samedi 30 juin 2012

Sous le soleil de Palestine (4) : la ségrégation


Vue du mur vers le Checkpoint de Bethléem
Il y a 21 ans, le 30 juin 1991, l'Afrique du Sud mettait fin à l'apartheid. C'est le jour idéal pour mettre en avant le plus gros point noir de la situation actuelle en Israël et dans les Territoires Palestiniens, le traitement des Palestiniens.

Il y a 3 sortes de Palestiniens et chacun d'entre eux souffre de discrimination.

Les Palestiniens de 48 (ou Palestinien d'Israël), c'est à dire ceux qui sont restés en Israël après la création de l'état, semblent être considérés comme des ennemis de l'intérieur. Ils sont exemptés de service militaire alors que les Israéliens juifs ont un service obligatoire de 3 ans et les Israéliennes juives doivent servir deux ans. De plus, il leur est interdit de s'inscrire à certains programmes à l'université comme ceux traitant du nucléaire par exemple.
Il pourra circuler librement en Israël et en Cisjordanie mais est interdit d'entrer dans la bande de Gaza.
Si un-e Palestinien-ne de 48 est marié-e à un-e Palestinien-ne originaire de Gaza, la personne venant de Gaza sera toujours considéré comme n'ayant pas de nationalité, même si le couple vit en Israël. Qui dit pas de nationalité, dit pas de passeport et donc l'impossibilité de voyager à l'étranger !
Il y a tout de même des améliorations. Jusqu'en 1966, un Palestinien de 48 avait besoin d'un "permis spécial" délivré par les Israéliens pour avoir le droit de circuler hors de son lieu de résidence (que ce soit pour travailler, se soigner ou ses loisirs).

Les Palestiniens de Cisjordanie vivent, comme leur nom l'indique, en Cisjordanie. Ceux-ci vivent depuis 2002 derrière le Mur de séparation. Ce mur est construit contre tout accord internationaux. Il a été considéré comme illégal par la Cour Internationale de La Haye et summum de provocation, il ne respecte même pas le tracé des frontières de la Cisjordanie.
Pour pouvoir se rendre à Jerusalem, même Jerusalem Est qui fait partie des Territoires Palestiniens, le Palestinien de Cisjordanie a besoin d'une autorisation de l'état Israélien. Cette autorisation ne peut être obtenue qu'en ayant un contrat de travail ou une prescription médicale. Dans ce dernier cas, j'ai rencontré une personne agée qui a du attendre 10 jours avant d'avoir le droit de se rendre au service cardiologie d'un hôpital de Jerusalem ! De plus, tout malade ayant une autorisation doit se rendre seul en Israël, sans accompagnant. Le Palestinien musulman ne peut donc aller prier sur l'esplanade des Mosquées et le Palestinien chrétien ne peut se rendre au St Sépulcre ou à Nazareth...
La sortie de la Cisjordanie vers Israël est soumise à la traversée d'un checkpoint vérifiant si les papiers sont bien en ordre. Mais ces checkpoints de contrôle se tiennent également sur les routes de Cisjordanie (de façon fixe comme de façon mobile). Un Palestinien ne peut donc pas circuler librement et facilement sur son propre territoire. Il est d'ailleurs assez incroyable de voir la crispation immédiate d'un chauffeur de taxi lors d'un checkpoint inattendu. De nombreux faits de violence ou d'humiliation sont également liés à ces postes de contrôle. Lors de mon précédent voyage, j'avais pu voir des soldats israéliens en train de s'amuser à faire reculer, puis avancer puis reculer et ainsi de suite des files d'attente, juste pour s'amuser des ces gens laissés à leur merci. Entre 2000 et 2006, au moins 112 Palestiniens sont morts à un checkpoint et 69 femmes ont accouché à l'un de ces points de contrôle !
Ces checkpoints encadrant donc les villes Palestiniennes en plus de la frontière, si une personne est sans papier en Palestine, elle ne peut pas sortir de la ville car obligatoirement elle se fera contrôler ses papiers.
Pour faciliter les contrôles en Israël, il y a deux types de plaques d'immatriculation pour les voitures palestiniennes. Les plaques jaunes, identiques aux israéliennes, pour ceux possédant une autorisation de circuler sur le territoire israélien et les plaques blanches pour ceux coincés en Cisjordanie. Inutile de préciser que la majorité des plaques sont blanches...

Enfin, il y a les Palestiniens de Gaza, eux sont coincés derrière un mur depuis 1994. Je n'en ai pas rencontré puisqu'il est interdit de rentrer à Gaza quand on est touriste. Je signalerai donc uniquement l'incroyable voyage que doit faire un Gazaoui veut rejoindre la Cisjordanie. Il doit sortir par le poste de frontière égyptien de Rafa, puis rejoindre la Jordanie et entrer en Cisjordanie par le poste frontière du pont Allenby, le seul poste frontière entre la Cisjordanie et un autre pays qu'Israël. Sans contrôle et sans interdiction de traverser Israël, il faudrait à peine plus d'une heure de trajet !


