jeudi 17 mars 2016

Une dernière lettre pour mamie

Toutes les belles histoires ont une fin, arrivant comme souvent trop tôt. Ton histoire, je l’ai prise en cours de route, tu as toujours été ma grand-mère, tu as donc toujours été vieille. Énergique, mais vieille. Mais comme ça fait 35 ans que tu es beaucoup plus âgée que moi, je m’y suis habitué quitte à oublier que tu pouvais être mortelle. Après tout je ne me souviens pas de t’avoir vu malade avant ces dernières années, alors ce ne pouvait être que la preuve que tu n’étais pas comme les autres, pas comme mes parents, eux aussi vieux depuis ma naissance, mais que j’ai vu malades, parfois au bord de l’agonie à cause d’une laryngite.

Mamie, tu resteras cette incarnation du socialisme qui m’a tant fait rêvé et qui m’a encouragé à ton insu à rejoindre les rangs de ce parti dont tu étais si proche. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce qu’au PS on est tous camarades, mais tu me demandais régulièrement des nouvelles de Strauss-Khan, notre chouchou, que tu avais été voir en meeting en 2007. En 2012, ce n’est pas lui qui est arrivé à l’Elysée, mais il n’empêche que tu étais la 1ère personne que j’ai appelée pour fêter ce moment historique. Ton 13ème président de la République était enfin un président de gauche, le 2ème de cette 5ème République (la 3ème de ton existence). Pour le coup, il n’y a pas d’âge qui compte, on l’attendait tous les deux depuis aussi longtemps. Les week-ends de mon enfance furent bercés par la lecture de cette presse hautement politique que Papi et toi affectionnaient tant, l’Obs pour suivre l’action de François Mitterrand et Paris Match pour suivre les belles femmes qui l’accompagnaient.

Mamie la socialiste, mamie l’amoureuse des mots si possible de 7 lettres pour former des scrabbles jusqu’à l’écœurement de tes compagnons de jeu. Mais, tu étais trop énergique pour n’être qu’une de mes étoiles du socialisme et ma star des jeux de lettres. Tu fus aussi une cuisinière 3 étoiles avec bien sur le gigot d’agneau qui se devait d’être fini lors du souper, quitte à se resservir une troisième assiette. De toute façon, il restait aussi des pommes de terre, des haricots blancs, des endives et des  « sucre boonej’ » et ton dessert fétiche qui s’est éteint avec ton dernier soupir.

A la fin avec toute ton énergie, même ton cerveau a commencé à ne plus réussir à te suivre. Tu as du vivre de drôles d’aventures, sans toujours trop comprendre pourquoi ou comment tu arrivais à te remémorer tes amis disparus tout en discutant de ton besoin viscéral d’avoir toujours plus de petits enfants et tout en t’attendant à ce que des ouvriers te ramènent du fromage de chèvre. Mais tu as pu rester jusqu’au bout chez toi, entouré de ta famille, dans ta maison, aux côtés de ton jardin et de ton potager, fournisseur officiel des bons légumes peut-être pas les plus bios mais surement ceux qui ont poussé avec le plus d’amour. Pour ça aussi il faut te remercier.

Mitterrand disait qu’il  croyait « aux forces de l’esprit », qu’ « après la mort, l’esprit demeure le sel de la terre. » Je ne suis pas sur de bien comprendre ce qu’il entendait par là mais je t’imagine bien en sel de ma terre qui, hier comme demain, influence mes pas. Je ne suis pas sur non plus de bien savoir où tu es à présent, mais ce qui es sur, c’est que tu es dans mon Panthéon. Longue mémoire à toi mamie.

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