Aujourd'hui dans le Parisien, le député parisien Jean-Marie Le Guen est revenu à la charge sur le sujet des Salles de consommation supervisée, appelées aussi "salles de shoot" ou "salles de consommation à moindre risque" comme les appellent ActUp et d'autres associations.
Qu'est
ce qu'une salle de consommation à moindre risque ? Il s'agit d'un centre
ouvert à tous, gratuit d'accès et offrant la possibilité aux toxicomanes
d'y consommer leur propre produit dans un lieu fermé et propre. Ces
centres sont tenus par des spécialistes de la santé présents pour
garantir le bon état des lieux, offrir une présence et une possibilité
de discuter avec les toxicomanes présents. Ce personnel est également
présent pour aider l'usager s'il souhaite se désintoxiquer. Ces centres
existent déjà dans de nombreux pays européens tels que la Suisse, les
Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne, le Luxembourg et la Norvège. On trouve
également ce type de centres au Canada et en Australie depuis de
nombreuses années.
Ces centres de consommation n'ont évidemment pas pour but de fournir
en drogue les toxicomanes de passage. Leurs raisons d'être sont
multiples mais toujours orientées vers un véritable souci de santé
publique. Tout d'abord ces centres, en accueillant des toxicomanes,
permettent d'éviter à ces derniers de consommer leur drogue dans la rue,
dans des parcs ou dans des cages d'escaliers. On évite donc la
conséquence directe d'une consommation de drogues dans la nature qui est
la présence de seringues (les principaux utilisateurs de ces centres
sont des héroïnomanes) dans des endroits inappropriés. Ensuite, ces
centres étant encadrés par des équipes qualifiées (médecins,
psychologues), les usagers voient leur consommation surveillée. Le
personnel peut suivre les usagers, les aider en cas de venue trop
fréquente ou de tentative de consommation dans des états inappropriés.
Selon les personnes, une discussion pourra avoir lieu pour comprendre la
cause de l'addiction voire pour aider le toxicomane à commencer ou à
réussir une désintoxication.
L'idée d'expérimenter des centres de consommation n'est pas récente
et ce n'est pas la première fois qu'elle est avancée, notamment à Paris.
Suite au rapport de l'INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) publié en juin 2010, Roselyne Bachelot,
alors ministre de la Santé, avait déjà évoqué son envie de tenter
l'expérience. Elle avait été sèchement rabrouée par François Fillon
considérant ces centres "ni utiles, ni souhaitables".
En appui à cette tentative et suite à des nombreuses demandes du groupe
écologiste parisien, le Conseil de Paris a mis ce sujet à l'ordre du
jour à l'automne 2010 et a voté une résolution
permettant l'ouverture de centres de consommation dès que l’État le
permettrait. En mai 2011, des élus se penchent de nouveau sur la
question, principalement en observant l'expérience espagnole. En octobre 2011, Jean-Marie Le Guen, encore lui, organise un débat à
l'Hôtel de Ville de Paris avec des intervenants canadiens, suisses et
hollandais pour évoquer les situations de ces pays en avance sur nous
sur le sujet.
Sans surprise, aujourd'hui la réaction de l'UMP ne s'est pas faite attendre et un communiqué de presse
tire à boulets rouges sur cette demande du député socialiste. Encore
une fois, l'UMP nous montre son conservatisme. Pour eux, la meilleure
prévention est la répression, et un toxicomane un délinquant. Le
problème avec cette vision est que quelle que soit la prévention mise en
œuvre, quelle que soit l'intensité de la lutte contre le trafic de
drogues, il y aura toujours des toxicomanes. Pour ces derniers, leur
offrir la prison comme unique horizon ne peut être une solution, surtout
quand des études comme celle publiée par le Sénat
prouvent que la consommation de drogues dures persiste en prison et
qu'il y est difficile de se soigner et d'avoir accès à des produits de
substitution. Il est donc nécessaire d'organiser un suivi de ces
toxicomanes, les aider dans leur dépendance et si possible dans leur
recherche d'indépendance. A chaque tentative de création d'une nouvelle
technique de prévention, on a toujours le droit aux mêmes cris
d'indignation, que ce soit lors de la mise en place des Programmes
d'Echange de Seringue ou pour faciliter l'accès aux préservatifs.
Pourtant à chaque fois, l'idée de base est la même : protéger. Protéger
les usagers, mais aussi leurs proches et à plus grande échelle la
société entière. Un héroïnomane qui se drogue dans des conditions
insalubres (mauvaise hygiène, réutilisation de seringues, etc.) augmente
la probabilité de développer une maladie ou une infection pouvant se
transmettre à ses proches ou affecter directement ou indirectement ses
proches (transmission du VIH à son enfant par exemple). Un héroïnomane
se droguant dans une cage d'escaliers ou dans un parc va dégrader
l'image du lieu et empêcher une possible réhabilitation des lieux, dans
ce cas toute la société en pâtit.
C'est pourquoi je soutiens l'initiative de Jean-Marie Le Guen. Ce
n'est pas faire preuve de laxisme ni de prosélytisme pour l'usage de
drogues que d'encourager l'ouverture de centres de consommation. C'est
pourquoi j'encourage le gouvernement à écouter l'appel du député Le Guen
mais aussi des associations concernées ainsi que les recommandations de
l'INSERM pour autoriser ce genre de centre en France. La ville de Paris
est déjà prête à ouvrir un ou plusieurs centres de consommation et
n'attend que le feu vert du gouvernement. J'espère que le gouvernement
osera et aura le courage de se lancer dans une telle initiative.
Pour avoir une idée de ce qu'est une salle de consommation surveillée, voici un reportage diffusé sur France2 en avril 2010 :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire