lundi 23 février 2015

Une semaine dans le rétro : La fronde à contre-courant

Quelle semaine ! Etait inscrit à l'agenda de la semaine le vote de la loi Macron à l'Assemblée Nationale. La question, il y a sept jours était plus sur le nombre de députés de l'opposition qui oserait voter pour loi aux multiples réformes que sur l'issue du vote. Pourtant lundi et mardi, Jean-Christophe Cambadélis et Manuel Valls ont du se sentir comme dans House of Cards, époque Frank Underwood chef de la majorité. Compter et recompter les voix pour s'assurer qu'une majorité existe pour voter la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. L'affaire n'est pas si simple qu'elle n'y parait. Ce n'est pas tant l'absence de majorité absolue du PS qui pose problème, puisque officiellement la majorité gouvernementale n'est pas remise en question, que le comportement de certains députés du groupe socialiste.

Pour certains députés, les "frondeurs" du PS ou une partie des écologistes, on est proche du délit de faciès. L'affaire a débuté il y a bientôt un an avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. L'homme n'avait pas encore dit la moindre parole en tant que Premier Ministre que les Verts annonçaient leur sortie du gouvernement et que certains députés socialistes critiquaient publiquement la nomination de l'ancien directeur de la communication de François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle. Deuxième soupçon de délit de faciès envers Emmanuel Macron, depuis se nomination à Bercy, cette même gauche lui est tombée dessus pour les 4 ans qu'il a passé en tant que banquier d'affaires chez Rotschild & Cie. Conséquence logique, quand les deux ministres s'unissent pour défendre une grande loi réformatrice (au moins par la taille), les mêmes frondeurs socialistes et sceptiques écologistes font blocs contre le projet de loi.

Jusqu'à la loi Macron, les frondeurs socialistes arrivaient à allier contestation et soutien au gouvernement. Peu étaient ceux qui votaient contre les lois du gouvernement, préférant l'abstention, toute aussi forte de sens mais moins dommageable en terme de conséquences. Cette fois-ci, c'était un véritable vote contre qui mettait en péril le vote de la loi. 40 socialistes sur les 288 députés PS qui allient leurs voix à celles de l'UMP, cela change réellement une majorité. Dans ces conditions, le gouvernement devait-il employer l'article 49 alinéa 3 de la constitution ? 

La méthode n'est pas la plus digne. C'est assez frustrant de débattre pendant 193 heures et ne pas avoir le droit de voter sur le texte final. Si le texte final n'a pas pu être voté, n'oublions pas que 560 amendements ont été adoptés dans l'hémicycle durant les 2 semaines de débats. Le texte final est donc loin du texte initial et le travail parlementaire a été entendu et pris en compte. L'utilisation du 49-3 peut donc être vu comme une mesure de respect du travail parlementaire plutôt que d'une forme de déni de démocratie. En votant contre cette loi, les députés PS aller mettre à la poubelle 193 heures de travail public, ce n'est pas vraiment ce que l'on peut appeler le respect du travail des députés.

En revanche, sans oser reprendre le terme de déni de démocratie, soulignons tout de même la tribune disproportionnée que se sont offerts 4 députés socialistes frondeurs. Selon les informations du Lab d'Europe 1, Christian Paul, Pascal Cherki, Daniel Goldberg et Benoît Hamon cumulent à eux quatre près de 30% de temps de parole de l'ensemble des députés socialistes ! Est-ce une méthode digne que de squatter une grande partie du temps prévu initialement pour défendre un projet de loi pour le détruire publiquement ? Cette importante tribune contestataire a-t-elle été tenue pour réellement débattre avec le porteur de la loi ou a-t-elle servie de tribune à destination des militants en vue du futur congrès socialiste ?

Certes l'emploi du 49-3 ne devrait pas être une option d'un gouvernement de gauche attaché au travail parlementaire, mais dans le même temps, le travail parlementaire du groupe socialiste devrait avoir plus de respect pour le gouvernement qui, pour un certains nombres d'entre eux, a aidé leur élection. J'avoue être très heureux de ne pas avoir un député frondeur car sinon je ne suis pas sur que je lui renouvellerais mon soutien aux prochaines législatives. Dès l'élection de François Hollande, les militants et certains députés ont tenu à affirmer leur libre-arbitre, se refusant un poste de "député godillot". Il y a pourtant un grand écart entre avoir le droit de dire ce que l'on pense, d'amender un projet gouvernemental et voter contre pour faire tomber ce projet.

