ils
répondront « oui », alors que dans des circonstances différentes,
leur réponse auraient été négatives.
Avant et après les attentats, des personnes comme l’ancien
juge Trévidic ont toujours réclamés plus de moyens et non plus de lois pour
mener à bien leurs missions de garantie de la sécurité sur le territoire. Ce nouveau
« pacte de sécurité » va dans ce sens. « Plus de moyens pour
plus de sécurité » et non « Plus
de sécurité pour moins de liberté », voila le piège à éviter.