lundi 26 janvier 2015

Une semaine dans le rétro : un apartheid français ?

Une nouvelle semaine post Charlie Hebdo a pris fin. Comme la précédente, elle a commencé par les propos de Manuel Valls. Si la semaine dernière, le Premier Ministre symbolisait l'Union Nationale en recevant les applaudissements des députés suite à son discours au sein de l'Assemblée Nationale, cette fois-ci il symbolise le retour du débat politique. Mardi dernier, Manuel Valls présentait ses voeux à la presse et disait ceci : 
« Ces derniers jours ont souligné beaucoup des maux qui rongent notre pays ou des défis que nous avons à relever. A cela, il faut ajouter toutes les fractures, les tensions qui couvent depuis trop longtemps et dont on parle peu (...) la relégation péri-urbaine, les ghettos - ce que j'évoquais en 2005 déjà - un apartheid territorial, social, ethnique, qui s'est imposé à notre pays ».

On retrouve le Manuel Valls que l'on connaissait avant son entrée au gouvernement en 2012, son franc parler, ses propos murement réfléchis et provoquant des réactions épidermiques à droite comme à gauche. Peut-on en 2015 parler d'un apartheid en France, 24 ans après son abolition en Afrique du Sud ? Wikipedia commence la définition comme étant "une politique dite de « développement séparé » affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées." La politique républicaine française essaye-t-elle vraiment un développement séparé, je ne pense pas, pourtant certaines situations pourraient ressembler à des situations d'apartheid.

Certes, on opposera à Manuel Valls que la République Française se veut la même pour tous ses citoyens, que la mission républicaine se veut égalitaire avec l'école gratuite pour tous, avec l'accès aux soins pour tous et la garantie de sécurité et de justice sur l'intégralité du territoire pour tous les habitants. Mais c'est aussi se voiler la face que de croire qu'une égalité réelle existe sur tout le territoire. Certains Français, parce qu'ils ont la peau plus foncée que la moyenne des Français, se font encore contrôler leur identité bien plus souvent que la moyenne, d'ailleurs si Manuel Valls avait mis en place le récépissé après un contrôle d'identité en 2012 comme attendu, cette discrimination aurait pu baisser. Certains Français, parce que leur nom ne sonne pas correctement ou parce que leur adresse est connotée (une pensée à tous les Coulibaly habitant Villiers-le-Bel ou Trappes), auront plus de difficultés, à conditions égales avec d'autres Français, à trouver un emploi. 

Le constat du Premier Ministre semble correct, même Fabienne Haloui, responsable de la commission Lutte contre le racisme et pour l'égalité des droits au PCF, va dans le sens de Manuel Valls dans les pages de L'Huma. Le constat est accablant pour la droite présente au pouvoir entre 2002 et 2012, notamment pour un Nicolas Sarkozy bien renvoyé dans les cordes par Valls : "Dans ces moments-là, tout le monde, et à commencer par les responsables politiques, ceux qui gouvernent, comme ceux qui hier ont gouverné, doivent être grands, pas petits...". En décembre 2011, Marianne publiait un article édifiant sur l'échec du fameux "plan Marshall" pour les banlieues du président Sarkozy. Les crédits pour la politique de la ville et pour la rénovation urbaine sont en chute libre : "En 2008, 227,3 millions ont été consacrés à la rénovation urbaine, les crédits tombent à 14,3 millions en 2009 mais remonteront en 2010 à 15,67 millions. En 2011, les crédits baissent à nouveau pour atteindre 7,33 millions et remontent à 16,1 en 2012. "
Il l'est aussi pour la gauche. L'échec de Lionel Jospin à l'élection présidentielle en 2002 après 5 années au pouvoir en était une des conséquences. La gauche perd régulièrement des points de confiance dans ces quartiers populaires justement car elle ne répond pas assez aux fortes attentes des habitants de ces quartiers.

On peut s'inquiéter des propos de Valls quand il annonce vouloir mettre en place une "politique du peuplement, pas seulement politique du logement et de l'habitat. Politique du peuplement pour lutter contre la ghettoïsation, la ségrégation". Mais comment ne pas être d'accord avec lui ? Comment ne pas y voir une véritable politique de gauche, comme celle que de nombreux élus locaux de gauche essayent de mettre en place chez eux ? On ne peut pas demander plus de mixité sociale dans les centre-villes si on ne fait rien pour plus de mixité sociale dans les proches périphéries de ces villes. Les intercommunalités, la création de métropoles à l'image du Grand Paris ou du Grand Lyon, on peut espérer qu'une telle politique soit mise en place. On ne peut qu'applaudir si l'Etat vient en aide aux communautés urbaines pour les aider dans ce chantier.

Manuel Valls a réussi en présentant ses voeux à la presse à ce que l'on réfléchisse un peu plus à l'état de la France. Avec ses mots, avec sa méthode, le Premier Ministre est peut être en train de préparer le terrain pour une grande politique de la ville. Il faudra que le gouvernement fasse attention à ses futures annonces. Une politique ambitieuse pour les banlieues demande du temps, il faudra frapper fort et juste pour qu'elle marque rapidement les esprits. Il faudra aussi faire attention à ne pas oublier la grande partie de la France plus rurale qu'urbaine, qui a souvent le sentiment d'être oubliée des politiques d'aménagement du territoire. En ne lésinant pas sur le poids des mots, Manuel Valls a braqué les projecteurs sur un constat sévère. L'attente d'actions et surtout de résultat n'en sera que plus forte.

Pendant ce temps, l'Europe s'apprête à découvrir la Gauche Radicale au pouvoir en Grèce. Nos gardiens de la "vraie gauche" regardent avec envie ce pays si souvent ignoré. Nos politiques europhobes essayent de récupérer cette victoire comme un symbole des peuples contre l'Union Européenne. Rendez-vous dans les semaines à venir pour les premières actions à Athènes et les premiers débats à Bruxelles.

Vivement la semaine prochaine.

2 commentaires:

  1. pourquoi "gauche radicale" ? Extreme gauche, oui !

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    1. Je considère plus les communistes grecs comme d'extrême gauche car ils refusent toute participation à un gouvernement. En même temps, pour moi la frontière est floue entre l'extrême et le radical (à droite comme à gauche).

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