mercredi 30 janvier 2013

Le discours de Christiane Taubira pour le mariage pour tous

Les débats sur le mariage pour tous ont débuté ce mardi 29 janvier 2013 après-midi à l'Assemblée Nationale, et de quelle manière ! C'est Christiane Taubira, ministre de la Justice, qui a ouvert le débat par un discours de toute beauté qui risque fort de se retrouver au Panthéon des discours au Parlement, aux cotés de ceux de Simone Veil et de Robert Badinter. Le discours m'ayant laissé sans voix, je vous le livre tel quel (j'ai juste supprimé les interventions des députés l'interrompant) :

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les députés, nous avons l’honneur et le privilège, Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, et moi-même, de vous présenter, au nom du Gouvernement, un projet de loi traduisant l’engagement du Président de la République d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
S’agissant de l’état des personnes, ce sont donc principalement des dispositions du code civil relatives au mariage, à l’adoption et à l’attribution du nom de famille qui seront adaptées.
Dominique Bertinotti et moi-même avons tenu à participer activement, dans le respect des prérogatives des parlementaires, aux deux séances de la commission des lois, puisque, à la suite des modifications du règlement de l’Assemblée nationale, c’est sur le texte issu des travaux de la commission que nous allons débattre pendant ces deux semaines, week-ends compris.
Nous n’avons jamais sous-estimé l’importance de cette réforme. C’est pourquoi nous avons accueilli avec le plus grand respect toutes les personnes qui ont accepté d’être auditionnées. Nous savons à quel point les travaux de la commission sont utiles. Ils ont amélioré le texte, et les dispositions qui y ont été introduites seront présentées par vos rapporteurs.
Je voudrais m’arrêter un instant sur l’évolution du mariage, pour que nous comprenions mieux ce que nous sommes en train de faire.
Dans une maison qui aime tant à citer le doyen Jean Carbonnier, je ne vais pas déroger à la règle. En 1989, à l’occasion des travaux de réflexion sur le bicentenaire de la Révolution française, il définissait le mariage civil comme la « gloire cachée » de celle-ci. Il faisait évidemment allusion aux vifs débats qui ont accompagné l’instauration de ce mariage civil, sa dimension contractuelle, sa durée, c’est-à-dire la possibilité de divorcer. À cette époque, deux religions reconnaissent le divorce, la religion protestante et la religion juive, tandis que la religion catholique, majoritaire, déclare le mariage indissoluble. Le doyen Carbonnier considère donc que le constituant de 1791 a bien accompli une véritable révolution en instaurant le mariage civil. La sécularisation de ce mariage est ainsi consacrée dans la Constitution de 1791.
Le mariage civil porte l’empreinte de l’égalité. Il s’agit d’une véritable conquête fondatrice de la République, dans un mouvement général de laïcisation de la société.
Une telle conquête était importante essentiellement pour ceux qui étaient exclus du mariage à cette époque. Après la révocation de l’édit de tolérance, dit édit de Nantes, en 1685, les protestants ne pouvaient se marier qu’en procédant secrètement avec leurs pasteurs. Ils ne pouvaient pas constituer une famille et leurs enfants étaient considérés comme des bâtards. À partir de 1787, l’édit de tolérance autorise de nouveau les prêtres et les juges à prononcer ces mariages en tant qu’officiers de l’état-civil. Il y a donc une première ouverture, deux ans avant la Révolution, avec cette reconnaissance du pluralisme religieux et la possibilité d’inclure dans le mariage ceux qui en étaient exclus, à savoir les protestants et les juifs. Mais le mariage n’inclut encore que les croyants.
Il exclut aussi des professions, et notamment les comédiens, parce que la religion proclame qu’elle ne saurait reconnaître les pratiques infâmes des acteurs de théâtre. C’est d’ailleurs le comédien Talma qui va saisir la Constituante parce que le curé de Saint-Sulpice refuse de publier les bans de son mariage avec une « mondaine », comme on disait à l’époque.
Les constituants décident donc d’instaurer un mariage civil et inscrivent dans l’article 7 du titre II de la Constitution de septembre 1791 que le mariage n’est que contractuel et que le pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés et désignera les officiers chargés de constater et d’enregistrer ces actes.
Le mariage civil permet d’inclure des croyants non catholiques, mais il est élargi à tous, c’est-à-dire que tous ceux qui souhaitent se marier peuvent disposer des mêmes droits et doivent respecter les mêmes obligations.
Cette conception du mariage civil, qui porte l’empreinte de l’égalité, est en fait essentiellement une liberté, parce que, dès l’instauration du mariage, le divorce sera également reconnu. Il est écrit dans l’exposé des motifs de la loi de 1792 que le divorce résulte d’une liberté individuelle, dont un engagement indissoluble serait la perte. Puisque le mariage est la liberté des parties et non la sacralisation d’une volonté divine, cette liberté de se marier ne se conçoit qu’avec la liberté de divorcer, et, parce que le mariage va se détacher du sacrement qui l’avait précédé, il pourra représenter les valeurs républicaines et intégrer progressivement les évolutions de la société.
La meilleure manifestation de cette liberté s’exprime par l’article 146 du code civil, qui n’a pas changé depuis son origine, et selon lequel il n’y a pas de mariage sans consentement. Cet article établit donc la pleine liberté de l’un et de l’autre conjoint dans le mariage.
Si l’on se souvient que le mariage a d’abord été une union de patrimoines, d’héritages, de lignées, que l’on passait chez le notaire avant de passer chez le prêtre, le fait de reconnaître la liberté de chacun des conjoints est un progrès considérable, aujourd’hui encore inscrit dans le code civil.
Le divorce va donc accompagner très vite le mariage. Il sera prohibé en 1816, dans une ambiance où les courants conservateurs sont dominants et où les libertés, notamment celles des femmes, sont en régression. Il sera rétabli en 1884 par la loi Naquet, là encore dans un mouvement général contraire de laïcisation de la société. L’évolution du mariage porte en effet très fortement la marque de la laïcité, de l’égalité et de la liberté telles que ces valeurs ont évolué dans notre droit et dans notre société, dans une relation diachronique qui a connu parfois de très vives tensions. C’est donc dans un mouvement de laïcisation de l’état-civil, des libertés individuelles, de la société en général que le divorce sera restauré en 1884. C’est en effet au cours de cette décennie que d’autres lois de liberté individuelle, telles que la loi sur la presse, les lois relatives à la liberté d’association ou à la liberté syndicale, et bientôt la loi de séparation des églises et de l’État, vont intervenir. Le divorce sera consolidé en 1975 par le rétablissement du consentement mutuel, qui était déjà reconnu en 1792, comme d’ailleurs l’incompatibilité d’humeur. 
Le mariage, accompagné du divorce, reconnaît donc la liberté, y compris celle de ne pas se marier, et c’est la raison pour laquelle la loi reconnaît les familles en dehors du mariage et va progressivement reconnaître les enfants de ces familles. Le mariage, qui a réussi à se détacher du sacrement, va en effet se détacher également d’un ordre social fondé sur une conception patriarcale de la société, conception qui fait du mari et du père le propriétaire, le possesseur du patrimoine, bien entendu, mais aussi de l’épouse et des enfants.
Cette évolution du mariage et du divorce, qui permettra dorénavant aux couples de choisir librement l’organisation de leur vie, sera inscrite dans la loi parce que, depuis deux siècles, l’institution du mariage connaît une évolution vers l’égalité, et c’est bien ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui : parachever l’évolution vers l’égalité de cette institution née avec la laïcisation de la société et du mariage.