Les conséquences des actes des frondeurs risquent d'être très dures, voire néfastes, pour la suite du quinquennat. Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis devraient essayer de mettre en place un règlement contraignant pour les députés socialistes. Tout comme les députés frondeurs, les deux hommes préparent aussi leur congrès. Une majeure partie des militants attendent du gouvernement qu'il agisse dans le respect de l'impulsion donnée par François Hollande. François Hollande n'a pas gagné la primaire sur un programme penchant fortement à gauche, il a gagné avec un programme social-démocrate capable de rassembler beaucoup de Français afin d'empêcher Nicolas Sarkozy de faire un second mandat. Telle la mouche du coche, l'action des frondeurs risquent d'être contre-productive à terme. Ces frondeurs ne sont-ils pas en train d'achever une crédibilité socialiste quand une union permettrait de redonner un nouveau souffle au quinquennat ? Aujourd'hui, ces frondeurs ne doivent représenter que 15% des députés, et surement autant de militants au sein du Parti Socialiste. En parallèle, ceux qui se positionnent plus à gauche que la ligne gouvernementale ne réussissent pas à convaincre dans les urnes.

Il n'est bien sur pas question de demander aux frondeurs de renoncer à leur ligne politique, en revanche il doit être possible de demander plus de soutiens de la part de ces frondeurs sur certains sujets. La lutte pour l'emploi des jeunes, la prise en compte de la pénibilité, l'accent porté sur l'éducation nationale, les hausses de l'allocation de rentrée scolaire, la défense de l'accès à l'IVG, le mariage pour tous, la règlementation plus stricte les emplois à temps partiels, tous ses sujets ont été traités par le gouvernement, tous ces sujets ont été repris de la liste des chantiers prioritaires tels que le définissait Pascal Cherki, député frondeur à forte visibilité, lors de sa campagne aux législatives de 2012. 

Les frondeurs aiment à dire qu'ils n'ont pas été élu pour cette politique, oubliant de rappeler tout ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire, et qui va exactement dans le sens de leurs attentes et surtout de celles de leurs électeurs. C'est cette mauvaise foi et cette absence de soutien public qui pousse à bout les plus loyalistes au gouvernement. C'est ce comportement qui donne une mauvaise opinion de la gauche, qui parait juste bonne à critiquer.

Cette semaine qui arrive est une semaine de congés à l'Assemblée Nationale. les débats reprendront le 3 mars avec la suite du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale. Espérons que cette coupure puisse être bénéfique pour calmer les esprits et repartir sur des bases plus saines...

Vivement la semaine prochaine !

10 commentaires:

  1. voilà qui recadre bien les choses
    merci

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  2. Vous défendez plus une politique bassement politicienne qu'une politique basée sur des convictions. Il ne faut pas s'étonner après que beaucoup de français ne se déplacent plus pour voter ou pire, votent Fn...

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    1. Les "frondeurs" ont encore des convictions progressistes visiblement, ce qui n'est le cas ni du premier sinistre ni de macron.

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    2. Ce n'est pas parce que nos convictions divergent sur certains points que l'on n'a pas de convictions.

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  3. Je retiens deux choses (pour faire court):

    1. "L'utilisation du 49-3 peut donc être vu comme une mesure de respect du travail parlementaire plutôt que d'une forme de déni de démocratie" . Fallait oser

    2. "Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis devraient essayer de mettre en place un règlement contraignant pour les députés socialistes". Après ça, si le gens hurlent à la Diktatoure socialisse, faudrait se plaindre.

    PS: c'est une critique, juste un constat.
    Bonne semaine.

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    1. Pour le deuxième point, je ne dis pas (ou du moins je ne voulais pas dire) que je souhaite un règlement contraignant. Je dis juste que c'est ce qui risque de se passer, ceci à cause d'un comportement de quelques députés qui ne jouent pas le jeu entièrement.

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    2. Ce qui est drôle tout de même, c'est le fait qu'on a deux "non-élus" (Manuel Valls nommé par Pépère, et Cambadelis, à Solférino sans vote des militants ), c'est à dire deux types sans mandat électif qui reprochent aux Députés (élus au suffrage des citoyens) de ne pas jouer ... au fait , à quel jeu?. Et, ce sont les "pas élus" par les français qui causent au "nom des français", c'est drôle non? la politique, c'est terrible...

      Mais bon.

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    3. Ca fait deux fois que tu reproches à Valls de ne pas être élu. Tu considères qu'un Premier Ministre n'a aucune légitimité ? Les députés ont pourtant voté la confiance au gouvernement lors de la déclaration de politique générale qui a suivi chaque nomination d'un gouvernement.

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  4. et il a au moins deux décennies de député (-maire un temps) d'Evry dans le 91

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