vendredi 31 octobre 2014

Bigmagouilles, pas d’embrouille que de la bêtise ?

Je viens de finir le livre-enquête de Violette Lazard (journaliste à Libé) sur l’affaire Bygmalion. Si ce n’est pas le livre de l’année, il n’en reste pas moins un témoignage accablant sur la façon de faire de la politique à l’UMP. Ce n’est pas un livre qui contient d’incroyables révélations. La plupart des pépites du livres soit sont déjà parues dans des articles de presse (notamment de la part de Violette Lazard dans Libé), soit ont fait l’objet des bonnes pages pour faire la réclame de l’ouvrage. Mais si aucun scoop ou presque n’est à se mettre sous la dent, l’ouvrage n’en reste pas moins un résumé, ou plutôt une compilation, de toute l’affaire Bygmalion. Le tout mis bout à bout donne le tournis !

Ce livre vaut le coup d’être lu pour le récit de l’organisation interne de la campagne de Nicolas Sarkozy, ou plutôt la désorganisation permanente. Aucun plan de campagne, aucun agenda ne semble avoir été préparé. Nicolas Sarkozy y est présenté comme étant sûr de ne faire qu’une bouchée de François Hollande et donc ne souhaitant pas, initialement, faire trop d’effort pour faire campagne contre le candidat socialiste. Son entrée en campagne électorale est décrite comme précipitée et non préparée (comme son entrée en campagne interne à l’UMP actuellement ?). Son dispositif de campagne est quant à lui décrit comme un assemblage d’amateurs. Par exemple, Guillaume Lambert, préfet de son état, se retrouve propulsé directeur de campagne de Sarkozy sans jamais avoir participé à l’organisation d’une campagne auparavant.

Quand on lit l’organisation des différents meetings, on y retrouve les plus grands travers d’un Nicolas Sarkozy toujours plus « bling bling ». Chacun des meetings, du plus petit comme à Rueil Malmaison au plus grand comme celui de la place de la Concorde est géré comme un concert de rockstar. La journaliste a interviewé plusieurs experts pour faire analyser les véritables factures et les images des meetings pour contrôler qu’aucune surfacturation n’aurait pu être réalisée. Mais non, tout semble réglo, et c’est peut-être de qui est le plus scandaleux dans cette histoire ! En résumé, chaque meeting du candidat Sarkozy ressemble à l’organisation d’un show des Stones ou de Beyonce. Les barrières vauban utilisées pour contenir la foule sont toutes recouvertes de moquette bleu roi pour paraître moins clivantes, la vidéo et le son ont été les premiers postes de dépense du candidat qui se vantait durant la campagne d’avoir des retours digne d’un artiste se produisant sur la scène du Stade de France. L’éclairage des salles était démesuré, l’installation des loges totalement inadaptée pour un meeting politique. Quand la journaliste s’attarde sur l’organisation des événements, elle s’étonne que l’UMP n’ait jamais fait appel à la force militante pour réduire les coûts. Toute la main d’œuvre est constituée de professionnels qui ont donc un coût bien supérieur à des permanents de l’UMP. Sur les grands meetings, on pouvait trouver un régisseur principal, deux régisseurs adjoints, un adjoint au régisseur adjoint, un régisseur dit « spare » en cas d’absence non prévue d’un régisseur et 40 employés. D’après les professionnels de la profession, c’était du jamais vu !

Autres détails qui ont fait la joie de tous les sous-traitants, aucune mise en concurrence, aucune négociation n’a eu lieu sur les devis proposés. Tout était accepté rubis sur l’ongle (et vu les prix, le terme rubis est vraiment adapté). Certains sous-traitants ont du faire leur chiffre d’affaire d’une année en 3 mois de campagne électorale. Il fallait des écrans vidéo disséminés dans toutes les salles de meeting, même dans les coulisses. A chaque fois, c’est le nec plus ultra de la technologie qui est installé. Comme l’organisation se fait toujours en urgence, certains meetings sont annoncés et les contrats signés 2 ou 3 jours avant qu’ils aient lieu, ce qui participe également à la flambée des prix.

A la lecture de Bigmagouilles, ce n’est pas le principe de fausse facture qui choque, ce n’est pas le copinage (voire l’intime proximité) entre les dirigeants de Bygmalion et le président de l’UMP qui dérange, ce n’est pas non plus la drôle de gestion d’Event & Cie, la filiale de Bygmalion en charge de l’organisation des meetings, qui surprend, mais c’est l’impression que dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, personne n’a de notion du monde réel. C’est le mode de défense de tous les acteurs de la campagne de 2012 : « nous ne savions pas, nous pensions que c’était normal ». C’était la 2ème campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, l’UMP a dans ses rangs de nombreuses personnalités qui ont été actives en 2007, 2002, 1995 et même avant, et aucune n’aurait été appelée pour aider à l’organisation de cette campagne électorale ?
Nicolas Sarkozy se vante d’être quelqu’un de responsable. Violette Lazard le rappelle en préambule de son ouvrage. A l’époque de l’affaire Société Générale – Jérôme Kerviel, Sarkozy a eu la tête du PDG de la banque en expliquant qu’un dirigeant se devait d’assumer ses responsabilités en cas de crise majeure :

"Je ne comprends pas l'affaire de la Société générale: quand le président d'une entreprise connaît un sinistre de cette ampleur et qu'il n'en tire pas les conclusions, ce n'est pas normal"

A la fin de l’ouvrage, il reste en tête un étrange goût de s’être fait voler depuis bien plus longtemps que sur la durée de la campagne présidentielle. Je ne peux m’empêcher de me dire que ce rythme de dépenses pour 3 mois de campagne électorale doit correspondre au rythme de vie de l’ancien président avant qu’il ne se lance officiellement dans la course à sa propre succession. L’anecdote du buffet de truffes lors du meeting de Nice entre les deux tours de l’élection présidentielle est surement la meilleure illustration que Nicolas Sarkozy et ses proches ont bien pris les Français pour des truffes.

jeudi 30 octobre 2014

La simplification, c'est aussi ne plus avoir à dire non

Le gouvernement a présenté de nouvelles mesures pour simplifier les démarches administratives et ainsi économiser des milliards d’euros de travail superflus. La principale mesure annoncée est le silence valant accord. Dans les slogans, l’idée est assez proche des slogans utilisés dans les campagnes contre le viol. Voici les deux en images :
 


Plus sérieusement, cela fait déjà 18 mois que le gouvernement agit pour simplifier la vie des entreprises, des individus et du fonctionnement de l’Etat. La notion de choc de simplification n’est pas usurpée puisque les mesures appliquées ces 18 derniers mois ont déjà fait économiser 2,4 milliards d’euros à l’Etat. Pour fêter la bonne réussite de cette quête de simplification, le gouvernement a annoncé 50 nouvelles mesure, axés autour de 3 axes :

Faciliter et accélérer les projets d’aménagement et de construction en prenant un ensemble de mesures applicables dès 2015 pour gagner du temps à chaque étape du processus : délivrer plus rapidement les permis de construire, gagner du temps en unifiant les études d’impact et les évaluations environnementales, simplifier le règlement du contentieux

Faciliter l’embauche et la formation en rendant plus souple les conditions d’apprentissage (comme supprimer l’interdiction de travailler en hauteur), en réduisant les délais d’instruction des prud’hommes dès le 1er semestre 2015 et en facilitant les recrutements via Pole Emploi

Simplifier la vie des entreprises en dématérialisant tous les formulaires, en créant une déclaration fiscale simplifiée, en allégeant les obligations comptables des micro-entreprises.
Dans ce lot de nouvelles mesures, il y a aussi la suppression de règles devenus totalement obsolètes. Par exemple, la 50ème mesure consiste à supprimer l’obligation de prise péritel sur les télévisions.

mercredi 29 octobre 2014

On ne devrait pas mourir pour ses idées

Le week-end dernier a encore été émaillé par les manifestations contre le projet de barrage de Sivens. Cela fait plusieurs semaines que l’on en parle rapidement dans les journaux, sans trop s’appesantir sur le sujet. Jusqu’au week-end dernier, ce n’était pour moi qu’un autre combat d’alternatifs écolos, un peu comme celui contre l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ou contre le TGV Lyon-Turin. Mais le week-end dernier un jeune militant écologiste est décédé, mettant bien plus en lumière le projet du barrage de Sivens.