Cette évolution va concerner d’abord les femmes, avec la suppression de la référence au chef de famille, la reconnaissance de la communauté de vie, la loi de 1970 puis celle de 1975, qui va réintroduire le consentement mutuel. La reconnaissance des droits des femmes sera inscrite progressivement dans la loi. L’année 1970, c’était il y a à peine une quarantaine d’années, c’est-à-dire que vivent encore aujourd’hui des femmes qui ont eu besoin de l’autorisation de leur époux pour ouvrir un compte bancaire, souscrire un contrat, disposer de leur salaire et donc être reconnue comme sujet de droit.

Cette évolution vers l’égalité, qui va moderniser notre institution du mariage en reconnaissant la femme comme sujet de droit, va reconnaître aussi progressivement les droits des enfants. Par la loi de 1972, le législateur cessera d’établir une différence entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Il procédera donc à une refonte de la filiation, de façon à reconnaître une égalité des droits pour les enfants, que leur filiation soit légitime ou naturelle.
En 2000, c’est un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’arrêt Mazurek, qui contraindra la France à mettre un terme aux discriminations imposées aux enfants adultérins, et c’est seulement par une ordonnance de 2005, ratifiée par une loi de 2009, que les notions d’enfant légitime et d’enfant naturel vont disparaître de notre code civil. L’enfant devient donc également un sujet de droit.
En vous présentant aujourd’hui ce projet de loi, qui contient des dispositions ouvrant le mariage et l’adoption à droit constant aux couples homosexuels, le Gouvernement choisit de permettre aux couples de même sexe d’entrer dans cette institution et de composer une famille comme les couples hétérosexuels, soit par une union de fait, que l’on appelle le concubinage, soit par un contrat, le PACS, soit par le mariage.

C’est bien cette institution que le Gouvernement a décidé d’ouvrir aux couples de même sexe. C’est un acte d’égalité. Il s’agit du mariage tel qu’il est institué actuellement dans notre code civil. Il ne s’agit pas d’un mariage au rabais, il ne s’agit pas d’une union civile prétendument aménagée. Il ne s’agit pas non plus d’une ruse, d’une entourloupe, il s’agit du mariage en tant que contrat entre deux personnes, en tant qu’institution produisant des règles d’ordre public.
Oui, c’est bien le mariage, avec toute sa charge symbolique et toutes ses règles d’ordre public, que le Gouvernement ouvre aux couples de même sexe, dans les mêmes conditions d’âge et de consentement de la part de chacun des conjoints, avec les mêmes interdits, les mêmes prohibitions, sur l’inceste, sur la polygamie, avec les mêmes obligations d’assistance, de fidélité, de respect, instaurées par la loi de 2006, avec les mêmes obligations pour chaque conjoint vis-à-vis l’un de l’autre, les mêmes devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents et des parents vis-à-vis de leurs enfants.
Oui, c’est bien ce mariage que nous ouvrons aux couples de même sexe. Que l’on nous explique pourquoi deux personnes qui se sont rencontrées, qui se sont aimées, qui ont vieilli ensemble devraient consentir à la précarité, à une fragilité, voire à une injustice, du seul fait que la loi ne leur reconnaît pas les mêmes droits qu’à un autre couple aussi stable qui a choisi de construire sa vie.

Qu’est-ce que le mariage homosexuel va enlever aux couples hétérosexuels ? S’il n’enlève rien, nous allons oser poser des mots sur des sentiments et des comportements. Nous allons oser parler de mensonges à l’occasion de cette campagne de panique, sur la pseudo-suppression des mots de « père » et de « mère » du code civil et du livret de famille. Nous posons les mots et nous parlons d’hypocrisie pour ceux qui refusent de voir ces familles homoparentales et ces enfants, exposés aux aléas de la vie. Nous posons les mots et nous parlons d’égoïsme pour ceux qui s’imaginent qu’une institution de la République pourrait être réservée à une catégorie de citoyens. Nous disons que le mariage ouvert aux couples de même sexe illustre bien la devise de la République. Il illustre la liberté de se choisir, la liberté de décider de vivre ensemble. Nous proclamons par ce texte l’égalité de tous les couples, de toutes les familles.

Enfin, nous disons aussi qu’il y a dans cet acte une démarche de fraternité, parce qu’aucune différence ne peut servir de prétexte à des discriminations d’État. Au nom d’un prétendu droit à l’enfant qui n’existe pas, vous protestez parce que le mariage et l’adoption sont ouverts aux couples de même sexe dans exactement les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels. Autrement dit, ou bien vous nous affirmez que les couples hétérosexuels ont un droit à l’enfant inscrit dans le code civil, ou bien ce droit à l’enfant n’existe pas – et de fait il n’existe pas – et les couples homosexuels auront le droit d’adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. 
Au nom d’un prétendu droit à l’enfant, vous refusez des droits à des enfants que vous choisissez de ne pas voir. Le texte que nous vous présentons n’a rien de contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant. Au contraire, il protège des enfants que vous refusez de voir.
Les couples homosexuels pourront adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels,  selon les mêmes procédures : l’agrément sera accordé dans les mêmes conditions par les conseils généraux, l’adoption prononcée dans les mêmes conditions par le juge, conformément à l’article 353 du code civil, qui dispose que l’adoption est prononcée si elle est conforme aux droits de l’enfant. Par conséquent, vos objections n’ont pas de fondement, si ce n’est une réelle difficulté à inclure dans vos représentations la légitimité de ces couples de même sexe. Or vos enfants et petits-enfants les incluent déjà et les incluront de plus en plus. Et vous serez bien mal à l’aise lorsque, par curiosité, ils liront les comptes rendus de nos débats !
Nous avons donc décidé d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. Le mariage, comme je l’ai montré références historiques et juridiques à l’appui, a été une institution de propriété puisqu’il a d’abord servi à marier des patrimoines, des héritages et des lignées. Il a été une institution de possession puisque le mari et père avait une autorité absolue sur l’épouse et les enfants. Il a été une institution d’exclusion, nous l’avons vu : le mariage civil a mis un terme à l’exclusion des croyants non catholiques et de certaines professions, donc de toute une série de citoyens. Ce mariage, qui a été une institution d’exclusion, va enfin devenir, par l’inclusion des couples de même sexe, une institution universelle. Enfin, le mariage devient une institution universelle !
Vous pouvez continuer à refuser de voir, à refuser de regarder autour de vous, à refuser de tolérer la présence, y compris près de vous, y compris, peut-être, dans vos familles, de couples homosexuels.

