Ancien ministère de la Défense détruit par l'OTAN |
Début septembre, je suis parti durant deux semaines visiter la Serbie. Quand je quittais la France, les gouvernements français et américains réfléchissaient sérieusement à la réalisation de frappes aériennes contre la Syrie en représailles des attaques au gaz sarin probablement réalisées par l'armée syrienne.
En visitant la Serbie, j'ai souvent rencontré des traces des attaques de l'OTAN contre le régime autoritaire de Slobodan Milošević en 1999. A l'époque, l'armée serbe était en guerre au Kosovo contre les indépendantistes albanais. Après l'échec des différentes tentatives de négociation qui se sont tenues à Rambouillet, l'OTAN décide d'entamer des frappes aériennes sans l'accord de la Russie (alors partenaire de l'OTAN). L'objectif initial de ces frappes était de viser durant quelques jours la ville de Belgrade afin de forcer le gouvernement serbe à participer de nouveau à des négociations de sortie de conflit. Au final, l'OTAN aura bombardé la Serbie durant 2 mois (du 24 mars au 8 juin 1999), aura tué entre 488 personnes (d'après l'ONG Human Right Watch) et 5 700 (d'après l'état Yougoslave, donc Serbe) et aura causé de nombreux dommages matériels dans tout le pays.
Symbole des frappes de l'OTAN en centre-ville de Belgrade |
Si le conflit a pris fin suite à l'arrêt des bombardements de l'OTAN et si le peuple serbe a dégagé Slobodan Milošević, aujourd'hui encore les bombardements de l'OTAN sont montrés dans tout le pays comme une injustice flagrante dont ont été victimes les Serbes. A Belgrade, l'ancien ministère de la guerre, situé en plein centre-ville et entouré de bâtiments sans le moindre accroc, est laissé dans l'état que l'on laissé les bombardements de l'OTAN. A Novi Sad, 2ème ville du pays et capitale de la Voïvodine, région riche par son agriculture et ses nombreuses industries, les piliers d'un pont détruit n'ont jamais été enlevés et une chronologie agrémentée de photos avant/après rappelle à tous les visiteurs de la forteresse Petrovaradin tous les dommages matériels et humains qu'ont provoqué les bombardements. A Niš, troisième ville du pays, on vous explique gentiment au détour d'une visite que tel endroit a réussi à être conservé tel quel jusqu'aux bombardements de l'OTAN et qu'il a fallu alors reconstruire.
L'enseignement de cet exercice de mémoire que nous imposent les serbes quand on visite leur pays est que malgré toutes les bonnes volontés pouvant accompagner une action militaire (en Serbie l'accélération du processus de paix, en Syrie la dissuasion d'emploi d'armes chimiques), les premières personnes qui en souffrent sont les civils. Ces civils n'ont rien demandé à personne pour la grande majeure partie d'entre eux, à Novi Sad et en Voïvodine la cohabitation entre les différentes minorités semble même extrêmement bien se passer. C'est d'ailleurs en ce sens que s'exprimait Novak Djokovic début septembre quand il appelait Barack Obama à ne pas reproduire les erreurs de ses prédécesseurs. En revanche, il reste ensuite dans l'esprit des habitants un sentiment d'injustice, parfois de revanche et souvent de défiance envers les pays voisins et les institutions responsables.
Si la Serbie est profondément européenne (par la géographie comme par son histoire), ces ressentiments négatifs ne semblent pas les empêcher de se tourner vers l'Europe et l'Union Européenne, mais peut-on penser que cela se passera de la même façon en Syrie ? Bombarder un pays pour l'exemple et ne gagner que l'incompréhension des habitants sur place, n'est ce pas la meilleure des façons de provoquer un esprit de revanche et d'antagonisme vers l'occident et donc de nouveaux problèmes en perspectives ?
Aujourd'hui, l'option militaire est pour le moment mise de côté. Il semble que nous ayons assisté à un bel exemple de l'adage romain "Si tu veux la paix, prépare la guerre". Espérons que ce soit effectivement le cas et que l'on ne reproduise pas les mêmes erreurs que dans le passé.
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