mardi 20 mai 2014

Guaino la Justice

Si j'étais à l'UMP, certains jours je me dirais que c'est trop gros, que certaines personnes essayent de saboter notre campagne électorale en sortant des affaires invraisemblables. Comment oser penser que des personnes sensées puissent dépenser 20 millions d'euros dont une bonne partie dans l'organisation d'événements fictifs ou d'une envergure bien moindre que ne le laisserait penser le coût de l'organisation ? Il y a d'autres jours, comme aujourd'hui, où je me dirais que vu les bras cassés qui ont accompagné au plus près le précédent président, il est encore incroyable que ce parti arrive encore à convaincre des électeurs.

Comment qualifier l'acte de bravoure du député Henri Guaino qui demande lui-même à l'Assemblée Nationale de l'empêcher d'être inquiété par la Justice ? Ce député est accusé d'avoir "cherché à jeter le discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance". En effet, alors que le juge Gentil mettait en examen Nicolas Sarkozy, Henri Guaino a ouvertement critiqué une décision d'un juge mais mis en doute le travail de ce juge. Petit florilège du 22 mars 2013:
  • "Est-ce qu’on pouvait imaginer qualification plus grotesque, accusation plus insupportable."
  • "Je trouve que cette décision est irresponsable parce qu’elle n’a pas tenu compte des conséquences qu’elle pouvait avoir sur l’image du pays."
  • "je conteste la façon dont il a fait son travail, je la trouve indigne, voilà je le dis, il a déshonoré un homme, il a déshonoré des institutions, il a aussi déshonoré la justice".
Rebelote le 25 mars 2013:
  • "Cette accusation est honteuse, je le répète."
  • "Je l’ai dit, je trouve que le juge dans cette affaire a déshonoré la justice"
  •  "Mais pourquoi l’a-t-on fait ? Parce qu’on n’avait rien d’autre ? C’est une salissure."

Ce député réclame donc la suspension des poursuites pour outrages à magistrat. Sa résolution déposée à l'Assemblée Nationale est fournie et détaille longuement pourquoi il demande cette faveur. Il rappelle, à juste titre, que cette procédure a déjà été utilisée sous le 3ème, 4ème et 5ème République. Pour l'actuelle république, il rappelle même les précédents :
"En 1963, la première a été déposée par André Bord pour le député Raymond Schmittlein poursuivi pour un délit de presse.

En 1980, la deuxième demande a été déposée par Gaston Defferre pour huit députés socialistes, dont Jean Auroux, Claude Evin, Laurent Fabius, François Mitterrand, poursuivis, pour six d’entre eux, pour avoir enfreint la loi en participant à des émissions sur des radios libres et, pour les deux autres, pour avoir participé à des manifestations ayant entravé la circulation des trains.

La même année, Robert Ballanger a demandé la suspension des poursuites engagées contre Maurice Nilès, député communiste, également pour sa participation à des émissions sur des radios libres.
"

La majeure partie de ces demandes de suspension de poursuite concerne des poursuites liées à une participation à des radios libres, certes interdites à l'époque, mais autorisées dès 1982 par le gouvernement socialiste, composé de nombreuses personnes impliquées dans la demande de suspension déposée par Gaston Deferre. Je n'ai pas trop de difficultés à considérer qu'il est moins grave pour les libertés individuelles et collectives de participer à une émission de radio que de mettre ouvertement en doute le travail de le justice. Ne serait-ce qu'au niveau de l'exemplarité de la fonction d'élu, comment peut-on être appelé à légiférer sur des projets de loi ayant traits à la Justice (notamment dans les semaines à venir) quand on ne respecte pas la fonction de juge dès que ce dernier agit contre vos propres intérêts.

Par sa demande de suspension, Henri Guaino montre qu'il ne se considère pas comme un simple citoyen mais comme un citoyen au dessus des lois, pouvant publiquement dénigrer la volonté de travailler d'un juge. Henri Guaino est accusé car il a exprimé sa volonté qu'un Président de la République ne puisse pas être jugé durant son mandat mais ne puisse pas non plus être jugé après son mandat, pour des faits datant d'avant son élection. 

Si je comprends bien monsieur Guaino, les députés ne seraient pas soumis à la Justice française au même titre que les autres citoyens. Mieux encore, d'après lui, une fois élu, un Président de la République gagnerait une immunité à vie pour toutes ses actions, afin de ne pas entacher l'image de la France. Les républiques bananières n'ont pas leur image entachée par leur président intouchable ? Les monarchies n'ont pas leur image entachée par leur famille royale intouchable ? Monsieur Guaino devrait réfléchir. C'est en faisant respecter le droit que l'on redore l'image d'un pays, pas en demandant publiquement des passe-droits. 

Au final, ce n'est même pas la peine d'en faire tout un plat parce qu'Henri Guaino n'a trouvé personne osant appuyer sa résolution de suspension. Sa demande, qu'elle soit déposée par lui ou par Jean-François Copé, est assez éloquente pour ne pas en rajouter.

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