Vous pouvez conserver le regard obstinément rivé sur le passé, et encore, en regardant bien le passé, y trouverez-vous des traces durables de la reconnaissance officielle, y compris par l’Église, de couples homosexuels.
Vous avez choisi de protester contre la reconnaissance des droits de ces couples ; c’est votre affaire. Nous, nous sommes fiers de ce que nous faisons.
Nous en sommes si fiers que je voudrais le définir par les mots du poète Léon-Gontran Damas : l’acte que nous allons accomplir est « beau comme une rose dont la tour Eiffel assiégée à l’aube voit s’épanouir enfin les pétales ». Il est « grand comme un besoin de changer d’air ». Il est « fort comme le cri aigu d’un accent dans la nuit longue ». 

lundi 28 janvier 2013

Le mariage pour tous et ses amendements à l'Assemblée Nationale

Demain s'ouvrent les discussions sur le mariage pour tous à l'Assemblée Nationale. Le débat parlementaire s'annonçant âpre, l'agenda de l'Assemblée prévoit des discussions journalières jusqu'au 10 février pour un vote le mardi 12 février. Il faut dire qu'avec 5 362 amendements déposés, dont 5 351 par les députés d'opposition, il va falloir du temps uniquement pour les lire. Pour information, nous sommes tout de même très loin du record d'amendements, record tenu par les députés de gauche  lors du vote sur la privatisation de GDF, où 137 662 amendements avaient été déposés !

Pour savoir en quoi consiste le travail parlementaire et comprendre comment travaille un député de l'opposition, je vous invite donc à vous rendre sur le site de l'Assemblée Nationale où tous les amendements sont en train d'être mis en ligne.

Prenons l'exemple du député-maire Jacques Bompard, membre fondateur du FN, actuellement membre de la Ligue du Sud. J'ai recensé 27 amendements (chiffre amené à évoluer au fil des mises à jour du site de l'Assemblée Nationale), avec pas mal de perles dans ceux-ci.

Tout d'abord, il va être difficile de voter tous les amendements de monsieur Bompard puisque certains demandent la suppression des articles évoquant le mariage ou l'adoption entre couples homosexuels alors que d'autres demandent une libération totale des règles du mariage. Ainsi, il est possible de lire dans les raisons des  amendements 4663, 4664, 4665, 4666, 4674 : "Le mariage doit rester l'union d'un homme et d'une femme pour rester fidèle à la réalité biologique". Pourtant, le même député Bompard a également soumis les amendements 4662, 4667, 4668 avec comme explications : "Ainsi, pour supprimer toute forme de discrimination, il conviendrait de l'étendre à toutes les formes de famille, sans distinction de sexe, d'orientation sexuelle, d'origine, de nombre, d'âge ou de lien de parenté". Dans les raisons le poussant à proposer l'amendement 4661 concernant la suppression de restrictions entre personnes voulant se marier, il argumente ainsi : "Le mariage ne serait alors plus qu'une reconnaissance sociale de l'affection qu’une personne porterait à une ou plusieurs personnes, comme le réclame d’ailleurs certains dans des revues spécialisées".

Au cas où l'un des deux types de mariage passerait, Bompard s'associe aux députés UMP pour demander la liberté de conscience des agents d'état civil (amendements 53, 55, 4671, 51 et 4670 - certains amendements de cette liste sont des doublons, mais tant que ça fait du chiffre).

Ensuite, Jacques Bompard innove. Il propose donc de supprimer l'obligation de passer en mairie et de n'autoriser que le mariage religieux (amendement 4677), il propose de faire régresser le droit français et interdire l'adoption par les célibataires (amendement 4673). Mais tout ceci n'est rien à coté de l'amendement 4672 à qui je remets la palme de l'innovation parlementaire :
ARTICLE 2
Après l’alinéa 4, insérer les deux alinéas suivants :
« 3° Il est ajouté un alinéa suivant :
« L’enfant prend automatiquement comme premier prénom le premier prénom de l’officier de l’état civil qui reçoit la déclaration ». ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à reconnaître le mérite des officiers d'état civil.
Suite à ce bref exposé où j'ai omis de parler de l'interdiction demandée de pouvoir marier un-e homosexuel-le français-e avec une personne étrangère du même sexe (amendement 4425), ou la possibilité donnée à un salarié de refuser une mission à l'étranger où les droits des femmes seraient bafouées (amendement 4423, mais je n'ai pas compris le rapport avec le sujet), je recopie la proposition de Samuel Laurent faite sur Twitter :
Pour conclure, j'aimerais bien qu'un électeur de Jacques Bompard ou de Marion Maréchal-Le Pen (qui a signé quasiment tous ces amendements) vienne témoigner dans les commentaires de ce billet. Bompard et le FN se font élire, entre autre, sur le credo des politiciens tous pourris. A la lecture de ces amendements (et je pense que ce n'est pas fini car tous ne sont pas encore mis en ligne), n'avez-vous pas l'impression d'être représenté par un guignol dont la plupart des amendements ne sont là que pour retarder le vote de la loi et donc de retarder les discussions sur d'autres lois d'importances majeures pour l'avenir économique et social de notre pays ?

dimanche 27 janvier 2013

Mariage pour tous ou fierté de tous ?

Ce dimanche après-midi je suis de nouveau descendu manifester pour le mariage pour tous. Si le 16 décembre dernier j'avais fait de même pour soutenir le gouvernement et nos députés pour que l'engagement 31 (mariage et adoption pour tous les couples) soit tenu jusqu'au bout, aujourd'hui j'ai manifesté en soutien de toutes les personnes qui se sont senties insultées depuis que le débat enflamme l'espace public. Entre la manifestation du 13 janvier pour leur refuser ce droit au mariage, certaines images dont l'utilisation est difficile à comprendre, les nombreux exemples d'insultes homophobes proférées en public, et l'exposition médiatique des antis mariage, il fallait que l'on soit nombreux homos ou hétéros, fans ou non de l'institution du mariage, pour montrer à toutes et à tous qu'en France, il n'y a pas que des archaïques réactionnaires ni que des odieux homophobes. Il y a aussi cette masse plus ou moins silencieuse, plus ou moins visible, qui a du mal à comprendre pourquoi il faut encore manifester au XXIème siècle pour que tous les citoyens aient les mêmes droits ou pour montrer qu'aujourd'hui il doit être possible de vivre sa vie sans se faire insulter par d'illustres inconnus. 

