jeudi 9 février 2012

Manifeste pour la Justice

Lundi soir, j'ai assisté à une soirée du club DJS au théâtre Dejazet, DJS pour Droits, Justice et Sécurités. Cette soirée, animée par Edwy Plenel de Mediapart, avait pour objectif de présenter les grandes lignes du Manifeste pour la Justice, manifeste collectif présentant des axes de réformes pour une meilleure justice en France. Pour chaque domaine présent dans le manifeste, un ou plusieurs intervenants spécialistes du sujet (universitaires, avocats, magistrats) sont venus à la tribune pour nous présenter une partie de leur travail. Nous avons donc pu entendre entre autre des constats et des propositions sur des thèmes comme
  • la Justice des mineurs (présentée par Pierre Joxe reconverti avocat spécialiste des mineurs) qui demande de l'écoute, des peines aménagées selon les cas, et surtout qui demande de ne pas considérer un enfant comme un adulte,
  • la Justice sociale (qui m'était totalement inconnue) sur les contentieux avec les services sociaux,
  • le besoin de nouveaux droits, par exemple la possibilité de réaliser des actions de groupe
  • la bonne exécution et l'efficacité des peines. C'est à dire des peines qui retrouvent tout leur sens en étant exécutées peu de temps après les faits et le jugement (aujourd'hui 100 000 peines ne sont pas appliquées faute de moyen humain et financier). En revanche, il n'est pas nécessaire de tout axer sur l'emprisonnement, d'autres solutions existent.
  • une justice proche et accessible. Plus proche car plus un tribunal est éloigné des plaignants, plus l'accès à la Justice est difficile, particulièrement pour les plus modestes. Plus accessible car l'accès à l'aide juridictionnelle est soumise au revenu et n'est possible que pour ceux dont le revenu est inférieur à 1 200€ par mois.
 A la fin des différentes interventions, François Hollande est intervenu durant une vingtaine de minutes pour présenter ces propositions sur la Justice et la Sécurité. Ce discours aura surement satisfait de nombreux intervenants vu les points repris par le candidat socialiste. François Hollande est parti du même constat que les intervenants, la Justice dans son ensemble a été mise à mal depuis 2002, avec l'accumulation de lois après chaque faits divers, avec un président depuis 2007 qui a continué à être 1er flic de France au lieu d'être le garant des différentes institutions.
François Hollande a donc commencé la présentation de ce pan de programme en rappelant que la Justice serait un des 3 secteurs prioritaires en terme de création de postes. Ensuite il a exposé ses 3 grands principes:
  1. La Justice doit être accessible à tous.
    Pour rendre l'accès à la justice plus simple et plus compréhensible, il veut créer un guichet unique de greffe, comme déjà testée dans certaines villes. Il cherchera aussi à améliorer l'aide juridictionnelle, que ce soit pour qu'elle soit accessible plus de personnes mais aussi pour qu'elle soit plus valorisante pour ses acteurs.
    François Hollande a énoncé 5 réformes:
    • Unifier les différentes justices sociales (comme le proposait Frédérique Cassereau)
    • Instaurer les actions de groupe (comme souhaité plus tôt par Thomas Clay)
    • Augmenter les pouvoir de l'Autorité de la concurrence
    • Assurer la protection des sources des journalistes
    • Instaurer un habeas corpus numérique pour garantir les droits et les libertés face à la présence de plus en plus massives des nouvelles technologies dans la vie quotidienne.
  2. La Justice doit être efficace.
    L'objectif est de ne plus reproduire l'erreur dans la justice pénale avec la promulgations de 30 lois votées en moins de 10 ans.  Ces principales réformes:
    • Revenir sur les peines planchers qui n'évitent pas la récidive. Il faudra trouver des peines adaptées et pleinement exécutables.
    • Conforter la justice des mineurs en ayant des sanctions rapides et proportionnées et surtout accompagnées de mesures éducatives. D'où le doublement du nombre de centres éducatifs fermés, sans oublier d'autres solutions en milieu ouvert.
    • Donner les moyens nécessaires à la Protection Judiciaire de la Jeunesse pour assurer le suivi et l'accompagnement des jeunes purgeant des peines en milieu ouvert pour les aider à ne pas récidiver.
    • Développer des peines alternatives à la prison pour en finir avec la stratégie du tout emprisonnement.
  3. La Justice doit être indépendante.
    Il est nécessaire que la République renoue avec ses valeurs morales pour montrer que personne n'est au dessus de la Justice. L'exemple de la lutte pour préserver les juges d'instruction est le symbole de ce quinquennat de la lutte du pouvoir judiciaire pour garder son indépendance. Donc pour garantir cette indépendance, il sera nécessaire de
    • Réformer le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) qui sera composé de magistrats et non magistrats nommés par le parlement et avec des pouvoirs élargis
    • Tous les magistrats du Parquet seront nommés par le CSM, ce dernier ne pourra donc plus être soumis à l'influence du gouvernement
    • La Cour de Justice de la République, seule à être autorisée à juger ministres et anciens ministres, sera supprimée. Tous seront soumis au droit commun.
    • Le statut pénal du Président de la République sera revu pour que lui aussi ne soit pas au dessus des lois durant son mandat, pouvant échapper ainsi à la Justice pendant plus de 10 ans.
    • Enfin, la Justice Européenne est aussi évoquée pour pouvoir lutter efficacement contre le blanchiment d'argent. En accord avec les pays européens, plus de pouvoirs seront donnés pour réaliser des enquêtes transfrontalières.
Je m'excuse pour l'aspect catalogue de ce billet mais devant le nombre de propositions faites par les intervenants et quasi intégralement reprises par François Hollande, je ne me voyais pas sélectionner seulement une partie d'entre elles.
Le nombre de propositions montre dans quel état est la Justice après 10 années de droite au pouvoir. Entre les améliorations annoncées jamais réalisées (comme les actions de groupe), les constats de dysfonctionnement de l'appareil judiciaire (par exemple l'affaire Bettencourt / Woerth et le juge Courroye), les retours en arrières essentiels (sur les peines plancher et la rétention de sureté, sévèrement critiqués par les associations de défense des Droits de l'Homme), que de choses à entreprendre. La bonne nouvelle est que nombreuses sont les propositions citées qui ne demandent pas tant de frais que ça et sont donc réalisables même en attendant la sortie de la crise actuelle. 
Cette soirée fut extrêmement enrichissante. Je ne peux que conseiller à ceux que le sujet intéresse de lire le Manifeste pour la Justice édité aux éditions du Cherche-midi.

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