Christiane Taubira à La Rochelle |
L'événement était noté
dans mon agenda depuis la publication du programme de l'université
d'été du PS à plus d'un titre. Traditionnellement, ce sont les
ateliers ayant pour thème la Justice qui m'intéressent le plus
(j'ai d'ailleurs encore en mémoire la projection du film sur l'activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le débat qui suivit en 2011). De plus cette année, coup de
chance, l'atelier au nom le plus accrocheur traitait du sujet :
« Justice partout, ingérence nulle part ». Enfin,
une des ministres, si ce n'est LA ministre, préférée du peuple de
gauche, Christiane Taubira, est l'intervenante principale. De
nombreux agendas devaient être similaire au mien puisque l'atelier
fut déplacé dans l'auditorium Michel Crépeau, la deuxième plus
grande salle de ces universités estivales, et cet auditorium fit
salle comble, certains militants se sont même vus refuser l'accès
faute de place.
L'après-midi avait bien
commencé pour Christiane Taubira puisqu'elle eut le droit à l'un
des meilleurs comités d'accueil à l'Espace Encan entre nuée de
caméras et nombre de militants scandant son nom et l'applaudissant à
son passage. Le message est clair, Christiane Taubira (qui n'est pas
encartée au Parti Socialiste) est bien LA chouchou des militants,
loin devant Valls, Montebourg et même Royal. Signe fort de sa
popularité, la ministre de la Justice aura le plaisir de voir au
premier rang du public une ancienne camarade de gouvernement, Martine
Aubry.
Symbole de l'impatience
des militants, alors que pour tous les autres ateliers, le ministre
en charge du sujet était le dernier orateur, passant après les
différents invités, pour cet atelier uniquement, la parole fut
donnée immédiatement à la Garde des Sceaux. Le contenu de son
discours allia simplicité, pédagogie et intimité. Si le point à
aborder est léger, elle minaude, si le point est ardu, elle explique
calmement et clairement, si le point est une réponse aux attaques de
l'opposition, elle n'hésite pas à monter le volume et à se
défendre, voire attaquer, vertement.
Sur la méthode,
Christiane Taubira nous a expliqué certaines de ses volontés comme
la volonté de réaliser une grande réforme (« de tout mettre
dans la brouette ») et non une multitude de petites lois (comme
la tant attendue suppression des peines planchers). Cette volonté de
tout regrouper permet aussi d'avoir au moment de l'examen du projet
de loi au Parlement toutes les données pour débattre sur le sujet.
Autre volonté ministérielle qui suit également la démarche chère
à François Hollande, le besoin de synthèse. C'est pourquoi en plus
des différentes commissions et autres groupes de travail, le
ministère a mis en place un « Jury de consensus »
regroupant différents représentant du monde judiciaire mais aussi
un commissaire divisionnaire et un commandant de gendarmerie. Preuve,
s'il l'était encore nécessaire, du travail réalisé en lien avec
ceux qui ont pour objectif de faire respecter l'ordre et faire régner
la sécurité.
Sur le fond, Christiane
Taubira a fourni énormément d'informations également. La première
sur la population pénitencière annonçant la création de 6 500
places de prison supplémentaires. Elle est également revenue sur la
volonté de l'ancien gouvernement de créer 80 000 nouvelles places
sans qu'aucun financement n'ait été prévu à l'époque (soit 20
milliards d'euros à trouver pour la réalisation de cet objectif).
La ministre a tenu a
rassuré les sceptiques (ils n'étaient pas nombreux dans la salle),
si les peines planchers seront abolies, les articles du code pénal
prévoyant le doublement des peines en cas de récidive ne seront pas
touchés par la réforme.
Que ce soit pour les
peines planchers ou pour les remises en liberté, la réforme se veut
être la fin de l'automaticité. La fin des peines planchers
provoquera un retour à l'indivisualisation des peines et permettra
une meilleure prise en compte (grâce à une meilleure mise à
disposition des informations) des dossiers personnels afin de
permettre au juge de définir la peine la mieux adaptée aux cas de
chaque condamné. Les fins de peine seront également revues. D'après
les analyses de la ministre, c'est parce que 90 % des détenus
ont une sortie sèche (donc un retour brutale et non accompagnée à
la liberté) qu'ils sont des récidivistes en puissance. Un des axes
de cette réforme sera donc de prévoir des dispositifs de sortie
progressive (par exemple en laissant un détenu sortir la journée
pour aller travailler tout en l'obligeant à rentrer chaque soir dans
sa cellule).
Enfin, et ceci peut
toujours être mis sous le signe de la fin de l'automaticité, la fin
de la détention comme l'alpha et l'omega de la palette des peines.
Sanctionner ne doit plus être systématiquement synonyme de
détention.
Sans surprise, à la fin
de son exposé, c'est un auditorium en délire qui s'est levé comme
une seule personne pour applaudir la ministre. Je suis sur que
l'espoir qu'a fait naitre Christiane Taubira durant les débats pour
le mariage pour tous dans le cœur du peuple de gauche s'est
intensifié en ce samedi 24 août en la voyant défendre sa réforme
pénale.