Dans deux jours, le sujet sera débattu et la loi devrait être votée à l'Assemblée Nationale. Il sera alors temps de tourner la page et laisser enfin tous les couples avoir une vie normale, stresser pour l'organisation de leur mariage et être heureux le jour de l'adoption de leur enfant.

En attendant la fin de ce débat, voici les photos de ce qui fut, je l'espère, la dernière manifestation pour le mariage pour tous.


D'autres photos de la journée chez Elooooody, Laurent (et sa superbe affiche), Apolline, Doudette, Politeeks, et surement de nombreux autres à venir...

jeudi 24 janvier 2013

Sarkozy découvre la précarité

Il s’agirait peut être de la signature du contrat de vacataire la plus médiatique de l’histoire de l’Enseignement Supérieur. Jean Sarkozy serait sur le point de devenir chargé de TD à l’Université de Créteil. Vu l’emballement médiatique suite à cette annonce, y a-t-il quelque chose à redire sur le fait que le fils du précédent Président de la République soit vacataire à l’université ?

Non, il n’y a rien à redire puisqu’il respecte à la lettre les critères d’employabilité. Il est étudiant en master, il a moins de 28 ans, il peut donc signer un contrat d’agent temporaire vacataire comme tout autre étudiant de son niveau. Pour info, il aura à peu près le même traitement que le chargé d’enseignement vacataire qui est réservé à certaines catégories de personnes ayant un emploi et cherchant à faire des heures supplémentaires.

Pourtant, il y a à redire, mais le problème est le vacatariat en lui-même. Être vacataire à l’université, c’est signer pour un statut vraiment à part, loin des contrats de PRAG, d’ATER, de maîtres de conférence, etc. C’est un type de contrat assez malsain utilisé par l’université pour offrir un contingent d’heures supplémentaires à qui le souhaite mais dont les caractéristiques ont de quoi hérisser le poil.

Un vacataire ne signe ni un CDD, ni un CDI. Il est payé à l’heure de présence et sa seule garantie de période de travail est le fait qu’il est rare de changer de chargé de TD d’un groupe d’élève en cours de semestre. Mais si l’on souhaite le remplacer ou si l’enseignant tombe malade, rien ne viendra le protéger ou l’aider.

Le vacataire est donc payé à l’heure de présence devant son groupe d’étudiants. Cela signifie donc que, contrairement à n’importe quel professeur, il n’est pas payé pour la préparation de ses cours. Il n’est pas non plus payé pour la correction des copies et des partiels dont il aura la charge. A moins qu’il n’arrive la prouesse de corriger toutes ses copies tout en animant ses TD…

Le vacataire est certes payé mais une fois par semestre ! A la base imaginé comme un complément de revenus pour professeurs ou autres salariés, le paiement en différé n’est pas trop gênant. Mais pour l’étudiant, comme notre jeune Sarkozy ou tout autre jeune, son salaire rémunérant ses 96 heures passées face aux étudiants ne sera versé que 6 mois après que le premier TD se soit passé. C'est-à-dire que Jean enseignant le droit de février à mai recevra l’intégralité de son salaire un jour entre juillet et septembre. Comment un étudiant peut-il espérer financer ses études en étant payé tous les 6 mois ?

Dernière surprise mais pas des moindres, le collectif Papera explique dans son très bon billet sur le sujet que "la rémunération des vacations n’ouvre pas des droits au chômage, ni à la retraite".
 
Jean Sarkozy va donc découvrir cette précarité où un étudiant ne sait pas s’il aura toujours une source de revenus le semestre suivant, cette précarité où le jour de versement du salaire semble se jouer à la roulette.

mercredi 23 janvier 2013

Résultat des législatives en Israël

Ce mardi, les Israéliens étaient appelés à voter pour élire leurs nouveaux députés. C'est une date que j'avais marqué depuis longtemps dans mon agenda, tant pour l'importance dans l'évolution du conflit israélo-palestinien que dans les relations avec les autres pays de la région (Liban et Iran principalement).

D'après le quotidien Haaretz, le parlement penchera très légèrement à droite. Si l'on somme les sièges des partis de droite, des nationalistes et des ultra-orthodoxes, l'aile droite remporterait l'élection mais sans aucune marge puisqu'ils ont obtenu 60 sièges, soit le même nombre que les différents partis de centre gauche et arabes.

Si l'on détaille rapidement, le Likoud de Benyamin Nétanyahou obtient 31 sièges (lui et son allié nationaliste du moment avaient 42 sièges lors de la précédente législative). Le 1er ministre sortant avait fortement axé sa campagne sur la peur de l'Iran.

En deuxième position, la surprise du jour, le nouveau parti centriste Yesh Atid qui remporte 19 sièges. Le blog du Monde "Guerre ou Paix" avait présenté ce parti comme s'adressant principalement aux classes moyennes avec un programme politique confus.

En troisième position, le bon score du Parti Travailliste qui obtient 15 sièges, soit 2 de plus qu'en 2009. Les travaillistes (membre de l'Internationale Socialiste et membre observateur du Parti Socialiste Européen) n'ont absolument pas abordé le sujet palestinien durant cette campagne, privilégiant les problèmes sociaux (chômage, logement). Traditionnellement, ils sont favorable d'une solution à 2 états.

Arrivent ensuite 2 partis bien à droite : le parti ultra-orthodoxe juif Shass et le nouveau parti ultra-nationaliste Maison Juive avec chacun 11 sièges. Pour rappel, le parti de la Maison Juive est un parti résolument anti Palestinien et prône donc l'annexion de toute la zone C en Cisjordanie (plus de 60% du territoire) et se disant les représentant des colons... Ces deux partis pourraient très bien s'entendre avec le Likoud pour former une coalition gouvernementale.

Les 2 partis arabes et le parti marxiste non sioniste Hadash obtiennent 12 sièges à eux 3. A noter l'arrivée de justesse de 2 parlementaires de la Kadima, l'ancien parti d'Ariel Sharon (de justesse car après les premières estimations, il n'y en avait aucun). Une de ses scissions, le nouveau parti de Tzipi Livni obtient 6 sièges. Les centristes de la Kadima étaient arrivés en tête en 2009 avec 28 sièges mais étaient restés dans l'opposition en refusant de former une coalition avec le Likoud. En 2012, Livni avait créé son propre parti et le Likoud avait rejoint la coalition gouvernemental.

