lundi 22 août 2016

Montebourg candidat et grand nettoyeur du quinquennat

Il y a deux ans, à Frangy, Arnaud Montebourg sortait du gouvernement et emmenait avec lui Benoît Hamon. A l'époque le dernier était invité par le premier à la traditionnelle Fête de la Rose locale. Les deux ne trouvaient plus leur place dans ce gouvernement qui ne les écoutaient pas assez d'après eux. Cette semaine, les deux sont sortis du bois pour s'annoncer candidats à la présidence de la République.

J'ai lu le discours de candidature d'Arnaud Montebourg. Sa candidature en 2011 m'avait intrigué. Son programme accès sur le patriotisme économique était intéressant même si je ne comprenais pas à l'époque comment ce projet pouvait s'intégrer dans une Union Européenne qui m'est chère. François Hollande ne s'est pas trompé en l'appelant dans un Bercy peut être trop chargé en ministres pour qu'il défende le "made in France".

Ma première surprise dans son discours de candidature est qu'à première vue Montebourg est devenu beaucoup plus modeste qu'il n'y paraissait il y a encore deux ans. Pour l'ancien ministre, tout serait à jeter depuis 2012 :
"Pour moi comme pour vous peut-être, le bilan de ce quinquennat n’est pas défendable. Des erreurs ont été commises sur le chemin qui nous a mené là et j’en prends ma juste part."

Puisque rien n'est défendable, ma deuxième surprise est un peu plus atténuée mais est néanmoins notable. Jamais dans le texte de son discours Arnaud Montebourg ne nomme François Hollande. Résultat, quand il s'adresse à lui "librement et fraternellement", c'est pour lui demander ne pas briguer un deuxième mandat. La question qui se pose est dans quel cadre l'ancien ministre voit sa candidature. La voit-il dans le cadre de la primaire que souhaite organiser Parti Socialiste ou est-ce une candidature personnelle ? Car s'il s'agit d'une candidature dans le cadre d'une primaire, il sait, lui qui fut l'un des principaux demandeurs de la primaire de 2011, que le perdant s'engage à soutenir le candidat vainqueur. Pourtant aujourd'hui, le nouveau candidat ne semble pas prêt à un quelconque ralliement, et surtout pas envers le Président dont on ne dit pas le nom :
"Voilà pourquoi j’aurais aimé avec vous aujourd’hui pouvoir appeler à ce soutien.
Mais en vérité, cela n’est pas possible, cela n’est pas souhaitable.
"

Passé ces surprises, qu'y a-t-il dans ce projet pour la France qui aurait été écrit suite à de nombreuses consultations ?

Bien sur le premier point est le "redécollage de l'économie française". Pour cela, il y a aura plus de formations pour les chômeurs. Est-ce comme ce que François Hollande essaye de mettre en place depuis 4 ans ? Ou prend-il exemple sur lui-même ? Car comme il le précise :
il y a deux ans jour pour jour, j’ai fait le choix de retourner parmi les Français. Je me suis formé, comme le font des millions de Français en transition professionnelle.
Sa formation a duré 4 semaines et aurait couté 34 500€. Le budget de la formation professionnel va avoir besoin d'un sacré coup de pouce !

Le principal point de cette partie de son programme n'est pas la formation mais le patriotisme économique. Sur ce sujet, le candidat a plusieurs propositions dont le favoritisme dans l'attribution des marchés publics. Je salue l'honnêteté d'Arnaud Montebourg sur le sujet quand il annonce
Bien entendu, la Commission européenne s’opposera à certaines de ces décisions au nom du dogme de la concurrence libre et non faussée. Mais il s’agit là pourtant de mesures réparatrice des dégâts créés par les plans d’austérité européens que l’Union Européenne aurait été bien inspirée de corriger par elle-même. En tout état de cause, si la Commission européenne prend des mesures de sanction contre la France, nous paierons les amendes, nous assumerons les sanctions, car je préfère payer des amendes plutôt que laisser mourir l’économie française.
Si le volontarisme de Montebourg me plait, son mépris de l'Union Européenne me déplaît au plus haut point. Certes l'Union Européenne aujourd'hui n'est pas celle rêvée mais comment appeler à la désobéissance nationale et essayer ensuite de faire respecter par les autres pays le "nouveau traité de Rome" qu'il souhaite mettre en place ?

