mercredi 27 mai 2015

La lutte contre l'extrême droite nationaliste entre au Panthéon

Pierre Brossolette, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle Anthonioz et Jean Zay entrent aujourd'hui au Panthéon. Ils entrent tous ensemble comme autant de symboles de la diversité de la Résistance. A eux quatre, ils représentent la Liberté, l'Egalité, la Fraternité et la Laïcité. Si ces quatre se retrouvent réunis aujourd'hui pour célébrer la résistance à l'occupation nazie et au régime de Pétain, au moins deux d'entre eux symbolisent aussi une lutte contre l'extrême-droite nationaliste.

Durant toute sa vie publique, Jean Zay fut la cible des attaques de nationalistes, de la droite et de l'extrême-droite orléanaise. Encore aujourd'hui, on trouve des associations et des élus proche d'une droite dure se plaindre de la panthéonisation de cet homme. En cause, un court texte antimilitariste, considéré comme une insulte à la France. Le texte en question, écrit sous la forme d'un pastiche, jamais rendu public par la volonté de son auteur mais volé et publié par de sombres personnages, ne peut être vu comme un document à charge contre son auteur. Il aura pourtant cristallisé la haine envers un jeune homme brillant. La lutte contre l'extrême-droite fut donc une composante inévitable du combat politique de Jean Zay. Elle ira jusqu'à se manifester dans sa volonté de créer un festival de cinéma, le désormais mondialement célèbre festival de Cannes, pour concurrencer la Mostra de Venise, outil de propagande fasciste de Mussolini à l'époque.

Autre personnage, autre époque, Germaine Tillion a aussi combattu l'extrême-droite et les nationalistes français en travaillant comme ethnologue en Algérie. Présente en Algérie avant le déclenchement de la deuxième guerre mondiale, Germaine Tillion y retourne dans les années 50 pour constater tout d'abord un processus de clochardisation forcée de la population algérienne dans les Aurès. Elle témoignera du résultat de son travail dans des ouvrages mais aussi dans des lettres publiques. Par exemple, dans une lettre ouverte à Simone de Beauvoir, on peut lire :
« …Je n’ai pas "choisi" les gens à sauver : j’ai sauvé délibérément tous ceux que j’ai pu, Algériens et Français de toutes opinions. Je n’ai ni cherché ni (certes) désiré les périls représentés par l’entreprise qui me fut proposée en juillet 1957: exactement, c’est l’entreprise qui est venue me tirer par la main. « Il se trouve» que j’ai connu le peuple algérien et que je l’aime ; «il se trouve » que ses souffrances, je les ai vues, avec mes propres yeux, et «il se trouve » qu’elles correspondaient en moi à des blessures ; «il se trouve», enfin, que mon attachement à notre pays a été, lui aussi, renforcé par des années de passion. C’est parce que toutes ces cordes tiraient en même temps, et qu’aucune n’a cassé, que je n’ai ni rompu avec la justice pour l’amour de la France, ni rompu avec la France pour l’amour de la justice.» (lettre ouverte à Simone de Beauvoir, 1964 - A la recherche du vrai et du juste, p. 259).

Dans une autre lettre, au général Massu, elle dénonce les actes de l'armée française :
"Dans un livre intitulé La Vraie Bataille d’Alger, vous avez placé ce sous-titre injurieux « Comment on trompe la justice » au-dessus d’une lettre que vous m’attribuez. Cette lettre a pour objet d’éviter la guillotine à deux jeunes filles condamnées à mort.
Or, cette lettre, je n’ai pas le souvenir de l’avoir écrite, mais j’en prends la responsabilité, car – dans le contexte monstrueux que vous avez créé dans votre département – j’aurais pu l’écrire.
Aujourd’hui, on ne vous insulte plus en disant que vous avez ordonné et couvert la torture, puisque vous vous en vantez désormais par écrit. Ce que vous ne dites pas, c’est à quelle échelle ce crime a été commis dans le secteur dont vous aviez la charge.
Aujourd'hui, on ne vous insulte plus en disant que vous avez ordonné et couvert la torture, puisque vous vous en vantez désormais par écrit. Ce que vous ne dites pas, c'est à quelle échelle ce crime a été commis dans le secteur dont vous aviez la charge, mais le secrétaire général de la préfecture d'Alger, Paul Teitgen, a identifié trois mille vingt-quatre disparus : dans une seule ville, en moins d'une année, trois mille vingt-quatre hommes ou femmes furent officiellement arrêtés par vos services, et dans nombre de cas on ne retrouve même pas leurs cadavres. D'autres prisonniers étaient remis vivants à la justice, mais avec des aveux criminellement extorqués par la torture.
Car j'étais à Alger le 25 juillet 1957 lorsqu'on a guillotiné – guillotiné – le prétendu assassin d'Amédée Froger, Badèche ben Hamdi, sans autre preuve que des aveux qu'il n'a cessé ensuite de démentir. Au cours de son procès public, ce docker déclara : "Le métal on peut le tordre, le fer on peut le fondre, alors que peut-on faire de l'homme avec la douleur." Et il y eut, à ma connaissance, au moins quatre autres Algériens qui, torturés, avouèrent ce même meurtre. "Tromper la justice", général Massu, c'est cela...
Et la fin désastreuse a répondu aux moyens indignes – car les Etats savent maintenant, grâce à vous, que pour perdre à coup sûr une province, il ne faut qu’y gagner une « vraie bataille d’Alger »."

Le Panthéon honore les héros républicains. Aujourd'hui, il honore des héros qui se sont battus toute leur vie contre les extrémismes car la République, hier comme aujourd'hui, c'est le refus de toute barbarie et tout extrémisme.

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