jeudi 7 février 2013

Pensées pour Gisèle Guillemot

Ce mercredi matin, le drapeau français surplombant l'entrée de la Cour d'Honneur des Invalides étaient en berne pour rendre hommage à Gisèle Guillemot, décédée dans la nuit du 30 au 31 janvier. Sous le regard de sa famille, de ses amis et de quelques touristes, un général 5 étoiles (le plus haut grade dans l'armée de terre française) nous a résumé l'incroyable passé de cette grande dame. 

Née en 1922, elle a donc 18 ans en 1940 quand elle entre dans la Résistance dans sa Normandie natale. Quelques années plus tôt, elle s'était déjà engagée dans le militantisme politique à l'époque du Front Populaire et de la Guerre d'Espagne. Dès le début de l'occupation allemande, elle entre en résistance. Elle rejoint également le Parti Communiste (interdit par l'occupant allemand) et le Front National pour l'Indépendance de la France. C'est sous le pseudonyme d'Annick qu'elle agira. Elle fut agent de liaison, elle a participé à la rédaction et la diffusion du journal clandestin "Calvados Libre" et à diverses actions contre la puissance occupante.

En avril 1943, elle et 21 de ses camarades sont arrêtés par la Gestapo suite à une dénonciation. Seize seront condamnés à mort, les hommes seront abattus en France alors qu'elle et une autre femme seront déportées en Allemagne sous le signe NN (Nuit et Brouillard). Sa déportation commencera par un long voyage de 90 jours entre Fresnes et Lübeck. Ensuite, elle sera transférée au camp de Ravensbrück à l'automne 1944 avant d'être envoyée à Mauthausen en mars 1945. Le 20 avril 1945, la Croix Rouge Internationale libère le camp et la rapatrie en France. 

Durant toute cette époque, elle écrira des poèmes dont la plupart ont été publiés depuis. Elle milita encore un certains temps au Parti Communiste avant de quitter le parti pour se consacrer aux associations d'anciens déportés. Elle consacrera enfin énormément de son temps à expliquer ce qu'elle a vu et vécu.

Gisèle Guillemot fut une femme formidable. Les rares fois où j'ai pu discuter avec elle, j'ai eu à faire à une femme qui s'indignait toujours des injustices. C'était un plaisir d'écouter sa vision de l'actualité et de la politique française. C'est donc avec beaucoup d'émotions que je lui ai rendu un dernier hommage ce matin. Je profite donc de ce billet pour répéter une nouvelle fois à ses deux filles (qui sont la preuve que le caractère est héréditaire), son petit-fils et tous ses proches mes plus sincères pensées.

Pour finir ce billet, je vais reprendre un poème qui a réussi à fissurer la carapace du général d'armée qui l'a lu ce matin :

À MA MÈRE (de Gisèle Guillemot)

Écoute Maman, je vais te raconter
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Les livres qu'on brûlait
Les gens qu'on humiliait
Et les bombes lancées
Sur les enfants d'Espagne
Alors on a rêvé
De fraternité...

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Les prisons et les camps
Ces gens qu'on torturait
Et ceux qu'on fusillait
Et les petits-enfants
Entassés dans les trains
Alors on a rêvé
De liberté.

Écoute Maman, je vais te raconter,
Écoute, il faut que tu comprennes
Lui et moi on n'a pas supporté
Alors on s'est battu
Alors on a perdu

Écoute Maman, il faut que tu comprennes
Écoute, ne pleure pas. . .
Demain sans doute ils vont nous tuer
C'est dur de mourir à vingt ans
Mais sous la neige germe le blé
Et les pommiers déjà bourgeonnent
Ne pleure pas
Demain il fera si beau

Enfin, pour en savoir plus sur son histoire, je vous invite à regarder les 8 vidéos réalisées par l'ADIRP où elle explique  son histoire :

3 commentaires:

  1. Penchées sur sommeil, les deux mains liées du mémorial et plein de roses, plein de roses de Ravensbrück.
    Merci pour cette belle note.

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  2. c'est si rare de se souvenir...
    Pensées pour ces proches !

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