Ce barrage est un grand chantier mis en place depuis 2005 par le Conseil Général du Tarn. Le département souhaite créer de grandes retenues d’eau pour aider à l’irrigation de cultures intensives fortement consommatrices en eau. Car contrairement à ce qu’explique Luc Chatel, ce n’est absolument pas un projet de barrage hydroélectrique, mais bien une installation qui a pour but de venir en aide aux professions agricoles locales. Le week-end dernier, Rémi Fraisse et de nombreux autres militants écologistes engagés, étaient donc sur place pour continuer leur combat contre le début des travaux associés aux barrages. Ce combat, du peu que j’en sache, semble juste. Pour aider une agriculture non raisonnée, il faudrait mettre à mal tout un écosystème. On est loin de l’image de l’agriculteur qui sent et vit sa terre au jour le jour. On est dans l’exploitation agricole de masse, les « big company » en quête de rendement, de productivisme et de retour sur investissement. Peu leur importe de cultiver des produits locaux, adaptés au climat et aux contraintes géographiques. Dans ce sens, le combat de Rémi Fraisse est louable et doit être salué.

En parallèle, on peut s’interroger des motivations du président socialiste du département du Tarn. Pourquoi s’acharne-t-il à vouloir mettre en place ce projet ? Si en novembre 2012 une enquête publique donne un avis favorable sous réserve d’un avis scientifique favorable, tous les autres avis seront négatifs. En décembre 2013, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel rend un avis défavorable. Quelques mois plus tôt, c’était le Conseil National de la Protection de la Nature qui émettait deux avis négatifs. Cette semaine, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable publiait un rapport commandé par le Ministère de l’Ecologie, lui aussi négatif mais fataliste sur un possible arrêt du projet vu l’état d’avancement des travaux et des engagements pris. D’après ce rapport, le projet ne profiterait qu’à 40 exploitations agricoles mais couterait 8,4 millions d’euros et impacterait 34 hectares de terrain. D'après ce rapport, l'état serait incapable d'intervenir sur le projet et seul le département serait responsable.

Le week-end dernier, certains  opposants au projet ne se sont pas conduits comme de simples opposants pacifistes faisant de la résistance passive mais ont volontairement cherché le combat. D’après les récits des événements, ils ont voulu forcer l’accès aux locaux du chantier et se sont violemment opposés aux forces de l’ordre présentes. Ces dernières auraient utilisées les traditionnels gaz lacrymos et des grenades assourdissantes pour se défendre d’attaques à base de jets de pierre et de jets de cocktails molotov. C’est dans ces combats nocturnes que Rémi Fraisse serait mortellement touché.

Contrairement au Président du Conseil Général du Tarn, je ne dirais pas qu’il est stupide de mourir pour ses idées. En revanche, aujourd’hui, en France, on ne devrait plus mourir pour elles. Rémi Fraisse n’est pas une victime d’une quelconque dictature ou d’un état policier. D’ailleurs le ministre de l’Intérieur a annoncé lancer une enquête sur les conditions de sa mort et sur les conséquences à tirer (une interdiction de l’emploi de certaines grenades ?). Aujourd’hui en France, nous avons tous les moyens de discuter, de débattre. Quand certains comme le président du Conseil Général du Tarn s’entête, alors il existe la contestation du terrain comme le font depuis des mois les opposants au barrage. La violence de certains opposants ne peut pas être considérée comme une opposition respectable, mais avouons que sans celle-ci, le projet du barrage de Sivens n’aurait jamais eu une mise en avant nationale et serait resté comme un sujet ultra-local (bien plus qu’une ligne à grande vitesse entre l’Italie et la France ou qu’un aéroport international).

jeudi 23 octobre 2014

Que pèse Manuel Valls ?

Que pèse Manuel Valls ? Ce pourrait être une question d’un magazine féminin pour un numéro d’été. Le top 10 des ministres qui font attention ou pas à leur ligne. C’est aussi la question qu’on entend souvent chez les opposants de Manuel Valls. La réponse suit souvent la question, tel un Karamazov ivre dans la Cité de la Peur : « Rien ». Les arguments des opposants de Manuel Valls sont toujours les mêmes. L’homme n’a jamais été à la tête d’une motion à un congrès. Pire, l’homme n’a obtenu que 5,61% des 2,6 millions de bulletins déposés dans les urnes du premier tour de la Primaire Citoyenne organisée par le Parti Socialiste. Ce qui le disqualifierait d’office d’après ses détracteurs.

Rappelons qu’en octobre 2011, la question était surtout de savoir qui était en mesure de représenter au mieux la Gauche (ou au moins le PS et ses alliés du PRG) pour aller au combat face à Nicolas Sarkozy. Le vote des primaires, basé comme une grande partie des élections françaises, sur un scrutin uninominal ne permettait pas de définir un ordre de préférence. Dans ce contexte, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Jean-Michel Baylet étaient attendus comme largement perdants. Montebourg s’en sorti plus qu’honorablement, Valls et Baylet ont fait un score attendu. Mais les 5,61% de voix de Valls ne signifient en aucun cas que 94,39% des sympathisants de gauche ne veulent pas de l’homme, tout comme les votes pour Ségolène Royal n’étaient pas tous des votes sanctions contre son ex compagnon ou contre sa rivale du congrès de Reims. En 2011, la question posée aux électeurs était uniquement « qui souhaitez-vous comme candidat à l’élection présidentielle de 2012 ? » et non « qui souhaitez-vous comme 1er ministre » ni « qui souhaitez-vous comme secrétaire du PS ? ».

En parallèle à ces questions théorique sur le poids des sauveurs ou des bourreaux, les militants socialistes travaillent, réfléchissent et débattent sur le sens qu’ils veulent donner à leur parti. Ils contribuent en nombre à cette grande consultation que sont ces Etats Généraux du PS. Martine Aubry y a participé en déposant une contribution aux allures d’introduction à une motion de congrès. Manuel Valls y participe à sa façon en décrivant sa vision et ses souhaits pour l’avenir de son parti (cette maison commune des progressistes). Les deux devraient pouvoir débattre et échanger sereinement (comme tous les autres militants), d’autant plus que cette notion de « maison commune » était déjà évoquée par Martine Aubry en 2009.
Hier déjà les militants ont travaillé, réfléchi et débattu. Demain encore ils travailleront, réfléchiront et débattront toujours sur leur parti, sur son socle idéologique, sur sa trajectoire. Ces débats se finiront par une synthèse, comme c’est normalement le cas en fin de consultation dans le cadre d’états généraux. Lors d’un congrès, nous aurons peut-être une vision de qui pèse combien au sein du PS. Dans ce cas, attention toujours aux interprétations. Lors du congrès de Toulouse, Manuel Valls, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Martine Aubry, Pierre Moscovici et les autres étaient tous dans la même écurie, la même motion et donc pesait tous le même poids.

Et pourtant, ceux qui répondent « rien » à la question sur le poids de Manuel Valls ont raison. Comme Benoît Hamon, Martine Aubry, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, il ne pèse rien qui vaille que l’on se batte entre nous. Ce matin, certains annonçaient une nouvelle fin programmée du PS du fait de ses divergences internes. Le PS n’est pas un parti de chef unique tout puissant au dessus de ses militants comme on peut le voir ailleurs. Le PS est un parti de débat où tout le monde peut s’exprimer, où tout le monde pèse le même poids dans un débat. Ce qui pèse le plus aujourd’hui, c’est l’ambiance de politique spectacle alors que ce qui devrait peser le plus devrait être la masse de travail déjà abattue depuis fin août autour de ces Etats Généraux du Parti Socialiste.  

mercredi 22 octobre 2014

Construisons une maison commune des forces de progrès

Cambadélis et Bennahmias au lancement du Front Démocrate
Photo de Bruno Levy
Manuel Valls s'offre une nouvelle sortie remarquée dans le Nouvel Obs ce jeudi. Il ressort son habituelle ritournelle du besoin de changer le nom du PS et explique qu'il souhaite "bâtir une maison commune" de "toutes les forces progressistes". Evidemment, comme à chaque fois, il s'attire les critiques de ses opposants habituels au sein du PS, qui ne retiendront que le souhait de changer de nom son parti alors qu'il est surement plus intéressant de s'intéresser à cette nouvelle maison commune.