Le programme esquissé du candidat veut aussi rénover la Ve République. Par exemple le candidat souhaite revenir au septennat mais non renouvelable afin d'arrêter la campagne présidentielle permanente. Sauf qu'avec des législative tous les cinq ans et un électorat français fort porté sur l'alternance, on s'oriente vers une cohabitation régulière et donc une dissolution de l'Assemblée Nationale toute aussi régulière.
Montebourg veut aussi diminuer le nombre de parlementaires: diminuer le nombre de députés et réserver une part à la proportionnelle intégrale et diminuer le nombre de sénateurs et supprimer l'élection sénatoriale pour avoir à la place une moitié des places réservées au tirage au sort des citoyens. Si je suis ni pour ni contre la diminution du nombre d'élus, je ne comprends pas cette drôle de nomination du Sénat. Avant de laisser un pouvoir de contrôle au niveau national au hasard, ne devrait-on pas faire des expériences locales ou régionales ? Que nous garantit que 100 personnes nommées au hasard seront plus motivées et plus impartiales que 100 personnalités politiques élues ?
Autre proposition pour rénover nos institutions, modifier le Conseil Constitutionnel :
Le Conseil Constitutionnel sera dépolitisé dans sa composition et ne pourra plus être saisi que par les citoyens et non plus par les parlementaires.
Aujourd'hui le Conseil Constitutionnel est composé par d'anciens politiques mais aussi par de nombreux juristes et même parfois par des universitaires ou autres professions, d'ailleurs je conseille de lire l'excellent livre de Dominique Schnapper, Une sociologue au Conseil Constitutionnel. Dans ce livre, on y comprend mieux les rouages de cette discrète institution. Si l'on peut discuter de l'intérêt d'avoir les anciens présidents nommés comme membres d'honneur, je ne pense pas que le reste de la composition du Conseil ait besoin d'une toilette. Je suis aussi convaincu qu'il est important de laisser le droit aux parlementaires de saisir le Conseil. Ce sont eux qui sont au plus proche de la fabrication de la loi. Si on laisse cette possibilité aux citoyens, comme souvent avec les QPC, les réserves seront principalement soulevées lors d'affaires impliquant des personnes assez puissantes pour avoir connaissances des rouages et accès aux bons avocats. Entre temps d'autres citoyens lambda auront largement eu le temps de payer les pots cassés d'une loi inconstitutionnelle.

Je ne crois pas que Montebourg parte sur la bonne direction. Il annonce un programme socialiste mais pas uniquement car également écologiste et "gaulliste social". Pourtant il veut remettre en cause toutes les institutions imaginées par de Gaulle, illustre président mais qui n'est pas vraiment au panthéon de la gauche. Il se veut écologiste mais prend soin de ne pas évoquer le cas du nucléaire français, pourtant pan non négligeable de l'industrie française. Il ne veut rien assumer du bilan de François Hollande alors que de nombreux points sont positifs comme l'éducation (qui mérite dans son discours un paragraphe creux et sans proposition), la justice (pas un mot dans son discours) ou la lutte contre les inégalités.

Je vous invite bien sur à lire son discours pour y trouver de nombreuses informations passées ici sous silence et vous faire votre propre idée mais pour le moment, je n'ai pas l'impression que ce discours arrive ni à rassembler les militants de gauche, ni à convaincre une majeure partie de l'électorat français. Arnaud Montebourg reste néanmoins une affaire à suivre et surtout quel sera son avenir aux côtés de Benoit Hamon.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire