mardi 8 avril 2014

Père Frans, une des 150 000 victimes en Syrie


Le père Frans (à droite) célébrant une messe
à Homs en 2007
Il y a des nouvelles affreuses qui vous arrivent de bon matin et dont il est difficile de faire abstraction. Ce matin, le point info de 8h01 a une nouvelle fois évoqué le conflit syrien en une simple phrase. Inutile d’en faire plus que de rappeler inlassablement que ce conflit est sans fin et que quotidiennement des personnes y meurent. Pourtant cette phrase, prononcée rapidement entre 2 autres sujets m’a fait poussé un cri d’effroi. Quel était le sujet précédent ? Quel était le sujet suivant ? Aucune idée, le point info de 8h ce matin, débuté sous les excuses de Marc Voinchet pour cette minute de retard, s’est résumé en cette unique phrase.

« Le père Frans Van Der Lugt a été assassiné devant son domicile à Homs, en Syrie. »
J’avais eu la chance de rencontrer le père Frans lors de mes deux séjours syriens. Le prêtre animait la communauté chrétienne de Homs depuis de nombreuses années. Je l’avais tout d’abord rencontré pour le mariage de mon cousin. Si la religion n’est pas le domaine principal des préoccupations dans ma famille, le père Frans réussissait à nous atteindre avec ces mots. De la même façon, quand je l’ai revu quelques années plus tard, animant un de ces nombreux week-ends pour la jeunesse de Homs, il discutait librement, malgré la différence d’âge avec ses jeunes protégés, de la vie quotidienne, de l’avenir.

Depuis le début du conflit syrien, le père Frans avait décidé de rester à Homs. La Syrie était devenue son pays d’adoption et il ne voyait pas pourquoi il l’abandonnerait dès que la situation tournait au vinaigre ou, dans le cas présent, à l’état de siège. En début d’année 2014, peu de temps avant le 3ème anniversaire du conflit, il avait lancé un appel à l’aide à la communauté internationale. Homs mourrait du siège des forces d’Al Assad. La nourriture manquait à toute la population cloitrée dans la ville. Les nouveau-nés étaient difficilement alimentés. Le prêtre hollandais expliquait : "Notre ville est devenue une véritable jungle. Nous faisons de notre mieux pour agir fraternellement, de manière à ne pas nous retourner les uns contre les autres à cause de la faim." Il expliquait également les conséquences de cet enfermement forcé sur l’état psychologique des habitants : "Certains souffrent de troubles mentaux : névrose, crises de panique, épisodes psychotiques et schizophréniques, paranoïa. J'essaie de les aider, non pas en analysant leurs problèmes, car ils sont flagrants et il n'y a pas de solution ici, mais en les écoutant et en leur donnant le plus de nourriture possible."

Lundi 7 février, le père Frans est mort abattu d’une balle dans la tête. Son nom rejoint les 150 000 victimes syriennes depuis 2011. C’est la première fois que je suis confronté à la mort d’une personne au sein d’un conflit. Toutes mes pensées vont vers ses proches et toutes les personnes qui l’ont côtoyé ne serait-ce qu’une journée.

1 commentaire:

  1. et jusque lors 0 commentaire à ton billet. Non que je me moque, loin de là, mais peut-etre cette impression désagréable autant que scandaleuse qui veut que de la Syrie, en France, tout le monde s'en fout. Ou peu s'en faut.

    RIP sincère pour le père Frans

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