Voici un aperçu des discriminations que j'ai pu rencontrer. J'ai volontairement oublié les Palestiniens des camps de réfugiés, leur situation est encore complexe à mes yeux. Tous ces exemples sont véridiques mais non exhaustifs. Il faudrait aussi chercher dans le monde du travail les différences dans l’accessibilité à certains postes et les différences de salaires entre autres. Par exemple lors de ma réservation d'une voiture de location à Jérusalem, je n'ai pu voir que des Israélien(ne)s derrières les bureaux et que des Palestiniens en sous-sols pour s'occuper des voitures...

21 ans après la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, même si sous le soleil de Palestine les discriminations ne sont pas au niveau africain, une véritable ségrégation existe. Si l'Afrique du Sud a été mise au ban des nations jusqu'au début des années 90, on peut légitimement s'étonner du manque de sanctions envers l'état d'Israël, ne serait ce que contre la construction de ce mur...
Peinture sur le Mur à Bethléem
Pour finir sur une note positive, les Palestiniens apprennent à vivre avec le Mur. Dimanche soir, comme depuis le début de l'Euro, un bar de Bethléem diffusera le match en plein air en le projetant sur le mur, en face de sa terrasse !

Edit du dimanche, 8h: Surtout, lisez aussi le 1er commentaire, il complète très bien la situation exposée ici.

2 commentaires:

  1. J'ajouterai encore un type de Palestiniens pour rendre la situation encore plus complexe : les Palestiniens de Jérusalem, qui, eux, ont une pièce d'identité "bleue" c'est-à-dire une pièce d'identité israélienne (la pièce d'identité palestinienne étant verte), mais ils n'ont que cette pièce d'identité (dite I.D) contrairement aux Palestiniens de 48 qui ont le passeport israélien. Ces Palestiniens de Jerusalem ont sur leur I.D. une note qui dit "Nation : Arabe" (et il me semble que cela est également sur le passeport des Palestiniens de 48) et cette I.D. montre qu'ils ont une autorisation de résidence (ce qui signifie en clair qu'ils ne sont pas considérés comme étant chez eux, d'où la possibilité de les expulser si une famille juive dit posseder une terre comme ce fut le cas très dernièrement à Sheikh Jarrah et à Beit Hanina). Mais ils ont un passeport jordanien (dans lequel il y a une note qui précise qu'ils ne sont pas résidents jordaniens). S'ils veulent voyager, soit ils passent par la Jordanie comme les Palestiniens de Cisjordanie, soit certains peuvent passer par l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv s'ils ont un laisser-passer délivré par les Israéliens.

    Et bien sûr comme tu le dis il y a aussi les réfugiés en Cisjordanie et Gaza et ceux dans les pays arabes autour ainsi que les Palestiniens de la diaspora qui pour beaucoup ont perdu les papiers qui prouvent légalement leur "palestinitude".

    Une phrase de Mahmoud Darwish extraite de "Journal d'une blessure palestinienne" sur la question de ce qu'on appelle les "présents-absents" (je n'ai pas de traduction, donc c'est ma propre traduction mais le sens y est) :

    « Vous voulez voyager en Grèce ? Vous demandez un passeport, mais vous découvrez que vous n’êtes pas un citoyen parce que votre père ou un membre de votre famille a fui avec vous pendant la guerre de Palestine. Vous étiez enfant. Et vous découvrez que tout Arabe ayant quitté son pays pendant cette période et ayant tenté d’y retourner avait perdu son droit à la nationalité.

    Vous désepérez du passeport et demandez un laissez-passer. Vous vous rendez compte que vous n’êtes pas un résident d’Israël parce que vous n’avez pas de certificat de résidence. Vous pensez que c’est une plaisanterie et courez le dire à votre ami avocat : « Ici, je ne suis pas citoyen, et je ne suis pas résident. Alors où et qui suis-je ? » Vous êtes surpris de voir que la loi est de leur côté, et vous devez prouver que vous existez. Vous demandez au Ministère de l’Intérieur, « Suis-je ici, ou suis-je absent ? Donnez-moi un expert en philosophie de sorte que je lui prouve que j’existe. »

    Sur les présents-absents, voir également le film d'Elia Sulaiman "The time that remains : Chronicle of a present-absentee" (décalé comme tous ses films mais pas mal!) :)

    Din syster :)

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  2. Quel commentaire! Un véritable billet! Merci pour ces précisions, je rajoute dans mon billet qu'il faut te lire jusqu'au bout.

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