Après les événements de la semaine dernière, le temps
devient celui de la réflexion, de l’analyse. Comme le rappelait Manuel Valls dans un très beau discours à l’Assemblée Nationale, la France est en
guerre contre le terrorisme. Ce ne sont pas les terroristes français qui ont
poussé la France dans cette guerre puisque nos militaires sont déjà au front
depuis 2013 en intervenant au Mali, en Centrafrique et en Irak. Il a profité de
l’occasion pour rappeler que si la France est en guerre contre le djihadisme et
le terrorisme, elle "n’est pas en guerre contre l’islam et les Musulmans",
contrairement ce qu’ont pu penser les extrémistes défilant contre l’islamisation
de la France.
Manuel Valls, ex-premier flic de France et toujours accolé à
cette image sécuritaire, n’a pas (pas encore ?) fait le faux-pas vers une
dérive sécuritaire comme les Américains ou les Anglais ont pu le faire quand
ils furent victime eux aussi du terrorisme. "A une situation exceptionnelle doivent
répondre des mesures exceptionnelles. Mais je le dis aussi avec la même
force : jamais des mesures d’exception qui dérogeraient aux principes
du droit et des valeurs."
Heureusement, aurions-nous envie de dire quand on se
rappelle que la précédente loi anti-terroriste fut votée en fin d’année 2014 et
prévoit déjà une lutte active contre le djihadisme. Le Premier Ministre l’a
souligné mardi dernier :
"Le Parlement a déjà voté deux lois anti terroristes
encore il y a quelques semaines à une très large majorité, les décrets
d’application sont en cours de publication. Le Parlement s’est déjà saisi des
questions relatives aux filières djihadistes."
Il a même souligné l’action du
ministère de la Justice et implique celle-ci dans l’accompagnement du personnel
qui doit gérer au jour le jour ces personnes attirées par le djihad, en premier
lieu les personnes de la protection judiciaire de la jeunesse. Et quel symbole
de finir son discours en mettant en avant l’importance de l’éducation. Pour
Manuel Valls, la clef est l’apprentissage de la laïcité dans l’éducation
nationale. Le même jour, Najat Vallaud-Belkacem rappelait que tous les
enseignants stagiaires recevaient une formation sur la laïcité dans les
nouvelles ESPE.
Il faut voir plus loin, plus
grand que la question de la laïcité. La ministre précisait mardi que l’école "n’est
ni la cause de tous les maux, ni le remède à toutes les difficultés de la
société." Elle ne peut pas être la cause car on n’apprend pas à l’école à
détester son voisin, à se tourner vers l’extrémisme quel qu’il soit. Elle ne
peut pas être non plus le remède à toutes les difficultés sinon cela
signifierait que l’on laisse sur le côté tous ceux qui sont sortis du système
scolaire. Pourtant l’école à une place prépondérante et peut expliquer beaucoup
de maux non pas de la France mais de sa jeunesse.
Je suis intimement convaincu que
c’est dans les cours de l’école que les plus jeunes découvrent l’attrait du
radicalisme, radicalisme religieux, mais aussi radicalisme politique. Il suffit
de regarder qui peuple les groupuscules d’extrême-droite comme le Bloc
Identitaire ou ceux d’extrême-gauche comme les confédérations anarchistes. On
retrouve la même chose dans le recrutement de postulant-e-s au djihad. Je suis
aussi intimement convaincu que ce n’est pas en améliorant la formation de nos
enseignants que l’on résoudra le problème. Certes ils seront mieux armés face à
ces jeunes qu’ils ne comprennent pas tout le temps mais ce n’est pas ceci qui
changera le résultat global. Si un jeune éduqué dans l’islam ou convertit dans
son adolescence se tourne vers l’extrémisme, c’est en réaction à une injustice
ressentie, souvent celle de l’abandon par rapport aux autres. Par exemple,
élevé à Grigny, il comprend assez vite que s’il veut avoir autant de chance de
réussir qu’un camarade étudiant en centre-ville calme, il devra trimer beaucoup
plus. Même mécanisme avec un jeune en périphérie de grande ville ou en rase
campagne qui va se tourner vers l’extrême-droite. Il aura ce sentiment d’abandon
car pour lui tout sera fait pour les populations des banlieues dortoir, comme
Grigny par exemple (oui là où l’autre jeune du même âge se sent abandonné par
rapport au centre ville).