En résumé, et sans grande surprise, Benyamin Nétanyahou devrait être reconduit à la tête du gouvernement israélien même s'il semble le grand perdant de la soirée avec des scores bien en-deça des estimations. Il devrait former un gouvernement de coalition qui penchera fortement à droite. Cette situation risque bien de ne pas faire les affaires des Palestiniens. Les grands gagnants de cette élection devraient donc être les colons qui voient leur représentation accrue à la Knesset et le leader de la Maison Juive devrait avoir une belle place dans le futur gouvernement.

Billet mis à jour le 23 janvier à 8h40 avec les résultats définitifs à 99%.

mardi 22 janvier 2013

Ces assistés qui vivent sur le dos des travailleurs

Ce matin à on réveil, j'ai eu l'occasion d'entendre l'excellent billet politique d'Hubert Huertas sur France Culture. Si le billet prend pour point de départ le plan contre la pauvreté, il célèbre la fin de la fin de la mise au ban des assistés et le retour en grâce de l'assistance, c'est sa conclusion qui m'a particulièrement plu.

On y apprend que l'Ecole de Management de Strasbourg a réalisé une étude sur les salaires des 132 patrons des plus grandes entreprises françaises. Cette étude a permis de mettre en valeur 3 points :
  1. Il n’existe pas de corrélation entre la rémunération des PDG et les performances financières de leurs entreprises.
  2. Le fait qu’une entreprise crée en interne un Comité des Rémunérations a plutôt pour effet de faire monter le salaire des dirigeants.
  3. La présence d’administrateurs indépendants au CA de l’entreprise ne garantit aucunement une modération du salaire du PDG.
Alors, pour reprendre Hubert Huerta : "d'ici à ce que l'UMP décrète que tous les patrons vivent sur le dos de la bête, il n'y a pas des kilomètres".

lundi 21 janvier 2013

50ème anniversaire du Traité de l'Élysée #Élysée50

Il y a 50 ans, le 22 janvier 1963, le président Charles de Gaulle recevait à l'Élysée le chancelier allemand Konrad Adenauer pour signer le traité de l'Élysée. 18 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, ce traité n'est pas le premier acte du rapprochement franco-allemand. Le 18 avril 1951, la France et l'Allemagne de l'Ouest, avec également l'Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, ont signé le traité fondateur de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), le traité de Paris. Le 25 mars 1957, les 6 mêmes pays ont signé le traité de Rome, dit aussi le traité de la Communauté Économique Européenne (CEE). Ces deux traités ont permis la fondation d'une communauté économique entre pays européens. Dès le traité de Paris, l'objectif était de créer les conditions d'une croissance économique et industrielle entre la France et l'Allemagne pour garantir la paix entre les deux pays. Ces deux traités sont majoritairement des traités économiques (avec un léger versant politique), il manquait donc une véritable politique de rapprochement des peuples franco-allemands, ce sera l'objectif du traité de l'Élysée.

D'après Wikipedia : "Le traité de l'Élysée fixe les objectifs d'une coopération accrue entre l'Allemagne et la France dans les domaines des relations internationales, de la défense et de l’éducation. Sur le plan politique, il établit un programme pour l'organisation de sommets militaires ou inter-gouvernementaux, afin de soutenir une coopération dans de nombreux domaines, au nombre desquels les Affaires Étrangères et la Défense." A l'issue de la signature du traité, de Gaulle et Adenauer font une déclaration commune disant entre autre qu'ils sont "convaincus que la réconciliation du peuple allemand et du peuple français, mettant fin à une rivalité séculaire, constitue un événement historique qui transforme profondément les relations entre les deux peuples."

A posteriori, ce traité a été bien plus bénéfique sur le plan éducatif et culturel que sur le plan politique. Le coté politique a été mis de coté sous la pression de l'Angleterre et surtout des USA mais pour les 40 ans du traité, il a été décidé que 2 fois par an se tiendront des conseils de ministres franco-allemands. En revanche des actions et des résultats significatifs ont été obtenus sur le plan éducatif et culturel.

La principale réussite est sûrement la création de l'OFAJ (Organisme Franco-Allemand pour la Jeunesse). L'OFAJ prône et aide l'apprentissage précoce de la langue allemande (en France) et française (en Allemagne), aide à la formation professionnelle en favorisant la mobilité dans les entreprises du pays voisin, et aide à diffuser la culture entre les pays voisins en mettant par exemple en contact des acteurs du monde de la culture avec des jeunes ou des professionnels du pays voisin. Depuis sa création en juillet 1963, cet office a subventionné 250 00 rencontres et a agit avec près de 7,5 millions de jeunes allemands et français. Pour découvrir un plus l'OFAJ, je vous invite à visiter ce magnifique site retraçant les 50 ans de l'organisme.

Autre résultat de cet accord, la mise en avant de l'apprentissage de la langue française ou allemande à l'école. Aujourd'hui, 20% des élèves allemands apprennent le français et 15,3% des élèves français apprennent l'allemand. L'allemand est la 3ème langue vivante enseignée en France et le français est la 2ème langue vivante enseignée en Allemagne. La proximité géographique aide à l'apprentissage, mais ce n'est pas la seule raison puisque l'italien en France ou le polonais en Allemagne par exemple ne sont pas à cette place. Toujours dans le domaine de l'éducation, suite au traité de l'Élysée 2 lycées franco-allemand existent en Allemagne et un en France. En 1999, un réseau d'universités françaises et allemandes a été créé.

Ce traité, sûrement un peu moins célèbre que ses deux aînés, est donc une brique fondamentale dans la construction de la paix en Europe grâce à une meilleure connaissance de son voisin. Je salue donc l'initiative des deux présidents de l'époque et je salue avec plaisir les résultats obtenus depuis, y compris les nombreuses manifestations organisées en Allemagne et en France pour fêter ce demi-siècle de coopération culturelle.

Enfin, voici une infographie réalisée pour l'occasion montrant ce lien si particulier et surement inimaginable il y a 50 ans :

vendredi 18 janvier 2013

Des sénateurs toujours aussi rétrogrades

Jeudi au Sénat s'est tenu une discussion animée et intéressante sur comment réformer le scrutin des élections cantonales pour que les élus reflètent au mieux les différences démographiques. De plus, les élections cantonales et leurs conseillers généraux qui y sont élus sont sûrement les plus mauvais exemples de parité en France. Seules 13% de femmes sont élues conseillères générales et 2 départements ont même réussi le pari de n'en compter aucune dans leur assemblée ! Le législateur avait donc deux bonnes raisons de s'attaquer à la réforme du mode de scrutin aux élections cantonales. La solution trouvée fut de diminuer par 2 le nombre de cantons mais d'élire dans chaque canton un ticket constitué obligatoirement d'une femme et d'un homme.

