La primaire de l'UMP pour la désignation du ou de la candidate à la mairie de Paris est ouverte depuis vendredi matin. Le scrutin se terminera lundi soir. Cette primaire locale ouverte à tous les citoyens se voulait le pendant à droite de la primaire citoyenne organisée par le PS et le PRG à l'automne 2011 pour choisir leur candidat à l'élection présidentielle.
De nombreuses discussions se sont tenues pour déterminer la meilleure organisation possible. Un consensus s'est formé au début de l'année 2013 sur un calendrier assez simple : course aux parrainages pour les prétendants / campagne électorale en parallèle de la phase d'inscription sur les listes électorales propres à la primaire / vote sur internet. Bref, tout semblait en place pour que cette campagne et ce vote se déroulent dans les meilleures conditions. Suite à l'élection de François Hollande, Laurent Binet, qui l'avait suivi du début des primaires jusqu'au soir du second tour de l'élection présidentielle, avait publié son récit de campagne avec un titre qui résumait sa pensée, "Rien ne se passe comme prévu". Dans un registre totalement différent, pour cette primaire à droite aussi, rien ne se passe comme prévu.
La course aux parrainages devait permettre d'éviter les candidatures farfelues. Au final, 6 candidats ont réussi à rassembler les signatures demandées, ce qui est un nombre tout à fait honorable pour une élection, surtout que parmi ces 6 candidats se trouvaient 2 anciennes ministres (Rachida Dati et Nathalie Kosciusko-Morizet), un maire d'arrondissement (Jean-François Legaret), un président-délégué d'un parti allié à l'UMP (Franck Margain, du Parti Chrétien Démocrate), un conseil d'arrondissement (Pierre-Yves Bournazel) et un entrepreneur (Chenva Tieu). Premier accroc, malgré ses signatures, Rachida Dati retire rapidement sa candidature en mettant en cause l'organisation des primaires : "Que l'UMP désigne NKM et commençons la campagne municipale maintenant ! Elle a déjà été choisie par les médias et le système, la réalité est celle-là, même si je le regrette pour les autres candidats." Deuxième accroc, le candidat Chenva Tieu est déclaré inéligible pendant un an suite à sa campagne menée lors des dernières élections législatives, il se retire donc de la course.
La phase d'inscription sur les listes est ouverte le 22 avril et doit se clôturer le 28 mai au soir, quelques jours avant l'ouverture du scrutin. L'inscription se fait uniquement via internet et coute 3€. Toute personne inscrite sur les listes électorales parisiennes peut s'inscrire. Nouvel accroc, les inscriptions sont loin de répondre aux attentes des organisateurs. Au 28 mai, moins de 20 000 électeurs se sont inscrits. En guise de comparaison, c'est à peu près le nombre de votants au niveau nationale à la primaire ouverte d'Europe Ecologie Les Verts en 2011. Le PS avait mobilisé plus de 160 000 électeurs uniquement à Paris pour déterminer son candidat à l'élection présidentielle. Dernier chiffre, mais pas le moindre, l'UMP compterait en 2013 environ 30 000 adhérents parisiens. Il y a donc au moins 1/3 des adhérents parisiens qui n'ont pas souhaité participer à ce vote. Ce chiffre de l'abstention dans les rangs de l'UMP est fort probablement plus élevé encore puisque l'inscription est ouverte à tous. Conséquence, un autre point noir s'ajoute au tableau. La direction de l'UMP choisit en plein milieu de la campagne des primaires de modifier les règles et d'autoriser les inscriptions jusqu'à la fin du 1er tour, ceci sans avoir l'accord de 3 des 4 candidats, ce qui alimentera des premiers soupçons de fraude en interne.
