Internet c'est le mal. Les gens y font n'importe quoi et se croient en totale impunité. Ils n'hésitent pas à jouer à Candy Crush Saga (et à envoyer des invitations à leurs collègues pendant les heures de boulot), ils commentent ou les lisent tous les commentaires associés aux articles des sites d'informations, bref ils ont des comportements incompréhensibles. Ce comportement incompréhensible fait peur aux dirigeants de tous les pays. Du coup il faut chercher à créer des lois rapidement pour empêcher le pire de l'internet.
C'est une question classique qui taraude les gouvernements de presque tous les pays depuis une dizaine d'années. Sous le précédent quinquennat, il était assez rigolo de se moquer des débats parlementaires qui ont accompagné la création d'HADOPI, cette haute autorité prête à couper l'accès internet des dangereux criminels qui osent télécharger le dernier épisode de Plus Belle La Vie. Je ne vais pas défendre ici le téléchargement illégal mais les débats et les solutions mises en place ne sont pas au niveau, loin de là. Le problème devient plus problématique quand la peur de l'internet se transforme en danger même pour les utilisateurs classiques et lambda.
Par exemple, au Royaume Uni, le gouvernement conservateur souhaite l'aide de Facebook et de Twitter pour sauvegarder toutes les données transitant sur leur site et les transmettre sur demande des services de renseignements britanniques. Mieux, David Cameron propose même d'empêcher les anglais d'utiliser WhatsApp, iMessage ou Facetime car ces applications cryptent leurs communications. Imaginez-vous le Premier Ministre britannique demander à chaque opérateur téléphonique d'enregistrer toutes les conversations ou la Poste photocopier tous vos courriers ? Ou des gouvernements interdisant les pigeons voyageurs au 13ème siècle, ou l'utilisation du téléphone au début du 20ème siècle car ils ne maitrisent pas la technologie ?
Autre exemple tout aussi inquiétant, si ce n'est plus car il nous concerne nous, la censure du net. La loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, appelée aussi loi Cazeneuve, a été adoptée le 29 octobre 2014. Cette loi met en place différentes mesures pour lutter contre le terrorisme, pour suivre ses nouvelles formes ou pour mieux appréhender les citoyens français partis en Syrie en tant que djihadistes. Cette loi avait également fait légèrement parler d'elle dans les débat à cause de son article 9 :
"L’article 9 complète les dispositions de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique afin de prévoir la possibilité, pour l’autorité administrative, de demander aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès aux sites provoquant aux actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques. La régularité de l’établissement de la liste des sites dont l’accès est bloqué est soumise au contrôle d’un magistrat judiciaire. De manière logique, les fournisseurs d’accès sont également astreints à l’obligation de surveillance limitée prévue par la loi du 21 juin 2004."
Le problème de cette mesure est ce principe de fermeture demandée par une autorité administrative et non judiciaire. Cette mesure existait déjà pour la pédopornographie et c'était un peu moins choquant. Il faut avouer que des photos d'enfants visiblement mineurs, c'est quelque chose d'assez reconnaissable et donc plus facilement interdisable. Un "site provoquant aux actes terroristes ou en faisant l'apologie", c'est tout de suite moins facilement identifiable. C'est toujours répréhensible, mais à condition qu'on y mette formes et manières. Ces formes et ces manières sont simples, il faut faire appel à un juge, personne la plus à même à émettre un jugement et à faire appliquer la loi. Est-ce par solidarité gouvernementale ? Toujours est-il que l'esprit de ce texte refait surface dans un communiqué de presse de Christiane Taubira présentant des mesures pour lutter contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations :
"Confier à l’autorité administrative la possibilité de bloquer les sites et messages de haine raciste ou antisémite."
Ce matin, Valérie Pécresse proposait le plus sérieusement du monde de "déroger à certaines dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme" en empêchant les anciens djihadistes de revenir sur le territoire français. Cette proposition soutenue par Nicolas Sarkozy est heureusement refusée par Bernard Cazeneuve. Pourtant proposer de censurer des sites web sur simple demande administrative, sous contrôle direct de la police, sans faire appel à une autorité judiciaire, n'est-ce pas s'approcher dangereusement de la transgression de la convention européenne des droits de l'homme?
J'ai toujours cette étrange sensation que ce qui se passe sur internet déboussole nos politiques. Déboussolés, ils perdent logiquement leurs repères et commencent à paniquer. Du coup, face à l'inconnu, ils agissent étrangement, oubliant leur bon sens.
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