Ce jeudi 17 novembre, nos chers sénateurs et nos rares sénatrices ont donc débattu de cette proposition. Hélas sans trop de surprises, nous avons eu le droit à un festival de propos désobligeant sur les femmes, ce qui a légitimement énervé certaines sénatrices, dont la sénatrice socialiste de l'Oise Laurence Rossignol. Voici un petit florilège de basses déclarations entendues à la Haute Assemblée :

Eric Doligé (UDI) : "Nous avons tous deux eu le réflexe d'observer la composition du tribunal de grande instance : sur dix-huit magistrats, il y avait quinze femmes et trois hommes ! Et cette tendance ne fait qu'augmenter d'année en année. En clair, dans deux ou trois ans, nous aurons, en guise de parité, 100 % de femmes et 0 % d'hommes !
Vous le voyez, il y a beaucoup de structures dans lesquelles nous ne parvenons plus à appliquer la parité. Ce n'est donc pas la peine de voter une loi au Parlement pour l'imposer, quand on voit ce qui se passe dans nombre de secteurs importants de la société.
"

Philippe Bas (UMP) : "Mais la Constitution a été révisée dans des termes mesurés : la loi favorise – je dis bien « favorise », et non « impose » – l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives."

Jean-Claude Lenoir (UMP) : "C'est une obsession, la parité !"

Christophe Béchu (UMP) : "Demandez plutôt la parité dans le mariage !"

Hervé Maurey (UDI) : "Lorsque, sur le terrain, on explique à un élu ou à nos concitoyens que, au lieu d'avoir, comme c'est le cas aujourd'hui, un conseiller général, on aura, demain, un conseiller départemental et, en prime, une conseillère départementale, ils sont absolument interloqués et ne comprennent pas la logique de la chose."

Hervé Maurey : "Mais que l'on se batte pour que, dans une assemblée départementale, il y ait autant d'hommes que de femmes, c'est au mieux du gadget, pour ne pas dire davantage."

Hervé Maurey : "[la parité] peut conduire à une dévalorisation du rôle des femmes élues, par une répartition des tâches qui serait à leur désavantage. Le conseiller assistera ainsi aux séances du conseil général et au conseil d'administration de tel organisme, tandis que la conseillère participera aux banquets des anciens et fera du social."

André Reichardt (UMP) : "Permettez-moi de penser que, même si la parité est un souci légitime, elle ne doit pas devenir précisément une obsession."
 
André Reichardt : "Je le répète, l'obsession de la parité, même si cette dernière constitue un souci légitime, ne doit pas prévaloir, surtout quand elle est porteuse de difficultés pour le fonctionnement futur de nos institutions."

Gérard Longuet (UMP) : "Nous qui connaissons la vie provinciale, nous savons bien que, aussi discrètes que soient les femmes de province, ce sont elles qui gèrent les maisons et les budgets et qui donnent les grandes indications à leurs conjoints."

Voila un rapide aperçu de la façon dont certains sénateurs imaginent les femmes en politique. Elle sont bonnes pour conseiller leur mari après leur avoir préparer un bon repas mais elles risquent de mettre à mal le fonctionnement des institutions républicaines. Et pourquoi se battre pour la parité puisque dans certains domaines les femmes sont trop représentées ? 

Merci messieurs pour cette belle caricature du sénateur totalement hors sol.

jeudi 17 janvier 2013

Au Mali ma liberté

Cela fait 5 jours que l'armée française est en action dans le nord du Mali. Jusqu'à ce mercredi, il s'agissait de la seule force armée étrangère à se battre sur le territoire malien. Si le déclenchement des hostilités par la France a pu sembler être décidé à l'improviste, cela fait de nombreux mois que la situation inquiète la diplomatie française. Petit flashback :

Le 21 mars 2012, un putsch militaire destitue le président malien Amadou Toumani Touré. L'ONU et la Cédéao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) condamne ce coup d'état. Pendant que le capitaine de l'armée Amadou Sanogo prend le pouvoir, des touaregs aidés par des groupes islamistes, eux aussi en conflit avec l'état malien, prennent le contrôle de la moitié nord du Mali. L'ONG Human Rights Watch évoque des crimes de guerre perpétrés par les rebelles dans la région.

Le 10 avril, sous la pression de la Cédéao, le capitaine Sanogo cède son pouvoir au président de l'assemblée nationale malienne, Dioncounda Traoré.

En juillet, alors que la situation au Mali s'aggrave, une solution est recherchée sans la France mais avec les voisins africains pour essayer de remettre en ordre le sud du pays après les putschs ratés avant d'envisager une action contre le nord séparatiste. La discussion est prônée et une solution envisagée est la séparation entre le nord et le sud.

En septembre, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, soutient la demande de résolution du Mali à l'ONU. En revanche, il est opposé à l'envoi de troupes françaises mais milite pour une intervention menée uniquement par les pays d'Afrique de l'Ouest.

En octobre, l'ONU a voté une résolution pour une action militaire au Mali. La ligne française est toujours de ne pas envoyer de troupes au sol mais d'aider les pays africains et surtout le Mali à renforcer le pouvoir démocratique.

Fin novembre, le premier ministre malien Cheick Modibo Diarra est à Paris pour présenter la feuille de route d'un processus pacifique. Il est prévu de mettre en avant les discussions au sein de l'assemblée nationale malienne et d'ouvrir en parallèle des discussions entre les touaregs et les représentants de l'état malien.

Le 17 décembre, Laurent Fabius a fait un point avec le ministre des Affaires étrangères malien. Toujours à l'ordre du jour une solution démocratique avec la constitution d'un nouveau gouvernement, l'ouverture de discussions avec les touaregs indépendantistes et le rappel du besoin d'avoir une armée contrôlée par le pouvoir civil (et non l'inverse).

Le 20 décembre, l'ONU vote une résolution "autorisant pour une période initiale d’un an" le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) "afin de rétablir la souveraineté malienne sur l’ensemble du territoire". Cette résolution demande la mise en place des négociations crédibles avec les séparatistes exceptés les 2 organisations terroristes (AQMI et MUJAO). Suite à cette résolution, le premier ministre malien Diango Cissoko a réalisé une tournée dans les pays d'Afrique de l'ouest afin de mettre en place le plus rapidement possible cette force armée africaine.

Le 10 janvier, alors que les combats s'intensifient dans le centre du Mali et donc élargissent la zone de rébellion jusque là confinée au nord du pays, le président malien appelle solennellement à l'aide la France.