Affiche du PRG pour l'élection présidentielle 2002 |
La popularité justifiée
de Christiane Taubira à gauche est absolument remarquable. Il ne
faut pas oublier que durant les 10 dernières années, elle a été
considérée comme en partie responsable de l'absence de Lionel
Jospin au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Plus
que Dominique Voynet, plus que Jean-Pierre Chevènement, c'est la
candidate du PRG qui a cristallisé les tensions et les griefs. J'en
viens à me poser la question, et si nous nous étions trompés en
2002 ? Ne faut-il pas relire l'histoire à la lumière des
informations récentes ? Ne serait-ce pas Lionel Jospin qui a
fait perdre Christiane Taubira et ainsi la gauche ? Moi le
premier, j'ai surement pêché par ignorance. J'avoue n'avoir jamais
vraiment cherché à connaître Christiane Taubira avant 2012. Son
livre « Mes météores » montre son passé, son
caractère. C'est cette Christiane Taubira que la France découvre
depuis un an à la tête du ministère de la Justice. Je me dis que
c'est cette Christiane Taubira qui aurait pu mener la Gauche au
combat de l'élection présidentielle. Son énergie et sa volonté
aidée par la puissance de feu de l'appareil PS auraient fait d'elle
une candidate intouchable. Je ne vais pas refaire le monde avec des
« si », mais avec ce cas de figure, l'argument massue du
« vote utile » n'aurait peut-être jamais vu le jour, le
FN n'aurait peut-être jamais gouté aux joies d'un second tour, un
Nicolas Sarkozy n'aurait peut-être jamais réussi à devenir ce
qu'il est devenu...
Toujours est-il qu'il est
impossible de revenir sur le passé. C'est même de tout ce passif
qu'a émergé aux yeux de la France entière cette personnalité
incroyable qu'est Christiane Taubira. J'ai ainsi l'espoir que l'on
tient aujourd'hui la Garde des Sceaux qui va faire entrer la Justice
dans le XXIème siècle en mettant en place toutes les conditions
nécessaires pour une Justice plus libre, plus juste, plus moderne.
On me l'a tellement reproché ... mon vote de 2002 !
RépondreSupprimer;-)
Tu étais trop en avance pour l'époque
SupprimerPour approfondir le sens des positions défendues par Christiane TAUBIRA en matière pénale, tu lirais avec bonheur un classique : La défense sociale nouvelle, de Marc Ancel.
RépondreSupprimerhttp://www.decitre.fr/livres/la-defense-sociale-nouvelle-9782254824038.html
Que d'années perdues, en effet et que de souffrances qui auraient pu être évitées,pour les plus fragiles. Merci pour cette superbe note.
Merci pour la recommandation de lecture, je vais essayer d'y jeter un coup d'oeil (et donc au moins voir si l'ouvrage me semble accessible)
SupprimerJ'apprécie sur le discours énormément Mme Taubira.
RépondreSupprimerSi vous voulez plus la connaitre, il existe un document sur taubira 2002 qui est passé sur Médiapart, il nous la montre durant sa campagne. On sent déja cette facilité pour exposer ses idées et sa culture.
Le seul gros point négatif, elle me semble trés autoritaire et pas du tout dans la communication non violente. Ca a l'air de se confirmer avec la valse de ses conseillers au sein de son ministère.
Avez vous un avis sur son autoritarisme ?
Aucun avis sur son supposé autoritarisme puisque je n'ai jamais eu l'occasion de la côtoyer.
SupprimerAprès, je ne comprends pas pourquoi on s'inquiète de son autoritarisme et pas de celui de Valls ou Montebourg qui ne se laissent surement pas marcher sur les pieds non plus...
Oula je ne trouve pas Montebourg et encore moins Montebourg moins autocariste, je dis juste qu'une personne qui se revendique de gauche devrait par moment se poser des questions sur son management.
SupprimerOn ne peut pas d'un coté être contre le harcèlement, les persécutions et de l'autre se comporter comme des vrais méchants oiseaux avec les personnes qui nous entoure.
C'est en cela que j'ai une grande estime pour notre président . Il a l'air de respecter les gens dans ses paroles.
Donc toujours la même question un politique doit il agir en oubliant de ses valeurs ?
Etre autoritaire, ce n'est pas oublier ses valeurs. On peut être autoritaire sans harceler ou persécuter.
SupprimerJe les trouve plutot autoritaire au sens où ils passent toujours par la tentative d’exercer sur l’autre une violence morale : vouloir dominer, contraindre, imposer,...
RépondreSupprimerChacun veut dominer car ils sont ministres et ont de l'influence.
Je n'apprécie pas ce management qui oublie les valeurs au service d'ambition personnelle.
Quand Valls fait la tournée des médias en voulant écraser les idées de Taubira je trouve ca génant.
Quand Montebourg se permet de critiquer Ayrault en disant que la France ne se dirige pas de la même maniere que Nantes en étant plus violent encore dans le discours je trouve ca trés violent.
C'est tout ca qui me fait dire que dans leurs actions, ces personnes n'ont rien de socialiste.