La campagne électorale devait se dérouler dans une bonne ambiance. Les candidats s'étaient engager "à se respecter mutuellement et à ne pas tenir de propos offensants ou
risquant d’amoindrir leurs chances de victoire à l’élection municipale
parisienne." Si les candidats ont globalement joué le jeu (à part une menteuse à destination de NKM et d'autres petits pics), le principal accroc risquant d'amoindrir les chances de victoire finale est venu de Guillaume Peltier qui s'est invité dans la campagne parisienne pour appeler à faire front contre la favorite Nathalie Kosciusko-Morizet à cause de son absence de prise de positions lors du débat sur le mariage pour tous.
La tenue du vote se devait d'être exemplaire après la mauvaise image montrée lors de la primaire interne de l'automne 2012 pour la désignation du chef de l'UMP. L'UMP a donc fait appel à un prestataire externe, filiale de La Poste pour gérer le système de vote. Le vote électronique semble avoir été privilégié pour 2 raisons :
- le temps de préparation : fin janvier, un élu UMP du 4ème arrondissement, Vincent Roger, expliquait "les socialistes ont mis un an pour organiser leur primaire présidentielle en 2011 à Paris ; il y avait 203 bureaux de vote. Ça ne s’improvise pas."
- le coût : le site de la primaire UMP rappelle que l'organisation a couté 225 000€ au PS uniquement pour la mise à disposition des locaux.
De plus, l'UMP garantit que toute l'organisation du vote est réalisée en accord avec les recommandations de la CNIL... Pas de chance, la CNIL déconseille explicitement de recourir au vote électronique pour des élections politiques, comme le rappelait encore cette semaine Elooooody. Autre faute à pas de chance, le coût de l'organisation du vote devrait être aux alentours de 150 000€, donc pas si loin du coût de la primaire socialiste. Mais à 3€ le prix fixe pour l'inscription, il faudrait au moins 50 000 inscrits pour commencer à rentrer dans les frais. Il en manque donc 30 000...
Mais le pire reste à venir. Depuis l'ouverture du vote en ligne, des journalistes de Métro et du Nouvel Obs ont donné raison à la CNIL. Ils ont montré preuve à l'appui qu'il était facilement possible d'inscrire des personnes contre leur consentement puis de voter à leur place. Déjà que des soupçons de fraude occupaient l'esprit des "petits candidats", il ne leur en a pas fallu plus pour demander l'arrêt du scrutin.
Après avoir longuement critiqué la primaire socialiste en 2011, j'imagine que les dirigeants UMP n'ont pas voulu perdre la face en reprenant la recette qui fut un succès. Pourtant, le contact humain est primordial. Je suis convaincu qu'une des raisons du succès de la primaire de l'automne 2011 fut le grand nombre et la grande visibilité des bureaux de vote. Les sympathisants, mais aussi les curieux, ont pu venir observer le déroulement avant de se décider de participer ou pas. De plus la présence de militants pour expliquer le déroulement a aussi permis de rassurer les plus inquiets mais aussi d'expliquer correctement le fonctionnement. Ces explications ont été très utiles à la partie la plus agée de l'électorat qui n'est pas obligatoirement la plus à l'aise avec l'informatique et encore moins avec les paiements sur le web.
Cette primaire avait toutes les cartes en main pour en faire un succès : des candidatures diverses et variées avec deux prétendantes de stature nationale (puisque anciennes ministres), une volonté théoriquement légitime de changement pour les sympathisants de droite après 12 ans de gauche à l'Hôtel de Ville, des retours d'expériences récents à Paris ou dans d'autres grandes villes européennes et un soit disant peuple qui gronde et qui veut mettre à mal le gouvernement socialiste en place. Au final, la faible participation qui se profile semble indiquer une certaine satisfaction de l'action des socialistes à la tête de la ville de Paris, cette participation semble aussi ne pas avoir réussi à capitaliser sur les dizaines de milliers de Parisiens qui se mobilisaient contre la loi Taubira et l'UMP montre une nouvelle fois une image d'un parti qui agit à vue, sans retenir les leçons du passé et sans trop réfléchir à la mise en application de leurs idées. Heureusement pour eux, les municipales auront lieu dans 10 mois, le ou la candidate désignée aura le temps d'essayer de gommer ce mauvais début de campagne.
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