Martine Aubry annonçait une « gueule de bois »
pour le Nord-Pas de Calais-Picardie ce lundi matin. Elle ne s’est pas trompée.
Cette gueule de bois n’est pas arrivée par surprise, j’ai même envie de dire qu’elle
a été préparée minutieusement et depuis longtemps telle une grosse soirée
préparée de longue date. Comme prévu, il y a eu peu de participants parmi le
grand nombre d’invités, mais les calices ont été bus jusqu’à la lie, d’où le mal
de crâne sévère pour les quelques participants. Mais tout le monde le sait,
même après une belle gueule de bois carabinée, même si on se dit qu’on ne
refera plus jamais cette bêtise, on y replonge. C’est bien connu, on oublie
facilement la douleur, où alors on a tous un petit fond masochiste.
On peut se dire que certains ont poussé le bouchon un peu
trop loin localement, que leur comportement ont décrédibilisé tout un groupe.
Mais l’électeur de la Somme se sent-il vraiment revanchard d’un maire ou d’une
Fédération PS qu’il ne connait pas dont il entend parler que lors des élections
municipales ?
On peut se convaincre que ce n’est pas de notre faute et
accuser son voisin, si on ne sait pas pourquoi, lui le sait surement. Après
tout c’est un peu le programme des vainqueurs du jour, c’est la faute aux
autres.
On peut se dire que c’est une politique de ville nationale
qui a plongé dans le désœuvrement une région qui possède de nombreuses villes
qui ont grandi à l’ombre des métropoles lilloise et parisienne. Cela veut-il
dire que le Nord est voué à vivre sous le joug de l’extrême-droite pendant 30
années, le temps que de nouvelles politiques fassent enfin leurs effets ?
On peut se dire beaucoup de choses et dans la semaine, on
risque de trouver de nombreux exemples qui seront autant de raisons qui auront
poussé des électeurs à voter FN. Tout comme il y a 250 raisons de voter à
gauche, il y a 250 raisons de voter FN.
C’est bien beau de se réveiller avec les cheveux qui
poussent à l’envers, mais il faut continuer à vivre. Comment vivre dans cette
région ? Je suis beau parleur de me poser la question, moi qui suis né
dans le Nord et qui y possède toutes mes attaches familiales, moi qui ait
grandi en Picardie et y ait vécu à peu près mes 10 premières années d’électeurs
mais qui ait déserté cette région pour l’Ile-de-France, la région Capitale,
mais comment faire quand on y vit, qu’on y milite, qu’on y contribue via le
milieu associatif ou économique ?
Aujourd’hui le PS a décidé de se retirer de la course. Une « jospinade »
en quelques sortes. « J’assume pleinement la
responsabilité de cet échec et j’en tire les conclusions en me retirant »
de l’élection régionale. C’est courageux. Le PS ne cherche pas à sauver des
meubles. Pendant 5 ans, la région Nord-Pas de Calais-Picardie verra toutes ses
décisions débattues entre le FN et la droite. C’est courageux car il faut du
courage pour repartir de zéro. A la prochaine élection, il n’y aura plus de
conseillers régionaux sortants, il n’y aura plus personne qui aura travaillé
sur ces dossiers, préparé des contre-propositions, argumenté pour ou contre des
axes, débattu sur la constitution d’un budget. Pendant 5 ans, le PS, comme
toute la gauche, va devoir préparer de nouveaux cadres, de nouveaux candidats
qui voudront conquérir cette région avec leur « niaque », avec
toujours en arrière-pensée qu’ils pourront très bien aussi se retrouver sans
aucun siège. On est loin de la période incroyable où la région s’offrait le
luxe de balloter entre une direction Verte saupoudrée de rose et une direction
Rose colorée de vert.
Je ne suis plus électeur de cette
région, mais dans la fiction, je ne me déplacerais pas dimanche dans mon bureau
de vote fictif mais sentimental. La majorité des habitants ont voulu une région
FN, qu’il l’ait. Cette majorité est bien plus nombreuse que le nombre d’électeurs
qui ont voté FN. Tout le monde était au courant de la victoire probable du FN
dans cette région, toute personne qui n’a pas voté, que ce soit pour la droite
ou pour la gauche, a voté pour le FN. Le FN a du coup gagné cette région dès le
premier tour et je la lui laisserais. Je deviendrais un abstentionniste car je
me suis juré de ne plus donner un blanc-seing à la droite dite républicaine. La
dernière fois, c’était en 2002 et c’est cette droite qui a installé un Nicolas
Sarkozy ministre de l’intérieur dès le lendemain du second tour.
Je ne me déplacerais pas même si c’est
un droit chèrement acquis car je ne vois pas pourquoi utiliser un droit
républicain pour une élection qui sacrera un parti qui ne l’est pas. Si au
premier tour, on élimine et au second on choisit. Dans cette élection, il n’y a
personne à choisir et le vote blanc ne peut être un choix puisqu’il n’amènera à
aucun résultat.
Mon comportement fictif aurait pu
changer si la droite et la gauche avait réussi à fusionner tout en expliquant
les bases de cette fusion. Cette volonté de fusionner pour contrer le FN est
très bien expliqué dans l’ouvrage d’Elsa Di Méo, socialiste à Fréjus, qui s’est
battue contre le FN durant toute sa vie politique, qui a essayé d’organiser une
fusion de listes entre la droite pourrie et la gauche pour contrer le FN et qui
s’est retrouvée en larmes annonçant le retrait de sa liste pour ne pas apporter
de la division face à un concurrent qui n’a jamais voulu d’union.
Je suis désolé d’en arriver à cette
conclusion, mais aujourd’hui je ne vois pas d’autres alternatives. Sans liste
de gauche au second tour, avec un FN à plus de 40% au premier tour, je ne vois
qu’une seule solution, leur laisser les clefs. Oui, ils se serviront d’une
région à la bonne tenue économique pour en faire un étendard pour les élections
à venir, tout comme ils ont réussi à utiliser leur inexpérience et leur
incompétence comme programme pour les élections passées. Non ce n’est pas de la
lâcheté, ce n’est pas un renoncement, c’est un nouveau départ pour permettre l’éclosion
de nouveaux militants et de nouvelles idées. Si ce n’est pas le cas, alors la
gauche dans sa diversité sera morte dans le Nord, mais mourra aussi à terme
dans le reste du pays.