Depuis le lancement du processus de reforme des retraites, le gouvernement ignore tous les syndicats (sauf 1, le MEDEF) et a dès le départ adopté une attitude volontairement provocatrice envers ses contradicteurs. Le gouvernement organise un simulacre de concertation avec un planning tellement serré qu'aucune discussion réelle n'était envisageable.
Dès le mois de mars, les syndicats et les partis politique de Gauche descendent dans la rue pour se battre pour les retraites, pour réclamer d'être entendus et obtenir une véritable consultation.
L'été est arrivé, le projet du gouvernement est publié et la mobilisation ne faiblit pas (manifestations les 20 avril, 1er mai, 27 mai, 15 juin et 24 juin). Le projet reprend bien des thèmes importants portés par les syndicats et partis politiques (pénibilité, temps de travail, nouvelles sources de financement), mais tout est à l'opposé du bon sens. Les travailleurs devront prouver les effets de la pénibilité sur leur santé, tout le monde devra travailler au moins jusque 62 ans, au pire 67 ans.
Le texte est présenté tel quel à l'Assemblée Nationale pour la rentrée parlementaire, sans aucune influence des propositions des syndicats ou des partis politiques (ici un résumé des propositions socialistes). 3 millions de personnes descendent dans les rues le 7 septembre pour manifester leur mécontentement (soit une hausse continue depuis le début du printemps). Nous serons toujours aussi nombreux pour les autres manifestations de la rentrée (23 septembre, 2 octobre, 12 octobre, 16 octobre).
Octobre est le mois crucial. Alors que le gouvernement a plus la tête aux remaniements qui se préparent en coulisse, alors que le ministre chargé du projet est englué dans ses mensonges entre conflits d'intérêt et financement illicite d'un parti dans l'affaire Bettencourt, le texte est présenté au Sénat. L'exécutif, qui clame à tout bout de champs que la mobilisation s'essouffle en truquant les chiffres des manifestants (la préfecture de Paris a eu l'audace de publier les chiffres du cortège parisien 30 minutes avant que la tête ne se mette en marche), commence à douter et essaye le passage en force au Sénat. Plusieurs articles sont votés en urgence avant la journée du 12 octobre. Ils espèrent ainsi couper l'herbe sous le pied des manifestants et les dissuader de battre le pavé ce mardi 19 octobre.
Le gouvernement méprise et ignore les manifestants alors que des millions de personnes sont descendues 12 fois dans la rue depuis le printemps sous le prétexte qu'un gouvernement élu démocratiquement ne doit pas céder à la rue. Pourtant les images ne mentent pas, et le président de la République a même raillé Ségolène Royal durant le débat d'entre-deux tours de l'élection présidentielle sur le financement des retraites (2ème vidéo vue sur l'excellent blog intox2007).
Face à tant de mépris, le combat (pour reprendre un terme du vocabulaire martial, vocabulaire si cher à notre président) continue et se durcit. Des préavis de grèves reconductibles sont posés dans de nombreuses entreprises depuis la semaine dernière. Les lycéens et étudiants viennent nombreux dans les cortèges et bloquent lycées et universités. Des grévistes de différents secteurs d'activités viennent en aide aux grévistes de Total pour bloquer les dépôts de carburants. Les routiers ralentissent le pays.
Hélas certains dérapages ont lieu en marge des manifestations, soit du fait de casseurs totalement étrangers au mouvement, soit du fait des provocations policières (par exemple les actions des CRS à la Bastille mardi dernier ou le surnombre de CRS autour de lycées bloqués dans des cités sensibles comme à Nanterre). Mais face à un Etat pyromane qui ne cherche qu'à monter les Français les uns contre les autres ("Français de souche" vs immigré, gréviste vs travailleur).
Dernière minute: Alors que le gouvernement promet de ne pas céder un millimètre aux grévistes, quelques soient leurs actions, on vient d'apprendre que le statut des marins sera "écarté de la réforme en cours et de toute autre réforme des régimes spéciaux" suite aux 7 jours de blocage du port de Marseille. Ce qui confirme que la radicalisation du mouvement semble être la seule manière d'arriver à se faire entendre du gouvernement.