Manuel Valls n'est pas le seul à vouloir regrouper les "forces progressistes", par opposition aux forces conservatrices de nos amis de l'opposition de droite. Robert Hue, dans son intéressant dernier ouvrage "Les partis vont mourir... et ils ne le savent pas", explique qu'il appelle de ses voeux à sortir des directions pyramidales des partis pour créer des mouvements plus libres, plus proches des citoyens. Il explique cela en se basant sur son expérience personnelle à la tête du PCF et avec la création de son Mouvement Unitaire Progessiste (allié du PS aux présidentielles, législatives et municipales). Jean-Luc Bennahmias, avec son nouveau Front Démocrate, cherche à créer la même dynamique. Je ne peux qu'être d'accord avec eux. La Gauche ne réussit (à gagner des élections ou à gouverner sereinement) que lorsqu'elle est unie. Au contraire, et logiquement, elle perd quand elle part en ordre dispersée. Ce n'est pas la peine de rappeler le nombre de candidats de gauche le matin du 21 avril 2002 et le nombre de candidats de gauche qualifié le soir même, ni même la peine de rappeler les déconvenues, les mauvais stress, et les gueules de bois de lendemain de municipales là où les forces progressistes comme on les appelle aujourd'hui se sont affrontées. On peut toujours faire le pari du rassemblement à la veille du second tour, à condition de gagner le pari de passer le premier tour.

Sans remettre en cause le débat d'idées, il peut être salutaire de retrouver un mouvement commun qui rassemblerait Europe Ecologie-Les Verts, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, le Mouvement Républicain et Citoyen, le Parti Radical de Gauche, Nouvelle Donne et où tous se retrouveraient autour d'un socle d'idées communes, toutes axées autour de la notion de progrès pour tous les citoyens.
Comme le préconise Robert Hue, ce mouvement progressiste ne doit pas être l'exclusive propriété des partis politiques et doit aussi accueillir les syndicats et les associations se battant pour les mêmes objectifs. Aujourd'hui, le PS comme ses alliés de gauche pratique déjà l'ouverture (comme avec Edouard Martin pour les municipales). Hélas cette ouverture ne se retrouve que trop rarement dans le processus d'élaboration programmatique et encore plus dommageable, ces ouvertures font toujours du tumulte en interne (et donc également à l'extérieur) car cela fait toujours tant de places en moins pour les militants souhaitant quelques sièges.

C'est là où les initiatives de Bennahmias et Hue sont intéressantes. En se positionnant en dehors du spectre des partis, ils appellent à la concertation et au travail en commun pour réussir à élaborer une base commune, des fondations nécessaires à la "maison commune des forces progressistes". On retrouve l'idée du programme commun de François Mitterrand, on retrouve l'idée de base de la Gauche Plurielle de Lionel Jospin (avec Robert Hue d'ailleurs). L'avantage et l'inconvénient d'une maison des progressistes est de gommer l'évocation à la Gauche. C'est un avantage qui permet de toucher un plus large horizon de Français, en acceuillant ceux du Centre qui ne se retrouve pas dans les positions de leur allié UMP, en s'ouvrant aux syndicats et aux associations qui veulent faire avancer mais qui ne veulent pas être affilier à un parti ou à un autre. Ca a l'énorme inconvénient de froisser une partie de la gauche de la gauche, toujours prête à un procès de gauchitude. 
Remarquons que ce que Jean-Luc Mélenchon essaye de créer (et de s'accaparer) avec son Mouvement pour la 6ème République suit exactement le même chemin : fin de l'étiquette de gauche dans le nom, mouvement officiellement au-dessus des partis (même si pour le moment il semble noyauter par le PG) pour un rassemblement de personnes le plus large possible et au delà des traditionnelles étiquettes.