Le rôle de l’école, puis de l’enseignement
supérieur, est de permettre une réelle égalité des chances. Aujourd’hui, cette
égalité n’existe pas. C’est même cette inégalité qui fait que tout risque de
dégénérer à un moment ou un autre. C’est ce sentiment d’abandon qui fait
prospérer le vote FN à chaque élection mais surtout qui fait croitre l’abstention.
Heureusement, personne ne m’a attendue pour faire ce constat, Najat Vallaud
Belkacem le répétait mardi également :
"Évidemment, nous n’avons
pas attendu les évènements dramatiques des derniers jours pour poser ces
constats et y apporter des réponses : l’enjeu de la refondation de l’école est
tout entier là, dans ce double défi de rétablir la performance du système
éducatif, en assurant la réussite du plus grand nombre et en luttant contre le
déterminisme social, et de rendre à l’école sa mission et sa place de vivier de
citoyenneté, capable de former des citoyens éclairés, de transmettre et de
faire partager les valeurs de la République. L’école est forte quand elle est
capable de relever ces défis éducatifs, scolaires et citoyens."
La ministre a rappelé que les
réformes commencées dès l’arrivée de François Hollande au pouvoir en 2012 sont
là pour redonner foi en l’éducation. Une meilleure formation des enseignants
pour ne plus avoir l’impression que les enfants des quartiers défavorisés
soient sacrifiés sur l’autel de l’apprentissage des jeunes professeurs, une
réforme du financement des établissements pour être plus efficace dans le
ciblage de ceux qui en ont réellement besoin, le choix de donner une place
véritable à l’enseignement numérique pour ne plus laisser ces jeunes citoyens
seuls face à leur PC et les risques d’un internet non maitrisé ou non compris,
voila tant de points (et ils ne sont pas exhaustifs) qui donnent confiance en
un avenir meilleur. Mais cet espoir est pourtant mince et s’assombrit
rapidement. Pour qu’une politique éducative soit efficace, il faut la mener sur
le long terme. Cinq années ne sont pas suffisantes pour mener à bien une
refondation de l’école. Le double permettrait à peine de voir les résultats sur
les premiers bacheliers ayant eu toutes les chances de leurs côtés.
Comment avoir espoir dans l’avenir
de notre école, dans sa refondation, quand on entend ce que l’opposition a fait
ou prévoit de faire contre l’éducation. Refuser l’apprentissage de l’égalité
des sexes dès le plus jeune âge, c’est donné des arguments aux futurs
extrémistes méprisant les femmes. Réduire les moyens humains de l’éducation
nationale comme ceux d’une vulgaire administration, c’est agrandir le gouffre
qui sépare les milieux les plus favorisés de ceux qui ont le plus besoin d’être
accompagnés. Critiquer ouvertement les capacités du corps enseignant, dénigrer
systématiquement la charge de travail des personnels de l’éducation national
aide à saper toute autorité et tout respect. Quand des jeunes n’ont ni respect,
ni confiance dans le système éducatif, il ne faut pas s’étonner qu’ils finissent
par se tourner vers le pire.
La santé de l’éducation nationale
n’est pas sereine, elle est même balbutiante après tant d’années à recevoir des
coups à sa base. Il faudra beaucoup d’efforts, il faudra beaucoup de temps,
avant que la confiance ne revienne, à condition que l’on continue de croire
dans cette magnifique fabrique à citoyens et que l’on continue de se donner les
moyens pour sa guérison.
A lire :
- le discours de Najat Vallaud Belkacem du 13 janvier 2015 à la réunion des recteurs : http://www.education.gouv.fr/cid85394/mobilisons-l-ecole-pour-les-valeurs-de-la-republique-discours-de-najat-vallaud-belkacem.html
- le discours de Manuel Valls du 13 janvier 2015 à l'Assemblée Nationale : http://www.gouvernement.fr/partage/3118-seance-speciale-d-hommage-aux-victimes-des-attentats-allocution-de-manuel-valls-premier-ministre
Tu as vu des "extrémistes" défilant contre l'islamisation de la France, toi ? Où ça ?
RépondreSupprimerPar exemple Yves de Kerdrel (patron de Valeurs Actuelles), cf. son tweet et la réponse du Crif qui a suivi.
RépondreSupprimerLe "très beau discours" de Valls a érté pondu par d'autres, comme chacun le sait. Inutile de s'extasier!
RépondreSupprimerQuant à la "magnifique fabrique à citoyens", je rigole et n'en dirai pas plus!
Et votre bêtise, quelqu'un vous a aidé à la pondre ?
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