lundi 20 août 2012

Viols, ça vous excite ?

C'est l'été, la canicule, temps idéal pour la lecture, la détente et donc les éditions "spécial été" des magazines. Imaginez vous à présent en train de lire un de ces magazines et d'y lire dans le dossier annoncé en Une le récit de Lara : 
"une héroïne toute fraiche et pimpante. Elle a 21 ans. Elle arbore un visage juvénile, des formes tout ce qu'il y a de plus décentes et un accent snobinarde anglaise qui la rend à la fois sexy et insupportable."
Son histoire se gâte quand :
"Lara est de nouveau capturée par des bad guys. Et encore une fois la tension sexuelle malsaine est à son comble. La miss est plaquée au sol, les mains attachées dans le dos."
"L'ambiance sonore est saturée des gémissements de la belle et des insultes grivoises proférées par ses agresseurs".

Non vous n'êtes pas en train de lire le récit d'un témoin dans un magazine du style du "Nouveau détective".

Dans ce même dossier, il est possible d'y lire qu'il s'agit d'"une punition à l'encontre d'une héroïne-starlette qu'il faut remettre à sa place, quitte à l'humilier et à la souiller sans ménagement", car "Oui Lara prend cher".
Mais rassurez-vous : "Bon ici, il n'y a pas de viol à proprement parler. Mais les aventures de Lara sont suffisamment éloquentes et suggestives pour qu'on puisse y voir des métaphores obscènes"
L'auteur est conquis et essaye de transmettre son envie à ses lecteurs : "Ca tombe bien : pervers, je le suis aussi", "et si j'osais, je dirais même que c'est assez excitant".

En lisant ces extraits, vous pensez être devant une sordide revue porno interdite aux moins de 18 ans et un dossier sur le sexe violent. Cela pourrait être possible puisqu'on lit au début du dossier que "tant pis si pour aboutir à un résultat séduisant, il faut malmener l'héroïne autant que peut l'être une actrice de gonzo SM". Mais non, ce n'est toujours pas la bonne réponse. 

En réalité, si vous lisez ces lignes, vous êtes en train de lire un des plus connus des magazines sur les jeux vidéos. Qui dit jeu vidéo, dit un lectorat cible allant du jeune adolescent au joueur adulte confirmé, pas sur que ce soit le meilleur des publics, s'il devait en exister un, pour encenser un jeu en vantant le viol soit disant esthétique et excitant de sa jeune héroïne...

Je tenais donc à saluer la performance de ce magazine pour avoir réussi à publier un dossier contenant une apologie du viol. Contrairement à l'éditeur du jeu qui lui s'abrite derrière un âge limite pour se défausser de sa responsabilité (le site web du jeu est interdit au moins de 18 ans), le magazine lui ne voit rien d'anormal dans ses propos ni dans son public et l'explique ouvertement sur sa page Facebook.

Si j'étais choqué en lisant l'extrait du magazine en question, je le suis encore plus après avoir lu leur réponse. Tous les ans en France, 198 000 femmes sont victimes de viols ou de tentatives de viol. Il est encore difficile aujourd'hui de faire reconnaitre une tentative de viol, trop d'idées reçues persistent autour de ce sujet. Alors trouver un viol ou une tentative de viol comme une idée excitante et très bien trouvée pour un nouvel épisode d'une série de jeu vidéo est surement la pire façon d'introduire ce jeu.

Fans de Lara, n'ayez crainte. Si on se fie aux déclarations stupides et moyenâgeuses d'un candidat républicain au Sénat, Todd Akin, l'héroïne ne risque pas de tomber enceinte, "un véritable viol provoque rarement une grossesse". Comme quoi il y a encore du boulot à faire quelque soit le continent où l'on se trouve...

6 commentaires:

  1. Oui, il y bien du boulot. Et pas besoin d'aller bien loin ailleurs ou en arrière : il y a peu, on excusait l'immonde en devisant : ce n'était que du "troussage de domestique" proclamé sans retenue par des hautes personnalités !
    Bobillet...

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  2. Aucune réaction d'associations ? Il n'y a pas de contrôle avant la commercialisation d'un jeu même s'il est interdit au moins de 18 ans ? Désolé pour toutes ces questions mais je suis choquée, je n'y connais rien en jeux vidéo, et je ne comprends pas qu'il n'y est pas plus de réaction !

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    1. En ce qui concerne le jeu vidéo, il y a des contrôles pour autoriser le jeu à partir d'une catégorie d'age. En revanche, j'imagine qu'il doit etre difficile d'interdire la présence d'une scene de viol dans un jeu si elle est autorisée dans une scene de film.

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  3. Alors déjà je ne te remercie pas d'avoir planté mon début de journée, car non seulement le post sur l'article en question est intéressant, mais les autres posts du même auteur sur le sujet du machisme des jeux vidéos sont très intéressant aussi!

    Sinon pour ce qui est de Joystick, j'ai longtemps été abonné à ce magazine qui était quand même excellent fut un temps. Puis j'ai décroché des jeux vidéos faute de temps à y consacrer et donc de leur actualité, que je ne suis plus que de loin (même si bon je joue pas mal encore :P).
    Alors je ne lis plus Joystick, donc je ne sais pas si c'est toujours aussi bon qu'avant dans l'absolu, mais quand je lis ces bribes d'articles je ne m'y reconnais plus du tout.
    D'abord dans les propos, qui sont assez abjects. Certes Joystick à toujours eu un côté décalé, second degré, potache, qui a fait son succès. Mais le côté fondamentalement pervers jamais, et l'excuse du second degré ne fonctionne pas des masses ici j'en ai peur.
    Et ensuite dans le style d'écriture. Joystick était potache et caustique, mais cela passait par une qualité d'écriture certaine, avec des références, pas par une bonne poilade entre pote. En gros on était plus chez Gotlieb que chez Bigard. Bon après je suis un vieux aussi, donc c'est peut être logique que ça ne me parle plus! Mais Canard PC, autre magazine de jeux vidéos fait par des anciens de Joystick de mon époque, continue de s'adresser à un public de gamers, plutôt jeune donc, et j'ai toujours autant de plaisir à le lire.

    Sur le sujet Lara Croft en lui même, il faut avouer que le succès de la saga Tomb Raider réside principalement dans la taille de poitrine de l'héroïne qui a fait fantasmer plus d'un jeune joueur à l'époque, même avec des seins pointus, et moi le premier. Mais si cela pose clairement la question du genre dans le jeu vidéo, on peut aussi aimer voir un joli cul se dandiner à l'écran sans pour autant se délecter que cela tourne au porno ou à la tentative de viol. Il y a quand même là un monde entre les 2 qui fait un peu peur.
    Et finalement ce qui fait le plus peur ce n'est pas tant le studio qui a fait un produit pour le vendre, quitte à faire du sordide (tu cites le Nouveau Détective, preuve que le sordide fait vendre!), ou le journaliste de Joystick qui se laisse aller à ses pulsions et perversions les plus basses dans un article, mais plutôt les réactions des personnes qui ne voient/comprennent pas où est le mal, à la fois dans l'article ou le jeu.

    Ronan

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    1. Inquiétant qu'un journal ne voit pas le mal après relecture de ces lignes, mais aussi inquiétant de voir qu'une héroïne, pour la faire évoluer doit passer par la case viol. Lara Croft fait globalement le même métier qu'Indiana Jones, pourtant le second ne risque pas d'avoir à vivre la même situation.

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