Je viens de finir le livre-enquête de Violette Lazard
(journaliste à Libé) sur l’affaire Bygmalion. Si ce n’est pas le livre de l’année,
il n’en reste pas moins un témoignage accablant sur la façon de faire de la
politique à l’UMP. Ce n’est pas un livre qui contient d’incroyables
révélations. La plupart des pépites du livres soit sont déjà parues dans des articles
de presse (notamment de la part de Violette Lazard dans Libé), soit ont fait l’objet
des bonnes pages pour faire la réclame de l’ouvrage. Mais si aucun scoop ou
presque n’est à se mettre sous la dent, l’ouvrage n’en reste pas moins un résumé,
ou plutôt une compilation, de toute l’affaire Bygmalion. Le tout mis bout à
bout donne le tournis !
Ce livre vaut le coup d’être lu pour le récit de l’organisation
interne de la campagne de Nicolas Sarkozy, ou plutôt la désorganisation
permanente. Aucun plan de campagne, aucun agenda ne semble avoir été préparé.
Nicolas Sarkozy y est présenté comme étant sûr de ne faire qu’une bouchée de
François Hollande et donc ne souhaitant pas, initialement, faire trop d’effort
pour faire campagne contre le candidat socialiste. Son entrée en campagne
électorale est décrite comme précipitée et non préparée (comme son entrée en
campagne interne à l’UMP actuellement ?). Son dispositif de campagne est
quant à lui décrit comme un assemblage d’amateurs. Par exemple, Guillaume
Lambert, préfet de son état, se retrouve propulsé directeur de campagne de
Sarkozy sans jamais avoir participé à l’organisation d’une campagne auparavant.
Quand on lit l’organisation des différents meetings, on y
retrouve les plus grands travers d’un Nicolas Sarkozy toujours plus « bling
bling ». Chacun des meetings, du plus petit comme à Rueil Malmaison au
plus grand comme celui de la place de la Concorde est géré comme un concert de
rockstar. La journaliste a interviewé plusieurs experts pour faire analyser les
véritables factures et les images des meetings pour contrôler qu’aucune
surfacturation n’aurait pu être réalisée. Mais non, tout semble réglo, et c’est
peut-être de qui est le plus scandaleux dans cette histoire ! En résumé,
chaque meeting du candidat Sarkozy ressemble à l’organisation d’un show des
Stones ou de Beyonce. Les barrières vauban utilisées pour contenir la foule
sont toutes recouvertes de moquette bleu roi pour paraître moins clivantes, la
vidéo et le son ont été les premiers postes de dépense du candidat qui se
vantait durant la campagne d’avoir des retours digne d’un artiste se produisant
sur la scène du Stade de France. L’éclairage des salles était démesuré, l’installation
des loges totalement inadaptée pour un meeting politique. Quand la journaliste
s’attarde sur l’organisation des événements, elle s’étonne que l’UMP n’ait
jamais fait appel à la force militante pour réduire les coûts. Toute la main d’œuvre
est constituée de professionnels qui ont donc un coût bien supérieur à des
permanents de l’UMP. Sur les grands meetings, on pouvait trouver un régisseur
principal, deux régisseurs adjoints, un adjoint au régisseur adjoint, un
régisseur dit « spare » en cas d’absence non prévue d’un régisseur et
40 employés. D’après les professionnels de la profession, c’était du jamais vu !
Autres détails qui ont fait la joie de tous les
sous-traitants, aucune mise en concurrence, aucune négociation n’a eu lieu sur
les devis proposés. Tout était accepté rubis sur l’ongle (et vu les prix, le terme
rubis est vraiment adapté). Certains sous-traitants ont du faire leur chiffre d’affaire
d’une année en 3 mois de campagne électorale. Il fallait des écrans vidéo disséminés
dans toutes les salles de meeting, même dans les coulisses. A chaque fois, c’est
le nec plus ultra de la technologie qui est installé. Comme l’organisation se
fait toujours en urgence, certains meetings sont annoncés et les contrats
signés 2 ou 3 jours avant qu’ils aient lieu, ce qui participe également à la
flambée des prix.
A la lecture de Bigmagouilles, ce n’est pas le principe de
fausse facture qui choque, ce n’est pas le copinage (voire l’intime proximité)
entre les dirigeants de Bygmalion et le président de l’UMP qui dérange, ce n’est
pas non plus la drôle de gestion d’Event & Cie, la filiale de Bygmalion en
charge de l’organisation des meetings, qui surprend, mais c’est l’impression que
dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, personne n’a de notion du monde réel. C’est
le mode de défense de tous les acteurs de la campagne de 2012 : « nous
ne savions pas, nous pensions que c’était normal ». C’était la 2ème
campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, l’UMP a dans ses rangs de
nombreuses personnalités qui ont été actives en 2007, 2002, 1995 et même avant,
et aucune n’aurait été appelée pour aider à l’organisation de cette campagne
électorale ?
Nicolas Sarkozy se vante d’être quelqu’un de responsable.
Violette Lazard le rappelle en préambule de son ouvrage. A l’époque de l’affaire
Société Générale – Jérôme Kerviel, Sarkozy a eu la tête du PDG de la banque en
expliquant qu’un dirigeant se devait d’assumer ses responsabilités en cas de
crise majeure :
"Je ne comprends pas l'affaire de la Société générale: quand le président d'une entreprise connaît un sinistre de cette ampleur et qu'il n'en tire pas les conclusions, ce n'est pas normal"
A la fin de l’ouvrage, il reste en tête un étrange goût de s’être
fait voler depuis bien plus longtemps que sur la durée de la campagne
présidentielle. Je ne peux m’empêcher de me dire que ce rythme de dépenses pour
3 mois de campagne électorale doit correspondre au rythme de vie de l’ancien
président avant qu’il ne se lance officiellement dans la course à sa propre
succession. L’anecdote du buffet de truffes lors du meeting de Nice entre les
deux tours de l’élection présidentielle est surement la meilleure illustration que
Nicolas Sarkozy et ses proches ont bien pris les Français pour des truffes.