Dessin de Jiho dans le Siné Mensuel n°2 |
Les passerelles entre la gauche radicale et l'extrême-droite sont poreuses. Ce n'est pas une nouveauté. On l'a vu dans les mouvements de voix dans les régions ouvrières où les ouvriers ont progressivement délaissé le Parti Communiste Français pour le Front National. Le Front National n'a pas eu besoin de changer son discours, à croire qu'à force de répéter des contres-vérités le FN a réussi à en faire de véritables arguments. On le voit également quand certains blogs d'extrême-gauche n'hésitent pas à reprendre les délires conspirationnistes anti-américain ou anti-israélien, comme un Jean-Marie Le Pen livré à lui-même.
Dernièrement le Front National a pourtant innové en se lançant dans la défense d'affreux gauchistes, leurs opposants historiques. Bien sur la manœuvre de la famille Le Pen est grossière quand il s'agit de soutenir les victimes de l'attentat à Charlie Hebdo. Le FN, spécialisé dans l'attaque des journalistes, constamment insulté dans les pages de Charlie Hebdo, s'est posé en soutien comme tout le monde. Officiellement, Marine Le Pen et sa stratégie de dédiabolisation ne veulent pas faire d'amalgames et défendent la liberté d'expression pour tous, et surtout pour ceux victimes des lois interdisant l'appel à la haine, à la violence, à l'antisémitisme. Mais chassez le naturel, il revient au galop. La semaine dernière Aymeric Chauprade, monsieur géopolitique au FN et tête de liste aux Européennes en Ile de France, publiait une vidéo appelant à la guerre contre les musulmans, credo repris par Jean-Marie Le Pen, président d'honneur du parti, et Marion Maréchal-Le Pen. Jiho a raison avec son dessin dans l'excellent Siné Mensuel (cf. l'illustration), la pire chose que pouvait faire le FN, c'était soutenir Charlie Hebdo, surtout pour s'en servir de support à la haine des étrangers et des musulmans.
Nouvelle provocation de Marine Le Pen, son soutien envers le parti de gauche radicale en Grèce, Syriza. Cette fois-ci le FN n'hésite pas à faire l'amalgame entre ses propres propositions anti-européennes et la lutte pour cette coalition grecque de changer la politique européenne qui les met à genou depuis près de 5 ans. Si au sein du FN des personnes comme Bruno Gollnisch ne semblent pas avoir de problèmes avec le parti néo-nazi grec Aube Dorée, tout comme des sympathisants FN comme Alexandre Gabriac, le parti ne veut pas se voir associé officiellement à cette trop sulfureuse extrême-droite. Du coup, pour les législatives grecques du 25 janvier, Marine Le Pen n'hésite pas à soutenir Alexis Tsipras et Syriza, tout comme Jean-Luc Mélenchon ou Cécile Duflot. Quand on connaît la haine des "rouges" au FN, j'imagine que de nombreuses dents doivent grincer, à commencer par le président d'honneur du FN. Heureusement, ce soutien de Le Pen à Tsipras n'est pas pris en compte par le leader grec qui rappelait en mai 2014 qu'il n'avait pas du tout la même vision de l'Europe que le FN ou que les anglais de UKIP. Cela pose la question, si la coalition d'extrême-gauche n'était pas donnée favorite, est-ce que Le Pen aurait soutenu publiquement ce mouvement ?
Derrière toute ces gesticulations, la stratégie du FN peut faire sourire. Ils critiquent à longueur de temps une soit disante entente UMPS mais ne cesse de draguer la gauche radicale (enfin ses électeurs non engagés dans la lutte antifa). Pour la famille Le Pen, le spectre politique français n'est plus représenté par un hémicycle mais par un cycle complet où l'extrême-droite n'aurait qu'à tendre la main pour sympathiser avec des gauchistes.
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