lundi 28 septembre 2015

Des radios françaises pour des playlists étriquées

Depuis 1996, les radios françaises doivent diffuser 40% de chansons d’expression française (c'est-à-dire chantées en Français ou dans une langue régionale française), dont la moitié doit provenir de nouveaux talents ou de nouvelles productions. L’objectif de cette loi est de garantir une certaine exposition médiatique aux artistes chantant en français face à la production massive de tubes d’artistes anglophones et également pour encourager les artistes français à s’exprimer dans leur langue maternelle.

Il y a une dizaine de jour, le gouvernement, en commission des lois, a accepté un amendement forçant les radios à diversifier leur programmation. L’objectif du législateur est d’empêcher les radios de remplir leurs quotas en ne passant que 10 artistes chantant en français. En gros, pour éviter d’écouter en boucle Johnny Hallyday, Mylène Farmer, Renaud, Pascal Obispo (on me souffle que je suis dépassé et que les artistes les plus diffusés en 2014 sont Black M et Maitre Gims) et laisser plus de place aux nouveaux artistes (ou aux plus anciens en phase d’oubli).

Cette volonté d’ingérence dans la programmation a énervé une bonne partie des grandes radios privées. La semaine dernière, tout en finesse, les radios ont diffusé des annonces appelant les auditeurs à appeler le standard de Matignon pour manifester leur mécontentement avec pour message « à la radio, j’écoute ce que je veux ». Ces mêmes radios se sont fait un beau coup de pub en faisant croire qu’elles passeraient bientôt à l’antenne le numéro de portable de Manuel Valls pour mieux faire passer le message. Pour ces radios, il serait scandaleux que le gouvernement essaye de faire passer ce genre d’amendement de nuit, « en catimini ».

Tout d’abord c’est un amendement en commission des lois, il est donc loin de faire office de loi puisqu’il doit être, comme l’intégralité du texte, débattu à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Il aurait pu passer « en catimini » si les parlementaires l’avaient poussé dans un texte peu à propos dans le cadre d’une discussion à l’Assemblée Nationale. Ici, c’est un amendement dans un texte relatif à la création culturelle, on a vu pire comme cheval de Troie.

Ensuite, la méthode est ridicule. Appeler ses auditeurs à se plaindre au près de Matignon pour un texte discuté en commission des affaires culturelles, ça n’a aucun sens. Se plaindre à la ministre de la Culture serait déjà plus sensé. Faire du lobbying au près des députés aurait beaucoup plus de poids. Harceler la standardiste du Premier Ministre ne sert strictement à rien.

Ont-ils eu un éclair de lucidité durant le week-end, ces radios ont décidé de boycotter le principe même des quotas pendant 24 heures. Les auditeurs qui ont râlé pour avoir le droit d’écouter en boucle Johnny et Maître Gims toute la journée vont pouvoir être content, pendant 24 heures, ils auront le droit à Rihanna et Pharell Williams.

Ces radios se tirent une balle dans le pied en refusant l’aménagement de quotas pour plus de diversité musicale francophone. Elles sont un vecteur primordial pour la diffusion de la culture française et sa diversification. On ne peut pas se limiter à diffuser tous les ans le nouveau titre des Enfoirés et faire la promo des derniers gagnants de la Nouvelle Star et autres émissions du genre. Le directeur de Virgin Radio se vantait dernièrement d’être le « découvreur » de Christine & the Queens qui ne passait avant que sur France Inter… Justement, ne serait-il pas le rôle de stations musicales de jouer le rôle de dénicheur de talent plutôt que d’être à la traine des radios publiques, qui elles, jouent pleinement leur rôle ?

1 commentaire:

  1. C'est assez compliqué. Je me souviens que NRJ, la pissotière à musique standardisée, ne voulait pas programmer Louise Attaque qui pourtant cartonnait à mort. Il a fallu que Louise Attaque atteigne les 600 000 albums venus pour que NRJ programme une première fois une chanson de Louise Attaque. C'est dire à quel point ils sont sur une planète éloignée de la terre...

    C'est assez compliqué. Pour respecter leurs quotas les radios commerciales programment des productions françaises la nuit, mettent des Anglais ou des Américains produits par une boîte française dans leur quotas (ils ont le droit), intègrent les jingles et habillages sonores fabriqués en France dans les décomptes (ils ont le droit), etc.

    La simplicité serait de fermer des radios commerciales pour ouvrir des radios associatives à qui on donnerait des moyens, des radios supplémentaires dans le giron de Radio France, bref des radios de création qui auraient mission de diffuser toute la création. Parce que même du côté de France Inter, on ne peut pas dire qu'on y entende beaucoup le foisonnement français, occitan, breton, basque, catalan, corse.

    Je ne suis pas un vieillard chenu et je me souviens que France Inter passait naguère une foule de chansons qu'on ne peut plus espérer entendre sur une radio aujourd'hui.

    Et ce n'est pas une question esthétique. Louis Ville, Jérémie Bossone, Pascal Rinaldi, Louis Arti, Thibaud Couturier et bien d'autres seraient programmés s'ils chantaient en anglais de Chateauroux (garanti 200 mots seulement comme dans les livres premières lectures de nos amis ricains) au lieu de chanter connement en français.

    http://partageux.blogspot.fr/2015/09/la-chanson-chez-partageux.html

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