dimanche 25 août 2013

Taubira superstar


Christiane Taubira à La Rochelle
L'événement était noté dans mon agenda depuis la publication du programme de l'université d'été du PS à plus d'un titre. Traditionnellement, ce sont les ateliers ayant pour thème la Justice qui m'intéressent le plus (j'ai d'ailleurs encore en mémoire la projection du film sur l'activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le débat qui suivit en 2011). De plus cette année, coup de chance, l'atelier au nom le plus accrocheur traitait du sujet : « Justice partout, ingérence nulle part ». Enfin, une des ministres, si ce n'est LA ministre, préférée du peuple de gauche, Christiane Taubira, est l'intervenante principale. De nombreux agendas devaient être similaire au mien puisque l'atelier fut déplacé dans l'auditorium Michel Crépeau, la deuxième plus grande salle de ces universités estivales, et cet auditorium fit salle comble, certains militants se sont même vus refuser l'accès faute de place.

L'après-midi avait bien commencé pour Christiane Taubira puisqu'elle eut le droit à l'un des meilleurs comités d'accueil à l'Espace Encan entre nuée de caméras et nombre de militants scandant son nom et l'applaudissant à son passage. Le message est clair, Christiane Taubira (qui n'est pas encartée au Parti Socialiste) est bien LA chouchou des militants, loin devant Valls, Montebourg et même Royal. Signe fort de sa popularité, la ministre de la Justice aura le plaisir de voir au premier rang du public une ancienne camarade de gouvernement, Martine Aubry.

Symbole de l'impatience des militants, alors que pour tous les autres ateliers, le ministre en charge du sujet était le dernier orateur, passant après les différents invités, pour cet atelier uniquement, la parole fut donnée immédiatement à la Garde des Sceaux. Le contenu de son discours allia simplicité, pédagogie et intimité. Si le point à aborder est léger, elle minaude, si le point est ardu, elle explique calmement et clairement, si le point est une réponse aux attaques de l'opposition, elle n'hésite pas à monter le volume et à se défendre, voire attaquer, vertement.

Sur la méthode, Christiane Taubira nous a expliqué certaines de ses volontés comme la volonté de réaliser une grande réforme (« de tout mettre dans la brouette ») et non une multitude de petites lois (comme la tant attendue suppression des peines planchers). Cette volonté de tout regrouper permet aussi d'avoir au moment de l'examen du projet de loi au Parlement toutes les données pour débattre sur le sujet. Autre volonté ministérielle qui suit également la démarche chère à François Hollande, le besoin de synthèse. C'est pourquoi en plus des différentes commissions et autres groupes de travail, le ministère a mis en place un « Jury de consensus » regroupant différents représentant du monde judiciaire mais aussi un commissaire divisionnaire et un commandant de gendarmerie. Preuve, s'il l'était encore nécessaire, du travail réalisé en lien avec ceux qui ont pour objectif de faire respecter l'ordre et faire régner la sécurité.

Sur le fond, Christiane Taubira a fourni énormément d'informations également. La première sur la population pénitencière annonçant la création de 6 500 places de prison supplémentaires. Elle est également revenue sur la volonté de l'ancien gouvernement de créer 80 000 nouvelles places sans qu'aucun financement n'ait été prévu à l'époque (soit 20 milliards d'euros à trouver pour la réalisation de cet objectif).
La ministre a tenu a rassuré les sceptiques (ils n'étaient pas nombreux dans la salle), si les peines planchers seront abolies, les articles du code pénal prévoyant le doublement des peines en cas de récidive ne seront pas touchés par la réforme.
Que ce soit pour les peines planchers ou pour les remises en liberté, la réforme se veut être la fin de l'automaticité. La fin des peines planchers provoquera un retour à l'indivisualisation des peines et permettra une meilleure prise en compte (grâce à une meilleure mise à disposition des informations) des dossiers personnels afin de permettre au juge de définir la peine la mieux adaptée aux cas de chaque condamné. Les fins de peine seront également revues. D'après les analyses de la ministre, c'est parce que 90 % des détenus ont une sortie sèche (donc un retour brutale et non accompagnée à la liberté) qu'ils sont des récidivistes en puissance. Un des axes de cette réforme sera donc de prévoir des dispositifs de sortie progressive (par exemple en laissant un détenu sortir la journée pour aller travailler tout en l'obligeant à rentrer chaque soir dans sa cellule).
Enfin, et ceci peut toujours être mis sous le signe de la fin de l'automaticité, la fin de la détention comme l'alpha et l'omega de la palette des peines. Sanctionner ne doit plus être systématiquement synonyme de détention.

Sans surprise, à la fin de son exposé, c'est un auditorium en délire qui s'est levé comme une seule personne pour applaudir la ministre. Je suis sur que l'espoir qu'a fait naitre Christiane Taubira durant les débats pour le mariage pour tous dans le cœur du peuple de gauche s'est intensifié en ce samedi 24 août en la voyant défendre sa réforme pénale.

