Certains députés ont des combats nobles, d'autres plus farfelus. Le 26 juin dernier, le député-maire d'Yerres, Nicolas Dupont-Aignan, a déposé une proposition de loi d'une extrême importance puisqu'elle vise à modifier le statut juridique du cheval. En réalité, cette idée n'est pas neuve et déjà en 2010 des députés français avaient déposé un texte allant dans ce sens.
Que demande cette loi ? Aujourd'hui, le cheval est considéré comme un animal de rente et non comme un animal de compagnie. Cette distinction a des impacts aussi bien sur la fiscalité que sur la possible fin de vie du cheval. En tant qu'animal de rente, le cheval est actuellement soumis à la TVA agricole. Cela signifie que si un professionnel décide d'acheter un cheval, le taux de TVA à appliquer sera au taux de 5,5%. Mieux, si un particulier décide d'acquérir le même cheval, il ne devra payer une part de TVA ne s'élevant qu'à 2,1%. En devenant un animal de compagnie comme tout chat, chien ou poisson rouge, le taux de TVA lors d'échanges commerciaux passera à 19,6%. Alors Nicolas Dupont-Aignan aurait-il pour nouveau cheval de bataille d'aider le gouvernement socialiste à renflouer les caisses de l'Etat ?
A lire la proposition de loi de NDA, difficile de croire à l'excuse du taux de TVA puisqu'il n'y en a aucune mention... En revanche il semblerait que le combat se tourne plus vers l'interdiction de mener les chevaux à l'abattoir et par conséquent l'impossibilité de retrouver la viande équine sur les étals des boucheries.
Si je peux comprendre que certaines personnes refusent de manger du cheval, comme d'autres refusent de manger du lapin ou toute forme de viande, ce n'est pas une raison d'en priver toute la population. Surtout qu'avec cette proposition de loi, Nicolas Dupont-Aignan attaque frontalement un secteur économique dont la santé est précaire.
La filière équine emploie 45 000 personnes en France et a peur pour son avenir. Il ne reste que 800 boucheries chevalines en France mais de nombreuses risquent la fermeture définitive faute de repreneur (et vu l'âge de nombreux bouchers, ce problème est d'actualité). Nicolas Dupont-Aignan souhaite-il donc la fin d'un secteur économique pour les beaux yeux d'un cheval ?
Pire encore, en voulant empêcher l'abattage des chevaux et la commercialisation de leur viande, il met aussi en péril l'avenir de certaines races et l'équilibre économique de certains éleveurs. En effet, maintenir en vie un vieux cheval de course coûte cher, environ 500€ par mois pendant toute la durée de sa retraite et près de 1500€ pour la fin de vie (piqûre et incinération). Dans ces conditions, autant arrêter les frais et même gagner un peu d'argent en vendant le cheval à un abattoir.
Certaines races ont également remis aux mains de la filière agro-alimentaire leur avenir. En 2010, un éleveur de poulains du Nord expliquait qu'il était obligé de vendre 60% de ses poulains tous les ans pour garantir la bonne santé de son élevage. En n'entravant pas la vente de cheval et même mieux en n'encourageant la vente de viande de poulains, tout le monde serait gagnant, le consommateur qui pourrait consommer français tout en diversifiant son alimentation (et aussi économiser quelques euros), les bouchers qui verraient leur métier valorisé et ainsi augmenter leur chance de trouver des repreneurs et enfin les éleveurs qui auraient des sources de revenus plus sures pour développer leurs activités.
Nicolas Dupont-Aignan, au lieu d'essayer de séduire les membres de la Fondation Brigitte Bardot, vous devriez sortir de votre ville et essayer de comprendre comment fonctionne le monde qui vous entoure. Le moindre morceau de steak de cheval proposé dans une boucherie implique de nombreuses entreprises françaises. Ce sont ces entreprises qui ont besoin de votre soutien, pas les fans de l'ex icône des années 70.
Pour finir, et comme le dit le grand dresseur de chevaux Bartabas : « Si vous aimez le cheval mangez en ! »