Benoît Hamon et Martine Aubry critiquent d'une même voix le gouvernement pour prendre position sur l'échiquier de la Gauche et être vu en tant que possible recours. Mais à force de hurler à la mise à mort de la gauche, ils doivent faire attention à ne pas en devenir les bourreaux. Quel message peuvent-ils passer quand ils s'insurgent contre un gouvernement qui met en place une transition énergétique bien plus ambitieuse que tout grenelle environnemental, qui met en place les actions de groupe pour le bien de tous, ou qui s'est battu pour un véritable mariage pour tous. Les postures sont habituelles au sein du PS et les militants ont appris à faire avec (depuis la nuit des temps et les débats pour ou non la participation au gouvernement). En revanche à l'heure de la transparence des débats grâce aux numériques et à l'info en continue, cela perturbe l'image de l'action du gouvernement ET du PS.

Dans ce climat de critique permanente du gouvernement et plus spécialement du Premier Ministre, les détracteurs de gauche n'écoutent plus les propos de Manuel Valls. Avec cette volonté répétée d'ouverture à toutes les forces progressistes, ce que propose Valls est dans la droite lignée du Cartel des Gauches d'Edouard Herriot, du Front Populaire de Léon Blum, de l'Union de la Gauche de François Mitterrand et de la Gauche Plurielle de Lionel Jospin. Pour toutes ces unions, jamais il n'y a eu d'accord à 100% sur tout un programme de gouvernement, en revanche il y a toujours eu assez de compromis autour d'un socle commun de gouvernement. Pour que l'avenir continue à être synonyme de progrès, c'est un nouveau socle à construire et cette "maison commune de toutes les forces progressistes" peut en être le QG.

lundi 20 octobre 2014

La culture pour tous et partout

Jamais je n'aurais cru écrire un billet sur la FIAC. La FIAC, c'est la Foire Internationale d'Art Contemporain. C'est souvent très pointu, et réservé à une élite fortuné. Non pas que l'art serait incompréhensible pour les pauvres, ni qu'il faille avoir un bac+5 pour comprendre l'art contemporain. Non, il faut juste être prêt à débourser 35€ pour entrer au Grand Palais et pouvoir voir les oeuvres exposées.

Du coup quand les organisateurs de cette foire décident d'aller voir ailleurs, d'exposer hors les murs, on ne peut que saluer l'initiative. Depuis 2006, la FIAC investit le Jardin des Tuileries. Depuis 2011, c'est un parcours dans le Jardin des Plantes qui est proposé. Cette année, la FIAC est accessible dans les Tuileries, au Jardin des Plantes, sur les Berges de Seine et aurait du être présent sur la Place Vendôme. Mais la création de Paul McCarthy avait le malheur d'être provocante et donc de déplaire aux biens pensants. Ceux là ont donc décidé d'attaquer l'artiste avant d'attaquer l'oeuvre. 

Qui a osé faire ça ? Est-ce les mêmes qui hurlent à la dictature socialiste et qui voudrait ainsi imposer leur vision de l'art ? Est-ce les mêmes réactionnaires qui se sont plaint le siècle dernier de la mise en place d'une pyramide dans la cour du Louvre, de colonnes noires et blanches dans la cour du Palais Royal en lieu et place d'un parking, ou du centre Pompidou à proximité des Halles ? Est-ce les mêmes qui ont attaqué le tableau des "Deux Tahitiennes" de Gauguin car choquée par la nudité des deux femmes ?

Je ne commenterais pas la qualité de l'oeuvre proposée sur la Place Vendôme même si j'aurais été voir avec plaisir et curiosité cette installation dans une des places les plus calmes de Paris. En revanche, je ne peux qu'être choqué par l'utilisation de la violence contre ces tentatives d'accès à la culture pour tous. Les organisateurs de la FIAC font l'effort de permettre à tous de voir certaines oeuvres sans débourser le moindre centime. Dans un registre différent, la FNAC permet tous les ans aux Parisiens de profiter de 4 jours de concerts gratuits et de grandes qualités sur le parvis de l'Hôtel de Ville. Tout l'été, des projections de films des classiques comme des films récents sont organisées en plein air parfois dans des lieux insolites. Pour toutes ces manifestations, la ville de Paris n'attend pas d'avoir l'accord de tous les riverains, ne soumets pas à la censure la mise en place de ces manifestations. Elle ouvre l'accès à la culture. Elle permet d'économiser 11€ pour voir un film sur grand écran, elle permet d'économiser une trentaine d'euros (et même plus) pour écouter en live des artistes de premier plan et elle permet d'avoir un premier contact avec des oeuvres d'art en les exposants dans différents endroits de la Capitale (pour la FIAC mais aussi en bordure de tramways).

