mercredi 18 novembre 2015

La Sécurité ne doit pas être l'ennemie de la Liberté

La liberté guidant le peuple, et non la sécurité
François Hollande a réagit de façon très digne aux attentats de vendredi dernier. La presse étrangère l’a soulignée tout comme de  nombreuses analyses suite à son discours de lundi face aux parlementaires à Versailles. A cette occasion, il a présenté ses principales mesures et volonté pour éviter de pareils drames.

Je salue sa décision de réaliser un « pacte de sécurité » construit à l’image des pactes de stabilité et de responsabilité. Depuis le début de son mandat, François Hollande et ses gouvernements ont agi pour réparer la casse du précédent quinquennat. Alain Juppé a reconnu récemment que la droite a «sans doute eu tort de supprimer des milliers de postes» dans la sécurité durant le précédent quinquennat. François Hollande a déjà ouvert plus de postes. Il souhaite à présent créer 5.000 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, 2.500 dans la justice et 1.000 dans les douanes pour faire face aux menaces terroristes, ainsi que la suspension de la réduction des effectifs militaires jusqu'en 2019 (soit plus de 9.200 initialement prévues entre 2017 et 2019). Il annonce en même temps que si ces créations d’emplois doivent plomber le budget de la France même si ça l’empêche d’assumer le pacte de stabilité de l’Union Européenne. Michèle Delaunay sur son blog va dans son sens demandant même que ce genre de dépense ne soit pas inclus dans le pacte de stabilité européen puisque la sécurité d’un pays influe sur la sécurité de toute l’Union Européenne.

On peut aussi saluer la création immédiate d’une grande coalition russe – américaine – française pour lutter contre Daesh tous ensemble plutôt qu’en ayant des objectifs séparés et non synchronisés. A mon avis, il faut tout de même faire très attention de comment cela se finira. La Russie, la France et les Etats-Unis ont trois visions différentes de la situation politique à terme dans la région. J’espère que cette coalition ne fera pas le jeu de Bachar al Assad, dont sa présence devrait être en prison et non dans un palais présidentiel.

Là où je suis plus perplexe et où j’espère que notre Président ne se trompe pas de voie, c’est sa volonté d’avoir un état d’urgence allongé et sa volonté de changer la constitution pour réaménager les pouvoirs exceptionnels du Président de la République. Nous sommes dans une République où le chef de l’Etat a déjà énormément de pouvoir. Les socialistes et la gauche dans son ensemble n’ont cessé de le dire depuis la mise en place de la Vème République. François Mitterrand était très à l’aise dans ce costume qu’il avait toujours dénigré. François Hollande l’est tout autant. En revanche il est dangereux de vouloir mettre en place plus de droits d’exception pour un président. Hollande ne sera pas toujours président et je ne peux que craindre la mentalité de ses successeurs aux pensées et aux actions plus radicales.

Par exemple, pourquoi vouloir augmenter la durée de l’état d’urgence ? On se souvient des dictatures arabes qui, il y a encore quelques années, étaient en état d’urgence permanent depuis des décennies. A situation exceptionnelles, réaction exceptionnelle. On peut voir l’effet bénéfique de l’état d’urgence actuel avec le nombre de saisies d’armes (31 armes saisies en un week-end). Mais faut-il augmenter cette durée à 3 mois ? Certes, Stéphane Le Foll annonce exclure des perquisitions administratives les avocats, les magistrats et les journalistes. Mais ça laisse toujours beaucoup de monde non couvert par la justice. En revanche la décision de profiter de cette réforme constitutionnelle de supprimer le contrôle de la presse et de la radio est une très bonne chose.

Autre exemple, réfléchir à l’internement de tous les individus « fichés S ». Etre fiché S est synonyme d’être soupçonné de radicalisme religieux et non être coupable du moindre acte délictueux. Mettre en place un internement d’office comme le réclame Laurent Wauquiez est bien sur dangereux. Si l’on doit enfermer les personnes surveillées pour radicalisme, on peut bien imaginer la même chose pour tous les nazillons surveillés. Il y a 5 ans, Sarkozy était parti en guerre contre « l’extrême-gauche anarcho-autonome » avec l’affaire Tarnac. Il aurait donc fallu enfermer d’office, sur simple présomption de dangerosité tous les militants anars, voire tous les militants d’extrême-gauche ? Ce n’est pas parce que 95% des terroristes sont « fichés S » que tous les « fichés S » sont terroristes. C’est pourtant la démonstration vaseuse que l’on peut entendre à droite aujourd’hui.

Le Figaro, qui défend ce discours du « tous à enfermer » s’appuie aujourd’hui sur un sondage pour annoncer que 84% des Français seraient prêts à une diminution de leurs libertés pour leur garantir plus de sécurité. Il faut bien sur prendre avec des pincettes ce genre de sondages réalisés à chaud suite à un événement monstrueux et choquant. On peut faire le même rapport avec n’importe quelle affaire de meurtres d’enfants. Si on demande après une telle affaire si les gens sont pour la peine de mort, ils répondront « oui », alors que dans des circonstances différentes, leur réponse auraient été négatives.

Avant et après les attentats, des personnes comme l’ancien juge Trévidic ont toujours réclamés plus de moyens et non plus de lois pour mener à bien leurs missions de garantie de la sécurité sur le territoire. Ce nouveau « pacte de sécurité » va dans ce sens. « Plus de moyens pour plus de sécurité » et non  « Plus de sécurité pour moins de liberté », voila le piège à éviter.

4 commentaires:

  1. Tout à fait.Mais voir l'avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi prolongeant l'Etat d'Urgence a 3 mois et révisant la loi de 1955.
    La démocratie est très fragile. Les citoyens peuvent être son ennemie, quand ils ne sont pas éduqués ou son meilleur rempart, s'ils le sont.
    On voit les ravages commis par l'abandon des jeunes en difficulté, nés dans les années 80 qui ont grandi sous les "cohabitations" avec des gouvernements de droite qui ont fait de la société un monde de gagnants et de perdants méchants bloqués sous des plafonds de verre, de l'école une usine de tri sélectif laissant 60% des effectifs au bord de la route sans formation et sans travail; de la justice une chiourme trahissant les buts de la justice pénale tels qu'énoncés dans le CP et le Code de procédure pénale, par des lois successives et des pratiques inadmissibles.
    A nous de ne pas laisser la droite revenir !

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  2. "je ne peux que craindre la mentalité de ses successeurs aux pensées et aux actions plus radicales."

    c'est pourquoi l'adoption de l'état d'urgence est une dramatique erreur

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  3. "Il annonce en même temps que si ces créations d’emplois doivent plomber le budget de la France même si ça l’empêche d’assumer le pacte de stabilité de l’Union Européenne."

    depenses supplémentaires annoncées : 600 millions d'euros par an

    deficit 2015 prévu avant les attentats du 13 novembre : 72 milliards (72 000 millions).

    Autrement dit, le non respect du Pacte de Stabilité n'a rien à voir avec le 13 novembre. Il était inscrit dans le PLF dès le départ.

    600 millions sur 72 milliards, ca fait 0.8%

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  4. "Michèle Delaunay sur son blog va dans son sens demandant même que ce genre de dépense ne soit pas inclus dans le pacte de stabilité européen puisque la sécurité d’un pays influe sur la sécurité de toute l’Union Européenne."

    pas compris la démonstration, vu que la guerre au Mali, à la base pour lutter contre le terrorisme, n'a empéché le terrorisme ni ici en France, ni au Mali ?

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