Le 11 janvier, François Hollande s'adresse aux Français pour annoncer que l'armée française avait commencé à agir au Mali.

Depuis, une certaine unanimité s'est faite autour de cette décision à l'exception de quelques irréductibles, principalement à gauche du PS. Si la principale critique est un retour de l'impérialisme français, j'espère que ce résumé des précédents mois a pu montré que nous en sommes loin. Je n'ai pas l'impression que nous entrions dans une phase identique à la celle de la guerre en Afghanistan. Surtout qu'aujourd'hui François Hollande a rappelé que les militaires français n'avaient pas pour mission de rester plus de 4 mois. Si par malheur la mission française n'était pas terminée au bout de ces 4 mois, la suite des opérations sera débattu au parlement français. En attendant, on annonce l'arrivée de 2000 militaires africains d'ici 10 jours ainsi que l'aide des touaregs séparatistes pour combattre les terroristes islamistes.

Je ne crois pas à une guerre contre le terrorisme mais je crois à cette mission militaire ciblée contre des groupes terroristes. Je suis de nature pacifiste mais tant que nous maintiendrons une armée de métier dans notre pays, je préfère qu'elle soit utilisée pour venir en aide aux pays qui en ont besoin et qui le demandent expressément. Pour le moment donc, je soutiens pleinement cette action militaire française.

lundi 14 janvier 2013

Alors cet accord pour un nouveau modèle économique et social ?

Vendredi dernier, peu de temps avant la fin du délai imparti pour la négociation, 3 syndicats d'employés (dont mon syndicat la CFDT, avec la CGC et la CFTC) et le MEDEF ont signé l'accord national interprofessionnel pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés.

A la lecture du texte de l'accord, j'y ai trouvé de nombreux points positifs. Tout d'abord, la taxation des contrats courts, ces CDD de moins de 3 mois, afin d'encourager les entreprises à offrir plus de sécurité aux employés. Pour continuer l'incitation à la signature de contrat à durée indéterminée, les entreprises embauchant en CDI des jeunes de moins de 26 ans auront une exonération des cotisations patronales d'assurance chômage pour les 3 premiers mois qui suivent la fin de la période d'essai du jeune employé. Seul point d'ombre sur le sujet, les contrats d'interim sont exonérés de la majoration des cotisations.

Deuxième point positif de l'accord, la généralisation de la couverture par une complémentaire santé de tous les salariés. Certes cela va encore une fois favoriser les entreprises privées qui s'enrichissent sur la santé des salariés mais aujourd'hui et vu l'état des finances de la Sécurité Sociale, j'ai tout de même l'impression que cette solution va principalement dans l'intérêt du salarié.

Troisième point, le nouvel encadrement du travail au temps partiel. La durée minimale d'activité hebdomadaire passe de 20h à 24h avec des dérogations pour les jeunes qui ont un emploi en parallèle de leurs études ou pour les personnes qui chercheraient un emploi en complément de leur premier emploi à temps partiel. En plus, dès la première heure supplémentaire de la durée d'activité hebdomadaire, la rémunération horaire sera augmentée de 10 à 25%.

En plus de ces 3 points principaux, je pense que l'on peut aussi se féliciter d'accords sur la formation avec l'amélioration du compte personnel de formation pour qu'il puisse suivre le salarié tout au long de sa vie active, sans le pénaliser en cas de changement d'employeur. Toujours dans la formation, l'assouplissement de l'accès au Congé Individuel de Formation (CIF) pour les jeunes de moins de 30 ans en CDD. Enfin, dernière bonne nouvelle, une prime de 1000€ viendra aider les personnes en contrat de sécurisation professionnel.

Pour finir, et car j'ai bien conscience que mon point de vue est loin d'être partagé, je vous invite à lire le billet complet de Gérard Filoche qui explique avec de nombreux détails pourquoi il est contre cet accord. 

Personnellement, je reste convaincu que nous avons assisté à quelque chose d'assez exceptionnel.  Cette négociation a réuni différentes parties qui n'avaient pas les mêmes objectifs. Le simple fait de la tenue de cette négociation a marqué une grande avancée pour la démocratie sociale, et un tournant dans la façon d'aborder les réformes sur le monde de l'entreprise. Le fait que cette négociation ait abouti à un accord signé par la majorité des participants, mais pas l'unanimité, est aussi un grand pas en avant. Il restera toujours des déceptions, mais si l'avis de chacun n'avait pas été écouté et si certains points qui ne figurent pas dans l'accord étaient ajoutés hors négociations, alors cette négociation n'aurait servi à rien, les différentes organisations syndicales perdraient confiance dans la politique du gouvernement et l'on reviendrait au quinquennat précédent où les syndicats de salariés étaient à peine consultés et jamais écoutés.

13 janvier 2013, le 1er flop de l'année

Recommandations pour les manifestants
Ils sont venus, ils ont vu, ils ont perdu. Ce devait être LA manifestation de droite, la digne héritière de la manifestation du mouvement de l'école libre qui avait réuni le 24 juin 1984 entre 560 000 (selon la police) et 2 millions de manifestants (selon les organisateurs). Ce dimanche, la manifestation pour tous n'a réuni qu'entre 340 000 (selon la police) et 800 000 selon les organisateurs.

Même si l'on se base sur le chiffre des organisateurs, 800 000 participants n'est pas un si bon chiffre qu'il ne paraît à prime abord. Tout d'abord, cette manifestation n'était pas un défilé parisien mais un rassemblement national. Contrairement aux mobilisations contre la réforme des retraites par exemple, ce dimanche il n'y avait qu'un seul et unique cortège alimenté par des Français venus des six coins de l'hexagone. Pour rappel, lors des manifestations contre la réforme des retraites, 2 millions de Français étaient descendus dans les rues.

De plus, on a pu voir dans le cortège un grand nombre d'enfants venus avec leurs parents. Sans vouloir m'offusquer sur le procédé de mise en avant d'enfants qui n'ont rien demandé, je ne peux que remarquer que leur présence participe à un gonflage artificiel du nombre de manifestants. Quand la droite était au pouvoir, ils critiquaient les cortèges de lycéens manifestant contre certaines réformes, il semblerait donc que pour certains hommes politiques de droite un enfant de 5 ans sachant à peine lire est plus à même à critiquer une politique qu'un lycéen éduqué… Pour ces jeunes manifestants, j'imagine déjà certains d'entre eux racontant avec malice cette expérience lors du repas célébrant leur union avec une personne du même sexe qu'eux dans une vingtaine d'années. 