N'en déplaise aux grincheux qui veulent que l'art soit cantonné aux musées (si possible payant et privé), n'en déplaise à certaines élites qui préféreraient que leurs sorties ne soient pas les mêmes que celles du peuple, il est réjouissant de voir l'art contemporain débarquer en pleine rue. Si l'on ne doit offrir que du consensuel, alors nous n'aurons que des bonnes vieilles natures mortes pour éviter toute imagerie religieuse, image obscène, scène de chasse morbide, ou création abstraite. Je ne crois pas être un affreux néo-libéral pour défendre l'accès à la culture et j'aimerais que personne ne me dise ce que j'ai le droit de regarder dans la rue ou pas. Après si on peut avoir des concerts des Stones ou de Kyuss gratuitement à Paris, ou voir des originaux impressionnistes sur les bords de Seine, je serais tout de même plus heureux.

lundi 13 octobre 2014

Quand l’Europe se brunit un peu plus

Au lendemain des élections européennes, on s’inquiétait, à juste titre, de la montée du Front National en France. En parallèle, leurs déclarations disant qu’ils étaient à la porte de l’Elysée car ils venaient d’obtenir deux sièges de sénateurs étaient plus risibles. Si l’accession à l’Elysée se fait dans l’ordre d’arrivée au Sénat, les écologistes et les communistes sont prioritaires dans la file d’attente. En revanche leur présence est alarmante puisque ces sénateurs sont élus grâce à des vois d’élus non FN et donc leur élection fait preuve de nouvelles porosités entre la droite dite républicaine et l’extrême-droite.

En Europe, on pensait être longtemps à l’abri du retour des extrêmes au pouvoir. Puis quand Viktor Orban est arrivé avec son parti populiste au pouvoir avec l’aide de milice néofasciste, on se protégeait encore en se disant que l’Europe de l’Ouest était loin de passer à l’extrême-droite, puisque cette région fut à l’origine de la construction de cette Union Européenne lauréate du Prix Nobel de la Paix. Mais comment qualifier ce qu’il se passe en ce moment en Belgique ?

Chez nos voisins belges, le nouveau gouvernement est constitué par Charles Michel (j’espère aucun lien de parenté avec notre Louise). Ce libéral qui se dit réformateur s’est allié avec le N-VA. Si le N-VA est nationaliste, il n’est pas officiellement d’extrême-droite (tout comme Viktor Orban et son Fidesz-Alliance civique hongroise). Il ne faut pas le confondre avec le Vlaams Belang qui lui est un pur produit de l’extrême-droite. Mais s’il ne faut pas les confondre, il faut tout de même ne pas nier leur proximité qui n’est pas uniquement du à leur objectif d’une Flandre indépendante. Au Parlement Européen, le N-VA siège aux côtés des « Vrais Finlandais » et du « Parti Populaire Danois ». Le président du N-VA rendra un hommage ému à Marie-Rose Morel, transfuge du N-VA au ... Vlaams Belang.

Par exemple, le vice-Premier Ministre et ministre de l’Intérieur Jan Jambon ne voit qu’un simple faits divers sa participation à un rassemblement de nazi (qui n’ont rien de néo) en 2001 pour rendre hommage aux volontaires belges partis se battre pour le régime nazi sur le front de l’Est. S’il se vante de ne jamais avoir tenu de propos défendant la collaboration (en dehors donc du geste fort d’être présent à leur rassemblement), il a tout de même trouvé que ces engagés volontaires avaient leurs raisons.

Le N-VA n’a pas hérité que de l’Intérieur. On les retrouve aussi aux Finances, à la Défense, à la lutte contre la pauvreté et à l’égalité des chances ainsi qu’à l’Asile et la Migration. Sur ce dernier point, le nouveau ministre Theo Francken a promis d’augmenter les expulsions de sans papiers. Il faudra suivre ce gouvernement. Il pourrait très bien être les prémices de ce que seraient capables des UMP en manque de soutien.Il suffit de voir ce que peut écrire ou dire aujourd'hui un zemmour ou observer ses soutiens pour s'en convaincre...