dimanche 1 juin 2014

L'utile réforme pénale de Madame Taubira

Christiane Taubira et Pierre Joxe
Cette semaine s'annonce chargée et tumultueuse à l'Assemblée Nationale puisque les députés vont débattre du projet de loi de réforme pénale porté par Christiane Taubira. Cette réforme pénale est attendue depuis longtemps, avec impatience à gauche, avec crainte à droite. Mais que se cache vraiment derrière cette réforme ?

L'individualisation de la peine et la fin des peines planchers

Nicolas Sarkozy avait tenu à mettre en place les peines planchers pour sanctionner plus durement les récidivistes. L'idée était de croire que la peur d'une peine aggravée suffirait à empêcher la récidive. Les chiffres ne vont pas dans le même sens que cette mauvaise idée. Entre 2007 et 2011, le taux de récidive légale est passé de 8 à 11%. De manière générale, le taux de personnes condamnées à plusieurs reprises est stable (entre 30 et 45% selon les types d'infractions). Autre signe que les peines plancher ne fonctionnent pas, l'Australie qui les avait mise en place en 1997 les a abrogées en 2003 ; de la même façon la Californie est revenue sur son principe « 3 strikes and you’re out » qui instaurait une peine de réclusion à perpétuité pour les personnes condamnées trois fois quelque soit le délit commis.

Le projet de loi de Christiane Taubira propose l'abrogation simple de ces peines planchers. La lutte contre la récidive se fera en accompagnant plus les condamnés, que ce soit en aménageant leur peine ou en préparant leur sortie. Le projet de loi propose aussi de permettre une condamnation en 2 temps dans un procès au pénal. Dans un premier temps, le juge pourra déclarer l'accusé coupable et définir l'indemnisation de la victime. Dans un second temps, après analyse de la situation de la personne condamné, le juge pourra décider de la peine la plus adaptée.


Conforter le droit des victimes

Un des principaux volets de cette réforme concerne les victimes des délits. Aujourd'hui 60% des victimes sont satisfaites de la décision de la justice dans leur affaire. Avant cette réforme, le gouvernement a déjà pris en compte la place des victimes dans une politique globale, que ce soit en créant des centaines de Bureaux d'Aide aux Victimes depuis 2013, en généralisant le téléphone d'urgence pour les femmes victimes de violences ou en relançant des rencontres avec le Conseil National d'Aide aux Victimes, conseil que Nicolas Sarkozy n'avait pas jugé bon de réunir depuis 2010.

Le nouveau projet de loi prévoit que les victimes soient informées de la libération de leur agresseur. Il est également prévu de prendre en compte la nécessité de garantir la tranquillité et la sécurité des victimes. 


La mise en place d'une nouvelle peine, la contrainte pénale

Pour les personnes condamnées à de courtes peines, un séjour en prison a de fortes chances de leur apporter plus de mauvaises rencontres que de sages enseignements. C'était déjà le sens de la réforme de 2009 qui demandait qu'un juge d'application des peines examine la possibilité d'aménager la peine de prison pour les personnes condamnées à moins de 2 ans de détention. D'ailleurs d'un point de vue statistiques, 61 % des personnes sortants de prison sont à nouveau condamnées à l’emprisonnement dans les 5 ans, alors que ce taux chute à 32 % pour les personnes initialement condamnées à un sursis avec mise à l’épreuve.

La nouvelle peine va permettre à un juge de sanctionner un coupable d'une peine en milieu ouvert accompagné d'un programme de responsabilisation. Ce programme de responsabilisation contiendra des contraintes et des sanctions réelles comme des travaux d'intérêts généraux, une obligation de soins, ou une interdiction de fréquenter des lieux ou des personnes. 
Cette contrainte pénale vise principalement les primo-délinquants afin qu'ils ne côtoient pas la violence du milieu carcéral et puissent ainsi éviter de faire parti des 61% évoquer plus haut.


Eviter les sorties sèches de prisons : la libération sous contrainte

Toutes personnes condamnées au plus à 5 ans d'emprisonnement verront leur situation examinée par le juge d'application des peines aux 2/3 de leur peine. A la suite de cet examen, la personne condamnée pourra sortir avec une série d’obligations, un suivi et un contrôle. Elle pourra être placée en régime de semi-liberté ou sous surveillance électronique.
En finissant sa peine en milieu ouvert, la personne pourra commencer sa réinsertion tout en continuant à être suivie par la justice. 

L'idée du projet de loi n'est pas de vouloir vider les prisons comme le clament des députés UMP de mauvaise fois mais de ne pas faire de l'enfermement l'alpha et l'omega de l'arsenal pénal. En préparant la libération des condamnés, en laissant au juge la possibilité de condamner des personnes à des peines adaptées à chaque individu, le projet de loi de Christiane Taubira veut redonner à la Justice ses lettres de noblesses, noblesse écornée par un ancien président plus soucieux des réactions populistes port-faits divers que de la sérénité nécessaire à l'application de la Justice.

Pour conclure cette présentation de la réforme, je vais reprendre les mots de Condorcet qu'a prononcé Christiane Taubira quand elle nous a présenté les principaux axes à la Chancellerie à la fin du moi de mai :
« Qu’importe que tout soit bien, ce qui compte c’est que nous fassions en sorte que tout soit mieux, mieux qu’il n’était avant nous »

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