« La France a peur tous les soirs à 20 heures »
chantait Mickey 3D en faisant référence à la célèbre ouverture du JT de Roger Gicquel
un soir de 1976. Aujourd’hui encore, on pourrait ouvrir sur « la France a
peur … de la théorie du gender ».
Lundi 27 janvier, de nombreuses écoles maternelles et
primaires un peu partout en France ont vu un taux anormal d’absentéisme chez
leurs enfants scolarisés. A Meaux,
dans le quartier de Beauval, 40% des élèves étaient absents. Sur toute la
commune dirigée par Jean-François Copé, ce sont 20% des 3500 élèves des
différentes ZUS de la ville qui étaient absents lundi. Sans donner d’ordres de
grandeur, Ouest France annonce
des absences d’enfants inhabituelles dans les écoles de Rennes. Dans les
alentours de Montbéliard
et dans le territoire de Belfort, certaines écoles ont eu 50 absences pour la
seule journée de lundi. A Strasbourg,
dans une zone d’éducation prioritaire, ce sont 86 enfants d’une école qui en
compte 240 qui ne sont pas venus. La raison de ces absences ? Des messages
comme ceux ci-dessous envoyés aux
parents (orthographe d’origine) :
"L’heure est grave. Après avoir appris à nos enfants que c’est normal d’avoir « un amoureux » ou « une amoureuse » où encore qu’un garçon à le droit d’aimer un autre garçon et qu’une fille à la droit d’aimer une autre fille, voila qu’ils s’interrogent sur le fait d’enseigner à nos enfants de 4 ANS « comment ce masturber !!!"
"Pour la region parisienne la JOurnée de Retrait de l'école pour l'interdiction de la théorie du genre! Ne mettez pas vos enfants LUNDI 27 Janvier 2014 pour protester. C'est très inquiétant et tres important! +infos sur le site: jre2014.frA faire circuler, merci"
Le deuxième message nous indique qui semble être à l’origine
du boycott de l’école. Il s’agit de Farida Belghoul qui a déjà tapé dans l’œil de la bloggeuse Elooooody. Pour cette
femme et son collectif proche du mouvement d’Alain Soral (extrême-droite, colistier
de Dieudonné sur la liste anti-sioniste de ce dernier pour l’élection
européenne de 2009), il faut enlever les enfants des écoles pour qu’ils ne
subissent pas les affreux cours sur la théorie du genre et même pire puisqu’elle
parle de cours de masturbation sur des enfants !
J’avais déjà évoqué le problème des rumeurs farfelues en octobre dernier quand on suggérait que la Seine-Saint-Denis
payait des villes de province pour accueillir des familles noires… Nous passons
un nouveau cap d’inélégance puisque tout porte à croire que cette fois-ci, ce
sont les familles les plus défavorisées (ZUS de Meaux, ZEP de Strasbourg, etc.)
qui sont visées en les incitant à priver leurs enfants d’un accès à l’éducation.
NON, des homosexuels ne vont pas venir dans les classes
expliquer qu’il faut devenir homosexuel. En revanche, oui les professeurs vont
expliquer qu’être homosexuel n’est pas honteux et qu’il ne faut pas insulter
quelqu’un car il est différent (tout comme on apprend à l’école qu’il ne faut
pas mettre à l’écart des personnes pour leur couleur de peau ou leur religion).
NON, les professeurs ne vont pas interdire aux garçons de
jouer au foot dans la cour de récréation ni aux filles de jouer à l’élastique.
En revanche, oui ces mêmes professeurs vont expliquer aux garçons qu’ils ont le
droit de jouer à l’élastique s’ils veulent (y compris avec des filles même si « les
filles c’est nul » comme disait mon petit cousin) et que les filles ont le
droit de jouer au football si elles le veulent également.
NON, il ne sera pas interdit aux garçons de venir en
pantalon et il ne sera pas interdit aux filles de venir en jupe. En revanche, il
sera peut être conseillé aux filles de venir en pantalon pour la prochaine
sortie en forêt et ainsi éviter de se retrouver avec des piqûres d’orties ou
des griffures de ronces.
NON, l’Education Nationale n’a pas prévu de donner des cours
de masturbation à des enfants de 4 ans, ni plus tard. D’ailleurs, il y a de
fortes chances que ces enfants découvrent la chose bien assez tôt, surement plus
tôt que ce que pense leurs parents.
On connaissait les hoax, ces canulars qui pourrissent les
boîtes mails demandant de l’aide car Samantha a disparu et si on ne la retrouve
pas, elle ne pourra jamais recevoir le rein qui l’attend dans le service d’urgence
du Docteur JM Foudetoi ou propageant les légendes urbaines comme quoi des
personnes déposent des punaises avec du sang contaminé sur les fauteuils des
cinémas pour propager le virus du SIDA. Ces canulars sont presque inoffensifs
et jouent soit sur la peur soit sur l’empathie des gens pour leur faire perdre
un peu de leur temps. Aujourd’hui, on assiste à une dérive bien plus dangereuse
où l’on profite de la crédulité de certains parents qui n’ont pas tous accès à
l’information pour les empêcher d’envoyer leurs enfants en cours.
La théorie du genre ne fera jamais d’un enfant un « pédé »
ou une « gouine ». En revanche la manipulation intellectuelle peut
handicaper l’avenir des enfants si on les empêche de suivre un enseignement
républicain, laïc et égalitaire.
Si tout ceci n’était pas aussi choquant, j’aurais pu rire
des propos de Jean-François Copé, qui même s’il a été confronté directement au
problème en tant que maire de Meaux, a déclaré :
"Je suis choqué par la théorie du genre et je comprends l'inquiétude des familles. La priorité de l'école doit rester les savoirs fondamentaux."
En déclarant ceci, le patron de l'UMP se met au même niveau que les pires décérébrés d'extrême-droite. Il cautionne le fait d'empêcher d'envoyer des enfants à l'école sous des prétextes qui mettent à mal le vivre ensemble républicain.
Heureusement que Vincent Peillon a rétabli quelques vérités un peu plus tard à l’Assemblée Nationale :
"Jamais nous ne renoncerons à l’enseignement de l’égalité, que nous inscrivons au fronton de toutes nos écoles. Nous continuerons de lutter contre toutes les discriminations, le racisme, les inégalités, mais je veux très solennellement rassurer tous les parents de France : n’écoutez pas ceux qui veulent semer la division et la haine dans les écoles. Ce que nous faisons, ce n’est pas la théorie du genre, que je refuse, nous voulons promouvoir les valeurs de la République et l’égalité entre les hommes et les femmes."