Enfin, y a-t-il eu vraiment 800 000 manifestants ? Une fois n'est pas coutume, ne faut-il pas se tourner vers la police pour avoir un chiffre vraisemblable ? En effet, Ivan Villa sur son blog met en parallèle 2 photos du Champs de Mars. La 1ère date de l'été 1997 quand 500 000 jeunes cathos s'étaient réunis pour écouter le message d'amour universel du Pape Jean-Paul II. La seconde a été prise aujourd'hui (vers 17h30 ?) pour montrer l'affluence des manifestants réunis contre la célébration civile de l'union de deux êtres qui s'aiment. Les images parlent d'elles-mêmes. Même si tous les cortèges n'étaient pas encore arrivés, nous sommes bien loin des 500 000 de 1997 et donc encore plus loin des 800 000 manifestants annoncés.
A gauche les JMJ en 1997, à droite la manif pour tous en 2013

La manifestation pour tous s'est donc finie comme étant le premier flop de l'année 2013. A droite, les organisateurs découvrent qu'il n'est pas simple de motiver ses troupes pour manifester contre l'envie de bonheur et d'égalité d'une partie de la population. Jean-François Copé qui avait inclus dans son projet pour l'UMP la mobilisation populaire contre les projets de loi du gouvernement doit lui aussi déchanter. Il n'a pas réussi la belle photo de famille en tête du cortège puisque ni François Fillon et François Baroin pour la famille filloniste, ni Luc Chatel et Jean-Pierre Raffarin pour les copéistes, ni Bruno Lemaire et Nathalie Kosciusko-Morizet pour les non-alignés n'ont souhaité participer à la manifestation.

Pour finir ce billet, je vous encourage à lire ce texte de Gularu publié chez Jegoun. Il s'agit d'un des plus beaux plaidoyers pour le mariage pour tous lu depuis longtemps.

mercredi 9 janvier 2013

Un avenir pour les biens culturels ?

Image issue de franceinfo.fr
Avis de mauvais temps sur la culture. Non, ce n'est pas le départ de Gérard Depardieu ou de Jean-Michel Jarre qui m'inquiète mais l'avenir des "dealers" de culture, ces fournisseurs d'une autre époque qui n'ont pas réussi à prendre correctement le virage du numérique. Ce mercredi, Virgin Megastore va déposer le bilan. 19 des 26 magasins n'auraient pas réussi à payer leur loyer pour le dernier trimestre de l'année 2012. Avant ce naufrage en grande pompe, de nombreux disquaires et libraires indépendants ont déjà du baisser leur store sans fleur ni couronne (comme la librairie Charlemagne dans le 4ème arrondissement en juillet dernier).

Le premier suspect est assez facile et sert même d'alibi parfait aux victimes : internet ! Itunes, Amazon, le téléchargement illégal, voici les principaux accusés. Après les avoir accueilli à bras ouverts, les voyants comme les sauveurs d'une profession déjà sur le déclin, ils ont réussi à redonner un coup de fouet au marché des biens culturels. A présent, avec leur position dominante sur le net, on les accuse de ne laisser que des miettes aux acteurs "historiques".

Deuxième suspect, les gros revendeurs eux-mêmes. Je ne suis pas persuadé qu'ils aient eu beaucoup de pitié à leur installation envers les petits indépendants présents avant eux. Les mastodonte de la vente de biens culturels sont arrivés, ont profité de nombreux cadeaux difficilement applicables aux petits commerçants, comme le droit à l'ouverture le dimanche ou la remise de 5% sur les livres par exemple. Aujourd'hui, le gros poisson est en train de se faire manger, entre autre car il n'a pas réussi à s'adapter à son nouveau milieu. Virgin a commencé à vendre de la musique en téléchargement en 2004 et n'ont jamais (à ma connaissance) ouvert de magasin en ligne, à la différence de la Fnac. Pire, alors qu'un livre ou un cd acheté dans un de leur magasin peut être prêté, échangé, revendu, leurs produits numériques sont attachés à une seule personne, voire à un seul appareil électronique, là où ils auraient pu se démarquer des géants américains mondialement critiqués pour leurs systèmes ultra-verrouillés. On justifie régulièrement les salaires mirobolants des patrons par leur prise de risque et leur vision à long terme. Force est de constater que ce ne sont pas les choix les plus judicieux qui ont été appliqués par le fonds de pension Butler qui gère la maison Virgin France...

Troisième suspect, le client. Que vaut un cd ? un film ? un livre ? Pourquoi payer pour quelque chose que l'on trouve gratuitement ? Après un rapide sondage dans mon entourage, de plus en plus rare sont ceux qui achètent des cd pourtant la quasi totalité écoute de la musique à un moment de la journée... Dans un  comportement que je ne comprends pas, il semble naturel de dépenser 1 500€ dans une télévision, 500€ dans un téléphone qui permet d'écouter de la musique mais il semble difficilement imaginable de payer plus de 15€ par mois pour avoir accès à de la musique en illimité... Mais toute la chaine musicale a besoin de vivre, donc aujourd'hui les prix se sont reportés sur les concerts (177,50€ pour Leonard Cohen, 22€ pour 77 Bombay street, 2 exemples de concerts parisiens en 2013). Si le client ne visualise pas qui se cache derrière la production de son cd, il voit son artiste en vrai, et ça, ça n'a quasiment pas de prix (et je suis bien placé pour en parler vu mon budget concerts annuel...). Mais le public commence déjà à bouder ces tarifs exorbitants, quelle sera la prochaine mesure palliative ?

Trois suspects donc, mais combien de solutions ou à minima de propositions ? Un exemple, le retour à la bonne vieille méthode de l'union fait la force. Aujourd'hui 800 libraires indépendants se sont regroupés sur le site LaLibrairie.com, offrant ainsi à leurs clients un catalogue bien plus vaste que ne peux leur offrir leur simple boutique tout en gardant ce contact humain si indispensable, ou un simple inventaire des stocks disponible chez près de 300 libraires comme le propose le site Place des libraires. Une autre solution, le retroussage de manches et l'espoir que la roue tourne en leur faveur un jour, comme par exemple les excellents Thomas Howard Memorial qui arpentent les salles de concerts de France et de Bretagne (ils seront au Chinois à Montreuil le 23 janvier), enchainent les tremplins (comme celui des Inrocks en 2012), et mettent en libre écoute leurs nouveaux morceaux sur le web. 

Hélas, je ne pense pas que la solution se trouvera dans un de ces exemples. Un nouveau modèle est à inventer qui arrivera à mélanger le physique et le dématérialisé, un système qui réussirait à laisser une part conséquente à la masse de ces petits (commerçants, artistes, techniciens) qui vivent aujourd'hui à l'ombre des géants aux pieds d'argile.