jeudi 13 novembre 2014

A Elne, on préfère le Canigou à Olympe de Gouges

Suite aux élections municipales de mars dernier et la victoire du FN dans plusieurs municipalités, plusieurs personnes, associations, blogueurs, journalistes ont décidé de suivre avec attention les mesures prises par les élus FN dans ces villes considérées comme nouveaux laboratoires du FN. Mais depuis de nombreuses années, on devrait commencer à comprendre que les plus grandes victoires du FN ne sont pas lors de campagnes électorales mais dans "l'entrisme" idéologique au sein de la population et plus précisément dans l'idéologie d'une certaine droite dite républicaine.

Il n'y a point besoin d'un Patrick Buisson pour faire infléchir une politique de droite vers son coté le plus extrême. Le dernier exemple en date nous vient de la petite ville d'Elne, cité d'Arts et de Culture en Terre Catalane d'après le site de la ville. En mars dernier, les Illibériens (ou les électeurs d'Elne) ont choisi une liste divers-droite d'union aux dépens de la liste d'union PCF-PS et aux dépens de la liste du candidat de l'Union pour une Majorité Populaire. Au soir du second tour, Yves Barniol bat le maire sortant communiste de 243 voix.

En février 2014, le conseil municipal dirigé à l'époque par Nicolas Garcia avait adopté à l'unanimité moins une voix une liste de noms de rues pour le nouveau quartier d'Elne. Toutes les rues doivent prendre le nom d'une femme célèbre qui s'est battue pour les autres, soit des résistantes, des figures des luttes pour les droits civiques, des figures du féminisme et même une femme de religion (comme quoi les communistes ne sont pas tous réfractaires aux religieux). Saluons ce choix unanime où tous les courants politiques se sont retrouvés sans polémiquer pour donner plus de places aux femmes quand on sait qu'à peine 6% des rues françaises portent un nom de femme.

Hélas en mars 2014, Yves Barniol remplace Nicolas Garcia. Lors du conseil municipal du 2 octobre, le nouveau maire a fait voter, contre l'avis de 6 des 7 élus de l'opposition, que les rues du nouveau quartier d'Elne soient débaptisées au profit de noms du relief pyrénéen. Pour l'équipe divers droite, s'il n'y a pas de soucis à revenir sur une décision prise unanimement huit mois plus tôt, il n'y en a encore moins à rayer d'un simple trait la mémoire de 8 femmes. Pour cet élu d'une droite diverse et variée, la mémoire de résistantes n'a pas lieu d'être dans sa ville. Il semble favorable de remettre à plus tard, pour une nouvelle zone d'aménagement, la potentialité de piquer des noms dans cette liste même si d'après lui le précédent maire "a oublié des centaines de gens méritants". Il ajoute même que "les choix des noms seront toujours remis en causes par les pensées de chacun" (cf. les délibérations du conseil du 2 octobre). Sauf qu'aucun de ces 8 noms n'avait été remis en cause en février 2014.

Le maire précise bien que ces modifications relèvent d'un souhait personnel. Ce souhait personnel résulte-il d'une contestation de la célébration de la mémoire de femmes résistantes qui se sont battues contre l'extrême-droite française et allemande ? Est-ce plutôt une forme de machisme primaire qui lui fait préférer le pic du Canigou à Olympe de Gouges ? Difficile de savoir ce qu'il se passe dans la tête de cet élu d'une droite sans étiquette officielle, mais dont la couleur tend à pencher vers le bleu foncé.

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Liste des 8 anciens noms de rues et rapide description des personnes telle que publiée dans le compte-rendu du conseil municipal de la ville d'Elne :
Madeleine FILLOLSSage-femme qui de 1939 à 1944, au côté d’Elisabeth EIDENBENZ a aidé à l’accouchement des femmes enceintes de la Maternité Suisse d’Elne, assurant ainsi la survie de nombreux enfants juifs et espagnols en particulier.
Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ1920-2002
Résistante de la 2 ème guerre mondiale. Auteur de la « Traversée de la nuit » livre qui raconte sa vie en camp de concentration et l’entraide entre femmes. Nommée en 1988 au Conseil Economique et social, elle s’est battue pour la loi d’orientation contre la grande pauvreté votée en 1998.
Lucie AUBRAC1912 - 2007
Résistante française à l’occupation allemande et au régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale. Elle est l’épouse de Raymond AUBRAC. Elle reçut la distinction de grand officier de la légion d’honneur.
Rosa PARKS1913 - 2005
Couturière devenue célèbre en 1955 en refusant de céder sa place à un passager blanc dans un autobus, en Alabama. Elle devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats Unis, ce qui lui vaut le surnom de mère du mouvement des droits civiques de la part du Congrès américain.
Martha DESRUMAUX1897 - 1982
Militante française de la Confédération générale du travail, résistante dans le Nord, déportée au camp de concentration de Ravensbrück puis élue députée en 1945. Elle est la seule femme pr ésente lors des accords de Matignon en 1936.
Lise LONDON1916 - 2012
Militante communiste, résistante française, déportée aux camps de concentration de Ravensbrück et de Buchenwald. Elle a reçu le titre d’Officier de la Légion d’honneur.
Olympe de GOUGES1748 - 1793
Femme de lettres française, devenue femme politique et polémiste. Elle est considérée comme une des pionnières du féminisme. Auteur de la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ». Elle fut guillotinée à 45 ans.
Mère TERESA1910 - 1997
Religieuse catholique albanaise, de nationalité indienne, connue pour son action personnelle caritative et la fondation d’une congrégation de religieuses, les Missionnaires de la Charité qui l’accompagnent et suivent son exe mple. Elle consacra plus de 40 ans de sa vie aux pauvres, aux malades, aux laissés pour compte et aux mourants. Elle a été béatifiée le 19 octobre 2003 à Rome par le pape Jean Paul II.

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