Affiche du PRG
pour l'élection présidentielle 2002
La popularité justifiée de Christiane Taubira à gauche est absolument remarquable. Il ne faut pas oublier que durant les 10 dernières années, elle a été considérée comme en partie responsable de l'absence de Lionel Jospin au second tour de l'élection présidentielle de 2002. Plus que Dominique Voynet, plus que Jean-Pierre Chevènement, c'est la candidate du PRG qui a cristallisé les tensions et les griefs. J'en viens à me poser la question, et si nous nous étions trompés en 2002 ? Ne faut-il pas relire l'histoire à la lumière des informations récentes ? Ne serait-ce pas Lionel Jospin qui a fait perdre Christiane Taubira et ainsi la gauche ? Moi le premier, j'ai surement pêché par ignorance. J'avoue n'avoir jamais vraiment cherché à connaître Christiane Taubira avant 2012. Son livre « Mes météores » montre son passé, son caractère. C'est cette Christiane Taubira que la France découvre depuis un an à la tête du ministère de la Justice. Je me dis que c'est cette Christiane Taubira qui aurait pu mener la Gauche au combat de l'élection présidentielle. Son énergie et sa volonté aidée par la puissance de feu de l'appareil PS auraient fait d'elle une candidate intouchable. Je ne vais pas refaire le monde avec des « si », mais avec ce cas de figure, l'argument massue du « vote utile » n'aurait peut-être jamais vu le jour, le FN n'aurait peut-être jamais gouté aux joies d'un second tour, un Nicolas Sarkozy n'aurait peut-être jamais réussi à devenir ce qu'il est devenu...

Toujours est-il qu'il est impossible de revenir sur le passé. C'est même de tout ce passif qu'a émergé aux yeux de la France entière cette personnalité incroyable qu'est Christiane Taubira. J'ai ainsi l'espoir que l'on tient aujourd'hui la Garde des Sceaux qui va faire entrer la Justice dans le XXIème siècle en mettant en place toutes les conditions nécessaires pour une Justice plus libre, plus juste, plus moderne.

9 commentaires:

  1. On me l'a tellement reproché ... mon vote de 2002 !
    ;-)

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  2. Pour approfondir le sens des positions défendues par Christiane TAUBIRA en matière pénale, tu lirais avec bonheur un classique : La défense sociale nouvelle, de Marc Ancel.
    http://www.decitre.fr/livres/la-defense-sociale-nouvelle-9782254824038.html
    Que d'années perdues, en effet et que de souffrances qui auraient pu être évitées,pour les plus fragiles. Merci pour cette superbe note.

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    1. Merci pour la recommandation de lecture, je vais essayer d'y jeter un coup d'oeil (et donc au moins voir si l'ouvrage me semble accessible)

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  3. J'apprécie sur le discours énormément Mme Taubira.

    Si vous voulez plus la connaitre, il existe un document sur taubira 2002 qui est passé sur Médiapart, il nous la montre durant sa campagne. On sent déja cette facilité pour exposer ses idées et sa culture.

    Le seul gros point négatif, elle me semble trés autoritaire et pas du tout dans la communication non violente. Ca a l'air de se confirmer avec la valse de ses conseillers au sein de son ministère.
    Avez vous un avis sur son autoritarisme ?

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    1. Aucun avis sur son supposé autoritarisme puisque je n'ai jamais eu l'occasion de la côtoyer.
      Après, je ne comprends pas pourquoi on s'inquiète de son autoritarisme et pas de celui de Valls ou Montebourg qui ne se laissent surement pas marcher sur les pieds non plus...

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    2. Oula je ne trouve pas Montebourg et encore moins Montebourg moins autocariste, je dis juste qu'une personne qui se revendique de gauche devrait par moment se poser des questions sur son management.

      On ne peut pas d'un coté être contre le harcèlement, les persécutions et de l'autre se comporter comme des vrais méchants oiseaux avec les personnes qui nous entoure.

      C'est en cela que j'ai une grande estime pour notre président . Il a l'air de respecter les gens dans ses paroles.

      Donc toujours la même question un politique doit il agir en oubliant de ses valeurs ?

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    3. Etre autoritaire, ce n'est pas oublier ses valeurs. On peut être autoritaire sans harceler ou persécuter.

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  4. Je les trouve plutot autoritaire au sens où ils passent toujours par la tentative d’exercer sur l’autre une violence morale : vouloir dominer, contraindre, imposer,...
    Chacun veut dominer car ils sont ministres et ont de l'influence.

    Je n'apprécie pas ce management qui oublie les valeurs au service d'ambition personnelle.
    Quand Valls fait la tournée des médias en voulant écraser les idées de Taubira je trouve ca génant.
    Quand Montebourg se permet de critiquer Ayrault en disant que la France ne se dirige pas de la même maniere que Nantes en étant plus violent encore dans le discours je trouve ca trés violent.

    C'est tout ca qui me fait dire que dans leurs actions, ces personnes n'ont rien de socialiste.

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